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mercredi 23 octobre 2024

Et puis la mer se retira en silence


 Cela commença par quelques tremblements. Légers au début, juste de quoi soulever la poussière de la terre. Puis le bruit un peu plus sourd. Ça bouge un peu plus. Un tremblement de terre de plus, mais la terre a l’habituel, le Japon aussi. Le calme s’ensuit. Par calme j’entends silence. Le vent s’est tu, les animaux se sont tu, même les oiseaux gardent le bec clos, caché, à l’abri. Et puis la mer se retira en silence. Une alarme stridente brisa ce silence du haut de la colline. Alerte Tsunami ! 

 « Au large, la mer continuait à se retirer et le grondement des vagues était presque inaudible, il régnait un calme inquiétant. Ce fut juste après qu’il entendit l’alerte parvenant du haut de la pinède sur la colline. »

 Yasuo se dépêcha de redescendre au port, à contre-courant de la population qui fuit la côte. Il détacha son petit bateau de pêche et alla au large, au-delà de la vague. Attendre que celle-ci s’échoue avec ce sentiment d’impuissance. Pour sa survie, il sauve son bateau. En contrepartie, il est le premier spectateur de cette vision d’horreur, son village rasé, coulé sous les flots, sous la boue. Plus de maisons, voitures retournées, l’attente.

 Le retour dans un refuge, gymnase, hangar. Des premiers jours. Des premières semaines. Des premiers mois. Attendre les subventions, mais lui a encore son bateau tandis que d’autres n’ont plus rien. Attendre et encore attendre, sans rien à faire. Pêcheur de wakamé, il va falloir des années avant qu’il retrouve son activité. Boire, se renfermer sur lui-même. Une vie devenue inutile. Et la disparition de sa mère qui avait été mis dans une maison de repos derrière la colline. On n’a jamais retrouvé son corps mais doit-il pour autant faire une cérémonie religieuse pour elle… Bref… et puis après… la vie d’après un tsunami.

 « Lorsqu'il se réveilla après avoir un peu somnolé, le bateau de Tomeji, qui était tombé ivre mort sa bouteille dans les bras, avait disparu. Les alentours étaient plongés dans le silence, et dans une brume matinale violette, un amoncellement confus de bois était apparu et tout autour flottait une formidable quantité d'objets à la dérive venant du continent. Parmi les morceaux de bois dont certains étaient issus de structures de maisons, bidons en PVC et tuyaux, autels bouddhiques dorés et noirs ceinturés d'algues, chaises en plastique gribouillées, cabas, sacs-poubelles bleus, copies d'examen, brosses à dents, chaussons, tous ces objets peuplant la vie quotidienne des humains oscillaient entre les vagues au milieu du silence. »

 A la fois très factuel et un peu froid, il est ma foi fort intéressant de se mettre dans la peau d’un survivant, d’un pauvre pêcheur qui a observé sa vague de l’autre côté avant de voir les ravages qu’elle a faite sur sa ville, sur sa famille, sur sa vie, j’aurais aimé toutefois ressentir un peu plus d’émotions dans la plume de la journaliste qui se fit, pour l'occasion et la mémoire, auteure. 

« Et puis après », Kasumiko Murakami.
Traduction : Isabelle Sakaï.
 

 

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