Je me noie. Je suis en train de me noyer. D’habitude, l’homme s’agite dans l’eau, essaie de faire des signes à sa femme restée sur le bord de l’eau. Mais en ai-je réellement envie, au fond de moi. Je bascule au fond de l’eau, les flots me ramènent à la surface, je replonge dans les tréfonds. Une crampe à la jambe droite, pas la gauche, non, juste la droite et je me noie.
Et pendant que je plonge une nouvelle fois, mon regard intérieur plonge dans mon âme sous l’eau. Je repense à cette fois-ci où j’ai failli me noyer, déjà, une nuit de 1986, lorsque enfant, j'ai essayé de repêcher 11 briques de lait UHT dans le port de Dieppe. Je me demande encore pourquoi je ne me suis pas noyé cette nuit-là, cela aura facilité bien des choses. Oui, si seulement je m’étais noyé en 1986…
« Mes poumons seront bientôt remplis de l’eau du lac. Entre ce moment et ma mort, il y aura certainement quelques secondes, ou une seconde seulement. Je produirai un dernier mouvement involontaire, j’imagine. Comme une cornemuse qu’un sonneur vient de poser sur une table se vide de son air en s’affaissant et agite bourdons et chalumeau dans une dernière imploration, je produirai un dernier mouvement et ce mouvement continuera sans moi. Je l’aurai initié de mon vivant et il perdurera dans ma mort tout comme une palombe criblée de plombs reste dans le ciel le temps de sa chute. »