samedi 30 janvier 2021

Orphée et Eurydice


 « Ici et là, un rayon de soleil filtrant par une fente transformait la poussière en une danse d’atomes d’or. »

Alors que je relativise encore sur la théorie d’Einstein, sur le sexe (pas celui d’Albert) et sur moi-même (la théorie de mon âme pas de mon sexe), un verre à la main, couleur atome d’or (pour celles et ceux qui s’interrogent secrètement sur la couleur des atomes, ces derniers ont la couleur dorée d’un Vouvray), je la vois cette brune, intense et mystérieuse, un sourire à faire craquer ma braguette, des yeux à faire pétiller le bleuté de la lune. Une Eurydice, si je veux m’aventurer dans la mythologique. Appelle-moi donc Orphée et je serais tout pour toi, j’irai jusqu’à Caen ou même aux Enfers. Je m’allongerai dans la poussière, mettant les draps de ma vie au pied de mon lit, je t’accueillerai sur moi où tu seras libre de me chevaucher, les cheveux en bataille la sueur en perles, comme si tu traversais la pampa jusqu’au soleil couchant, jusqu’à ce qu’un oiseau se pose sur ton épaule pour la nuit ou qu’une nuée de papillons s’envolent par la fenêtre pour achever leurs jours.  

Orphée et Eurydice, c’est une histoire d’amour, une histoire de passion, une histoire de sexe que tu prends dans ta bouche que je caresse de ma langue, une histoire de rencontre qu’un regard à bouleversé à tout jamais. Mais voilà, les histoires d’amour finissent… en général.

dimanche 24 janvier 2021

Fjord Cubain


Ne me parle pas de blizzard, de froid, de neige et de fjords norvégiens. 

Non, parle-moi plutôt de bikinis, de soleil et de mojitos. J’aime les bikinis et les mojitos.

Hasta Siempre, commandante.

Ne me parle pas de solitude, de tristesse et d’abandon.

Non, parle-moi plutôt d’amour, de passion, de sexe. J’aime les histoires d’amour, j'aime les histoires de sexe, surtout avec un mojito.

« Des mojitos dans le sang, au soleil, pas à la maison pour retrouver le vide, l'absence. Prolonger au maximum, au lieu du taxi, les jambes, malgré la chaleur, pour traverser ces rues pleines d'odeurs obscènes, de sueur, de bananes pourrissantes, les relents tout proches de l'océan, les poissons et l'essence par temps de crise mêlés à l'odeur des lointaines plantations. Le vent saturé de salpêtre qui fouettait les façades humides, l'odeur de poussière mouillée. »

Elle n’avait simplement pas envie de passer le réveillon du 31 décembre, seule dans sa maison. Seule, son fils ne faisant guère d’effort pour venir la voir de temps en temps, ou pour prendre de ses nouvelles. Seule et triste, cette bibliothécaire norvégienne, d’un « certain » âge, prend sur un coup de tête un billet d’avion pour Cuba. Hôtel 5 étoiles, je l’accompagne, j’aime la chaleur cubaine, surtout celle de ces danseuses mi-dénudés que je croise à l’ombre d’une plage pendant qu’elle reste au bord de la piscine, un verre de mojito et un orchestre de bellâtres noirs jouant quelques salsas cubaines.

Il lui offre un verre de vin blanc, ce bel homme à la trompette, ce noir qui dénote sur sa peau blanche. Une histoire qui va finir dans le lit de sa chambre, 4ème étage vue sur l’océan. Elle a au moins deux fois son âge, ça la gêne un peu au début, mais la passion est la plus forte. C’est la fin des vacances, le retour en Norvège et cette impression de vide comme cette bouteille de rhum, ce sentiment de solitude qui te colle à la peau comme une poussière de vie.

« La vie, déclara Ramon dans une chemise à motif d’anciens fanions, a la couleur du rhum. »

Plusieurs voyages successifs au cours des mois, des années. Toujours le soleil cubain, toujours le même noir à la fin de la chanson au bord de la piscine, le même verre de vin blanc. Comme une répétition pour trouver la finalité. Celui de le faire sortir de la prison ensoleillée de son île… mais au milieu du vent et de la neige peut-il avoir un avenir dans son monde à elle ?

Voilà donc un très beau roman, qui parle de solitude et d’un certain choc entre deux mondes qui se rencontrent, se trouvent – ou pas. Une belle histoire teintée, d’amour et de tristesse – cela va ensemble -, de rhum et de salsas – cela va de paire -, de soleil et de neige. Une belle histoire de sexe, j’aime sentir son parfum « mojito », à laquelle plusieurs semaines après, j’en garde en mémoire ses effluves, avec ce qu’il faut de poussière et de sueur. Merci. 

