dimanche 29 novembre 2020

Blizzard


Le vent, le blizzard, la neige.

La houle, les vagues.

La nuit, les étoiles et la tristesse des anges.

Les éléments se déchaînent, et la poésie m’enchaîne.

Je me retrouve prisonnier du vent, du blizzard, d’une tristesse qui me colle à la peau comme de la neige mouillée et qui dissout lentement mes vieux os. Je m’engouffre dans une taverne, des bruyants ancêtres vikings qui versent et déversent des gobelets métalliques remplis de cervoise se réchauffent joyeusement, pas que la cervoise se serve chaude dans ce coin reculé de la Terre et du monde glacé.

« Les étoiles comme la lune disparaissent et bientôt la clarté, l’eau bleutée du ciel, vient tout inonder, cette délicieuse lumière qui nous aide à nous orienter à travers le monde. Pourtant, elle ne porte pas si loin, cette clarté, elle part de la surface de la terre et n’éclaire que quelques dizaines de kilomètres dans l’air où les ténèbres de l’univers prennent ensuite le relais. Sans doute en va-t-il de même pour la vie, ce lac bleuté à l’arrière duquel l’océan de la mort nous attend. »

Je m’installe au fond de la salle, mélange de pénombre et de vieille poussière que des siècles de lecteurs ou d’ivrognes ont fréquenté. Je reste silencieux, je lis juste une phrase, ce n’est pas de l’indifférence ce silence, c’est juste un de ces instants magiques, comme quand la lune bleue s’éveille au milieu d’une foule d’étoiles et d’embruns.

dimanche 22 novembre 2020

Skyr et Skøll

 « Tout au fond de ton cœur

Que ce soit dans la joie

Ou bien dans la douleur

Sonne le chant de l’Islande. »

 Je me retrouve ainsi devant ma machine à écrire, le syndrome de la page blanche, des cendres éteintes, mes poussières de cheminée, de vie. Seul dans la pénombre du matin, un bol de skyr entre les mains. Je cherche les mots, ils ne me trouvent pas. Ils se sont perdus dans ma pensée, dans la fraîcheur de la tourbe, devant l’immensité de la nuit. Les mots se sont enfouis, ou se sont perdus comme un phoque esseulé sur un rivage, comme une lune bleue derrière l’amoncellement de nuages noirs. 

Fuck le blizzard, le vent souffle et tourne les pages de cette vie, une vie incomprise, dans un temps pas si reculé. Les années soixante et Hekla, aussi volcanique que le volcan qui lui doit son nom, est une poétesse, une écrivaine. Avec Jon John, son plus fidèle ami qui lui cout des robes, elle tente de trouver sa place, en terre viking, là où les femmes sont le plus souvent cantonner au foyer familial, à entretenir le feu dans la cheminée, ou sous la marmite. Hekla, c’est une écrivaine de talent. Elle le sait, et chaque nuit, elle tape des pages et des pages de son premier roman, au moins 200 pages, moins que James Joyce tout de même.

 

dimanche 15 novembre 2020

Bang Bang


Tu connais les Beatles ? Oui, tu les as sûrement déjà écoutés. C'est un groupe de rock britannique dont un des membres racontait qu'ils avaient été plus populaires que Jésus. D'ailleurs, c'est celui qui a été assassiné d'un coup de pistolet, tu le savais ? Mais si moi je les avais rencontrés, je les aurais tous tués de mes mains. Je veux vraiment savoir pourquoi ils ont écrit cette foutue chanson.

Je suis sûr qu'ils l'ont écrite juste pour ma mère. Ça lui collait trop bien. Quoi ? Le titre ? Maxwell's Silver Hammer !

Bang ! Bang ! Maxwell's silver hammer

Came down upon her head

Clang ! Clang ! Maxwell's silver hammer

Made sur that she dead

 

Quand un serial-killer psychopathe et psychologue demanda à voir dans sa cellule une jeune criminologue pour s’épancher sur ses crimes... Je ne te refais pas le pitch qui te ferait croire à un vieux film des années 90, écoute le silence haute-sécurité, des agneaux y dorment, rêvant d'hémoglobine et de sauce kimchi. La serveuse, tout sourire et discrétion m'a ramené à ma table, celle du fond plongé dans une demi-pénombre, une bière et mon bibimbap : le kimchi ne s'est pas révélé aussi épicé que je l'aurais désiré. Je plonge mon regard, dans mon verre, mon bouquin, la serveuse, attendant solitairement le calme du matin.    

mercredi 11 novembre 2020

Voisin, Voisine


Des odeurs de citrons charriées par le vent s’engouffrent dans les ruelles écrasées par le soleil de l’après-midi. Je déambule entre deux ombres, ombre de moi-même, en direction de la plage. Le regard perdu dans mes pensées, celles qui te font dire que ta place n’est pas ici, celles qui te proposent d’en finir de la plus belle des manières, en toute discrétion. Un air de trompette s’évapore d’une fenêtre, la suavité de Paolo Fresu, un air marin, un air de Sardaigne. La voisine y apparaît, à demi-dénudée, un gros sein qui prend l’air chaud du vent. Je la regarde, son sourire, la longueur de ses cheveux qui habillerait presque sa nudité. La chaleur écrasante toujours, la sueur perlante, je continue mon chemin avec mes tristes pensées, la mine solitaire n’écoutant que le vent se distiller entre les notes de Paolo. D’ailleurs ou justement, une nouvelle pensée s’aventure entre les habituelles, je repense à son album mystique « Mare Nostrum », la voisine a de sublimes écoutes en plus de sublimes courbes.   

