«…dans la vie, il n’existait pas de marche arrière. »
Par où commencer une chronique quand un roman bouleverse les pages de ta vie. Je découvre Jean-Paul Dubois avec ce livre sur « la succession », le deuil, la vie et l’amour impossible. Petit aparté d’entrée de jeu avant d’oublier, sur un sujet à peu près similaire, mon grand coup de cœur de l’année précédente était signé Philippe Claudel, « l’arbre du pays Toraja », roman qui n’a pas eu le droit à sa chronique ne trouvant les mots pour exprimer mon bouleversement. Comme souvent quand on bouleverse ma vie. Un roman donc qui a eu le droit à mes silences et dont je lui rends un peu hommage ici. Mais revenons au Pays Basque…
Par où ?
La Floride, bien sûr, Miami. Du soleil, des boites de nude girls, et le paradis des strings, bien sûr. Non oublie toutes es émotions, tu n'es pas dans un roman de Tom Wolfe qui a tant su me vanter les charmes de Miami et ses atouts proéminents. Florida, orange sanguine et sex on the beach… Je me dois donc de délaisser la plage, ses marais de crocodiles et ses danseuses latinas pour me concentrer sur cette corbeille en osier, fabrication directe et exclusive du Pays Basque par l’entreprise familiale ô combien réputée Gonzalez, que les aficionados nomment en bon basque chistera, ces trois murs qui se dressent devant moi, une foule hurlante, les paris sont fous, parier sur moi, le pauvre type, le jeune médecin un peu fou qui a plaqué la médecine de papa pour vivre de sa passion, la pelote basque.
Quelques années de bonheur. Un bonheur pur même, une insouciance idyllique, l’homme ne vivant que de sa passion, qui s’est arrêtée promptement le jour où le consulat de France lui apprend le décès de son père, médecin reconnu de Toulouse. Ô Toulouse… Je ne te sors pas la vieille rengaine, tu connais le refrain, l’homme doit faire un choix. Dilemme. Comment abandonner sa passion et prendre la succession de son père. Mais quelle succession d’ailleurs ?...
Retour en France, un chien en soute et les souvenirs qui remontent à la surface. Des moments d’enfance, des instants d’incompréhension. Une famille pas vraiment aux normes, où est donc l’amour ?... Une famille qui ne s’est jamais comprise, qui n’a jamais communiqué, qui a laissé dériver le mal-être de chacun. Succéder aux gênes familiaux ? Succéder au sacerdoce familial ? La médecine, pffff… c’est plus vraiment ce que c’était…
« La médecine a perdu son âme depuis que pour prendre la fièvre on n’utilise plus de thermomètre anal. »
Alors je le revois traverser les Pyrénées pour descendre jusqu’au Pays Basque, admirer au détour d’un virage l’étendue bleutée de l’océan, les bruits sourds de la pelote cognant contre le jaï-alaï, et mon cœur qui cogne encore et encore, la sueur sur les tempes, sentir le goût de l’huile emplir ta bouche quand tu mords dans un churros. Je l’imagine aussi à l’autre bout de la planète, au milieu des culs rebondissant des latinas dansant face au jaï-alaï de Miami, et un vieux bateau pour se promener sur cette autre étendue bleutée. Un Fisherman’s Friend ? Oui ne pas oublier l’ami des marins avant de s’embarquer sur la mer, sur ce livre, sur cette succession. Puissant roman, putain de roman j’ai même envie d’écrire, un roman qui m’a parlé, qui m’a ému.
« Quatre parents, quatre suicidés. Ca fait réfléchir. Tu as dû te demander s’il fallait y voir une détermination génétique, si ta propre double hélice était porteuse d’un chromosome fautif. Ma réponse est qu’on n’en sait foutre rien et que la vie est faite pour être vécue. Par exemple, je pense que tu devrais te mettre à boire. Quelques verres par-ci par-là, ça n’a jamais fait de mal à personne et ça lubrifie les neurones. Sois gentil, sers-m’en un autre. »
« La Succession » de Jean-Paul Dubois, un roman que je relirai probablement au même titre que « L’arbre du pays Toraja » de Philippe Claudel (voilà comment faire deux chroniques en une, est-ce que j’ai le droit de boire deux verres au lieu d’un ?). Parce que tu as là, deux beaux coups de cœur littéraire… Donc finalement, je m’octroie le droit de boire deux verres. Et de t’en offrir deux…
Je ne t’ai pas parlé non plus de cet amour impossible, un fol amour et pourtant…
Elle s’approche, les courbes tentantes, la démarche lancinante, j’ai envie de lui murmurer à l’oreille : « Le chat ouvrit ses yeux / Le soleil y entra / Le chat ferma ses yeux / Le soleil y resta. » Mais à la place je me suis tu et j’ai regardé son âme.