« Loin de l’océan et de tous les arbres, les chevaux aux flancs secs et courbant l’encolure vers la terre, l’odeur de poussière, de rhum, des cigares qui rougeoyaient au rythme de la respiration, comme si cette petite lumière qu’ils provoquaient étaient synchronisés avec un pouls, emplissait l’espace, puis se retirait vers les murs. Vertige, nausée, je voulais dormir, il me suivit jusqu’à un lit de planches au premier étage où je me réveillai au chant du coq à l’aube, à côté de lui, sous une couverture. »   

« Parle-moi », Vigdis Hjorth.

Traduction : Hélène Hervieu. 



jeudi 21 janvier 2021

Le Contraire d’un Gai


 Parce qu’à l’annonce d’une triste nouvelle, on repense à son passé, à son histoire, à ses souvenirs. Et de fait, j’ai eu l’envie, le besoin même, de replonger dans ma cuisine, sans dépendances. Ouvrir une bouteille de vin, un Chinon aux fruits rouges type prune, je crois qu’il aurait bien aimé un verre de Chinon, je ne sais pas pourquoi, c’est l’image qu’il me renvoie, ça ne se discute pas, ça se ressent, simplement, intérieurement, silencieusement, c’est comme le désir, la passion, l’Amour. Et le type, un passionné, je le crois, de théâtre déjà, de cinéma et d’amitié. Pas un bougon, ce n’est qu’un personnage, mais un être tendre qui boirait un verre de vin avec moi. Agnès, tu peux te joindre à nous.

 Bref, du coup, j’ai sorti mon DVD de « Cuisine et Dépendances », et j’ai souri, beaucoup, énormément, pendant quatre-vingt dix minutes. Et puis, je me suis rendu compte que j’avais un beau coffret avec le texte intégral de la pièce. Je crois que je ne l’avais jamais lu auparavant. L’occasion, je me jette dessus, comme quand on est sur un quai de gare, face à un train, et qu’on décide de monter dedans, juste pour voir un sourire. Parce que des sourires il y en a beaucoup qui fusent à l’ombre de la lune d’un soir. Et je prolonge donc ce plaisir de lire la pièce. Les dialogues font toujours mouche, j’ai les images qui restent gravées en moi, comme certains sourires. 

dimanche 17 janvier 2021

Comme un Ivrogne dans une Chorale de Minuit

Comme un ivrogne dans une chorale de minuit, je ferme les yeux envahis par la tristesse et la poussière de cette chambre. L'ombre de la lune s'éteint le temps d'une chanson, d'un disque qui a tourné en boucle l'ombre d'une nuit sur ma platine. Les images qui défilent sont en noir et blanc, un verre, une fille, une ampoule nue au plafond, les volets restent fermés, la poussière emprisonnée, la fille est nue aussi, le verre lui est vide.

Des images tournent dans ma tête, comme ce disque autour de son axe. Une guitare fredonne quelques accords mineurs qu'un majeur s'éveille. L'ambiance est sombre, presque froide, la poussière colle à la peau comme le parfum emprisonné dans ta goutte de sueur. L'atmosphère d'un second album, noire comme une vieille photographie d'un autre temps, usée par le temps et le vent. Un air qui fit les beaux jours de la country, trois minutes et vingt-huit secondes pour qu'un oiseau s'envole de sa cage de Nashville, pour qu'il s'enfuit de cette chambre au spleen gluant et qu'il se pose sur un fil.

jeudi 14 janvier 2021

Bêtes de Nuit

Et si on prenait la route pour le Maine. Une maison de campagne au cœur de la forêt, quelques jours de vacances en famille. Le soleil couchant, l'asphalte s'assombrit, les lumières s'éteignent... Nocturnes sensations... J'entame un bouquin, nocturne insomnie. Tony conduit tranquillement, sur des routes de silence et de poussière, et puis l'accrochage. Des gars sortent d'une vieille guimbarde, le look Amérique profonde ou dégénéré façon Délivrance. Et puis là, l'impensable, l'inimaginable, nocturne horreur. Le début du cauchemar.

Il savait qu'à l'ivresse de la chevauchée nocturne succéderait une gueule de bois matinale et qu'il aurait toutes les peines du monde à ne pas tomber de sommeil dans l'après-midi et à retrouver un horaire normal, mais il était un cow-boy en vacances et c'était le moment ou jamais d'être irresponsable.
- Alors, c'est parti, dit-il.
Ainsi s'en furent-ils par l'autoroute, sous le long crépuscule de juin, croisant au large des cités industrielles, cisaillant lentement les courbes et avalant patiemment les longues montées et les descentes parmi les terres agraires, pendant que le soleil, derrière eux, incendiait de ses derniers feux les fenêtres des fermes à flanc de colline. Tous trois s'extasiaient de l'aventure et s’émerveillaient de la beauté de la terre au couchant, avec cette lumière rase jetée sur le jaune des champs, le vert des bois et le noir du goudron devant eux, qui virait étrangement à l'argent dans le rétroviseur. 