 

« …elle était tellement fatiguée à cette heure-là, et il faisait si chaud, et elle passait les nuits à ne pas pouvoir dormir, à cause de ses pensées tristes, ne se tranquillisant que si elle arrivait à perfectionner son suicide. D’ailleurs, quel mal y a-t-il à se suicider, quand vous savez que votre enfant sera entre de bonnes mains… »

mercredi 4 novembre 2020

la Fin du Monde

 


Sophie Bienvenu est devenue en l’espace de trois romans une incontournable, une icône sanctifiée de ma littérature « 100% pur laine et sirop d’érable entre les Joes ». Je l’adore, cette nana, le genre à écouter du Pink Floyd, ça se ressent dans son écriture. Ou du Kurt Kobain dans un vieux chandail. J’adore ses histoires qui me font à la fois sourire et pleurer. J’adore le sirop d’érable, son spleen, la façon dont il s’écoule sur le corps d’une femme. Et la fin du monde, n’en parlons même pas, elle fait partie intégrante de ma vie. Bon, fini de parler de ma vie qui n’intéressera pas grand monde, retrouvons-nous autour d’elle.

 

C’est l’histoire de Florence. Autour d’elle, gravite tout un tas de gens, qui l’approche, la touche, se rapproche, s’éloigne. Chaque chapitre est un fragment de vie, une petite étincelle qui s’allume ou s’éteint dans l’entourage de Florence. Toutes ses vies, de près ou de loin, forment ainsi le puzzle de sa vie, et celui de sa mère qui l’a laissée à l’adoption à sa naissance, celui d’un roman choral dont les pages se tournent aussi facilement que les bières se décapsulent. C’est dire, la frénésie de la vie dans ce coin-là, là où des baleines surgissent devant le silence d’un kayak, là où des types silencieux coupent du bois pour l’hiver et des nanas à l’accent drôle et au débit rapide pellètent la neige devant chez elles pour retrouver le char garé la veille dans le noir...

 

« Je m'assois un peu au soleil sur le banc [...], histoire de profiter des derniers rayons de soleil avant un autre hiver qui va durer toute la vie. C'est con, depuis que je suis arrivée au Québec, j'ai la chanson de Joe Dassin qui tourne en boucle dans ma tête chaque mois d'octobre. Il m'arrive d'ailleurs de mettre une robe longue, histoire de ressembler à une aquarelle de Marie Laurencin. »

 

dimanche 1 novembre 2020

Le Moment Où Les Ténèbres Triomphent


Panique… Et je n’ouvre que la première page, je suis pris d’une panique grandissante devant ce petit mouvement de violence qui s’instille dans cette putain de vie. Il ne faut pas grand-chose pour déliter une vie, un bus, un flingue et la panique. Mais courageux, je suis, persévérant je continue. Je me prends un verre de whisky, un Cutty Sark, comme le trois-mâts. Les souvenirs refont surface et égrènent cette douleur insidieuse qui sue à travers les pores de ma vie, de mon être, mal-être. Un couteau, long, effilé, la lame froide, l’âme froide, tentant, très. Je prends une lame de rasoir, une perle de sang coule, s’écoule, mes veines se teintent, se vident, ma vie s’écoule le long…

« Je m’appelle ________________. Je suis un _________________. En désintox à Watertown. Par longs segments entortillés, on vous éviscère. Vingt-neuf ans lorsque incarcéré dans le centre (fermé, sécurité moyenne) et trente ans quand j’en suis sorti, « sevré », « clean », sept mois plus tard et pour la première fois mes pensées étaient si claires et si cristallines que j’étais capable de pleurer sur ma jeunesse – « prometteuse » - perdue – quoique très probablement, soyons réalistes, la perte de ma jeunesse prometteuse ne pouvait avoir plus d’importance que des détritus voletant dans le vent. Et pourtant : ‘Nous avons foi en toi, en ton talent. Tout ce que tu as à vivre et à apporter au monde’. C’était ainsi, en déintox, quand les hallucinations s’étaient calmées, quand on avait cessé de me donner cet anticonvulsif qui me faisait l’âme aussi plate que ces cadavres d’animaux écrasés sur les routes, je m’étais remis à écrire, des poèmes lyriques dans le style ‘Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux ? Et je l’ai trouvé amère. Et je l’ai injuriée’ dont vous ne m’auriez pas cru capable (n’est-ce ? Vous qui vous imaginez avoir vu au fond de mon cœur ?) car j’avais un jour su assez de français pour lire Rimbaud, et cela avant mon amour pour Magda Maria dont la famille venait du Québec, une poésie lyrique jaillissant comme la flamme irisée d’un briquet bon marché et ayant la nature fugace de cette flamme que certains prennent pour les illuminations profondes de l’âme. »