« La Succession », Jean-Paul Dubois.
Deux auteurs qui font battre mon cœur, Philippe Claudel et Jean-Paul Dubois. Je note ces deux titres. Ils sont rares ces auteurs ou plutôt est-ce des auteurs rares?
RépondreSupprimerJean-Paul Dubois m'avait touchée (entre émotions et rire) dans "Tous les matins je me lèves"...
Je me dis toujours qu'il faudra vite que je revienne vers l'un et vers l'autre.
Un roman qui bouleverse les pages d'une vie, il n'y en a pas des masses. Un billet comme je les aime...
D'ici là, comme les verres sont si joliment proposés, je t'en prendrais bien un :D
Premiers Claudel et premiers Dubois.
Supprimeret premières émotions. Fortes et émouvantes. Rares même comme tu le dis.
Et après...
Essayer de lire d'autres Claudel et Dubois ou rester sur cette impression si belle.
J'ai un autre Dubois, mais je garde encore un peu en mémoire ces deux-là avant de m'y plonger de nouveau.
Ils sont trop forts, trop intenses, trop bouleversants, trop putain de vie ou tabarnak de life...
Jusqu'ici le seul roman qui a bouleversé ma vie est Le dernier des Justes d'André Schwartz Bart.
RépondreSupprimerMais elle fait bien envie ta succession...
Tu n'as donc pas lu Bukowski qui bouleverse toutes les vies ! :D
SupprimerJe ne connais aucun des deux écrivains que tu cites, mais tu en parles si intensément que je les ai rajoutés dans ma liste de ceux que je dois lire au plus vite… (Goran : http://deslivresetdesfilms.com)
RépondreSupprimerDeux auteurs que j'ai découvert avec ces deux romans, deux coups de coeur !
SupprimerLa conclusion de ton billet est très très belle ! C'est touchant ! J'ai très envie de découvrir ces deux romans... peut être en premier celui de Claudel ...
RépondreSupprimer...Tu as regardé son âme... et tu l'as laissée partir ...
Pourquoi retenir une âme qui veut partir...
SupprimerDouble déclaration qui se conclut par un shot poétique félidé qui me dresse les poils. Du coup j'ai encore le goût de tes mots dans la bouche. Faut que j'aille me rincer tout ça devant un match de Jaï Alaï : Miami Vice, "killshot", october 1986.
RépondreSupprimerUne suite parfaite pour Miami Vice...
Supprimertu me donnes de sacrées envies d'auteurs que je ne connais pas. Perso je viens de m'éclater littéralement avec James Lee Burke et ses "dieux de la pluie". Au delà du polar, une écriture ! Je vais continuer à le découvrir à travers d'autres oeuvres
RépondreSupprimerJe n'ai jamais eu l'occasion de lire un James Lee Burke. Pourtant, l'envie y est par moment. Mais je me pose toujours la question si je dois commencer par la première enquête de Dave Robicheaux. Or comme je ne sais jamais qu'elle est sa première enquête, j'ai pas encore mis les sabots dans ses marais...
SupprimerAutant j'ai aimé La Succession, premier roman pour moi de cet auteur, autant je n'ai pas accroché avec L'arbre du pays Toraja. Dans le roman de Dubois, j'ai trouvé que l'auteur amenait son lecteur de manière progressive à des réflexions plus profondes que ce à quoi on s'attendait au début, ça m'a bien plu.
RépondreSupprimerJ'ai découvert Dubois et Claudel simultanément avec ces deux extra-ordinaires bouquins. Les deux furent un immense plaisir, et je poursuivrais avec ces deux auteurs-là...
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