lundi 11 janvier 2021

Regards Contaminés

J'ouvre la première page, deux photos qui se font face, une mère et sa fille, à gauche, des buissons à droite. Est-ce qu'elles jouent, est-ce qu'elles interrogent ? Je ne vois pas leur visage, leurs cheveux fouettant leurs regards, leurs sourires, leurs perplexités. Je me mets à la place de ce couple, la fille a envie de jouer, la mère a envie de la protéger. La protéger de quoi, de cet ennemi totalement invisible que les buissons ne laissent même pas entrevoir. La radioactivité. Il est un lieu où l'on ne peut plus aller, laissant à la dérive les souvenirs de sa vie, de ses ancêtres. Il est un lieu, où il est nécessaire d'avoir son compteur sur soi et vérifier que l'on peut sortir prendre l'air, prendre le vent qui emporte ou dépose quelques poussières invisibles mais radioactives.

Je tourne la page, deux autres photos, des enfants qui regardent à travers la vitre, un jardin mi-vert mi-ombragé presque abandonné. Et toujours cette même réflexion, comment continuer à vivre dans cet environnement. Pour soi, pour sen enfants, pour ses ancêtres. Delphine Parodi, photographe installée au Japon depuis 2010, montre le visible et l'invisible, des photos humaines où l'homme, la femme, l'enfant sont présents au cœur de son regard, tout comme la nature qui elle, continue, comme s'il ne s'était rien passé, à survivre dans cet environnement.

Une fillette arrose ses ipomées
avec l'eau non gazeuse,
La terre glougloute dans le parterre mouillé.
Sa mère accourt à toute allure.
L'eau achetée, je n'en gaspille jamais !
L'enfant répond calmement :
Contaminé, le mot que j'ai entendu de toi.
Aller chercher avec l'arrosoir
l'eau du robinet, que j'évite, ce serait absurde,
alors que ma fleur me fait confiance.

vendredi 8 janvier 2021

Epices Islandaises


Le célèbre Erlendur est parti en promenade dans les landes, des vacances méritées en solitaire, en flic taciturne et sombre. Du coup, je me retrouve avec l’inspectrice Elinborg pour mener l’enquête. Une affaire de viol et de drogue du violeur. D’ailleurs, ça serait le violeur qui aurait ingéré la drogue et se serait fait tuer. Pas commun cette affaire…

Elinborg est peut-être l’antithèse d’Erlendur. Elle parait enjouée, une mère de famille qui essaye tant bien que mal d’élever ses trois enfants, des ados à l’âge difficile. Pas facile donc de concilier ces deux parties prenantes de sa vie. Erlendur n’a plus donner signes de vie depuis son brusque départ, une voiture de location laissée à l’abandon. Mais on n’a pas le temps de s’en occuper. Cela fera l’objet d’une autre affaire, d’un autre bouquin, priorité au meurtre du jour aux odeurs de tandoori. 

« Ensuite, elle avait vu ce sang.

Et cette entaille en travers de sa gorge.

Elle avait été prise de nausée. Elle ne voyait plus que le visage blafard de l'homme et cette entaille rouge, béante. Elle avait l'impression qu'il la fixait de ses yeux mi-clos et qu'il l'accusait. »

dimanche 3 janvier 2021

Les Doigts dans la Prise


Tu ouvres les fenêtres de la caisse, tournes la clef, cheveux aux vents, files fonces défonces à fond sur la rocade, quatre-vingt dix kilomètres à l'heure dans la descente à donf, crie hurle l'autoroute de l'enfer... c'était ça l'esprit du rock'n'roll.

A la faveur d'une colline de ouf, genre dos d'âne surpuissant qui meurtrit à chaque passage les vieux amortisseurs, tu ralentis, pries religieusement au nom du père et de tous les seins, ton heure a sonné, tu entends les cloches de l'enfer se fracasser dans ton crâne imbibé de bières et de gin... c'était ça l'esprit du rock'n'roll. Ça fait mal à la tête mais putain ça te purifie l'âme.

Tu montes le son, avec l'âge tu as perdu quelques décibels acoustiques, à moins que ça soit l'abus de guitares illicites dans les tympans. Tu as gardé ton uniforme d'écolier, casquette, short et cartable, aux bons souvenirs des cours de biochimie, la chimie des hormones et de la fermentation, les fers de lance de la vie sur Terre ou en Enfer. Car il est toujours question d'enfer lorsque tu mets les doigts dans la prise, surtout le majeur à t'ébouriffer les cheveux, riffs sauvages sur courant alternatif. Le pouvoir du rock'n'roll est toujours là, fidèle à ses principes et à ses solos.