"Quand on voit Dixon, on a le sentiment, si on y a vécu toute sa vie,
d'être plus intéressant qu'on ne l'est, ou bien de boire plus qu'on ne
boit, ou encore les deux. Rien n'est tout à fait à sa place, ni les
couleurs, ni les dimensions, ni les proportions des choses entre elles,
et le tout dégage un charme certain. La bibliothèque est trop petite et
peinte en une espèce de bleu-vert douteux. Le bazar est trop grand par
rapport aux autres bâtiments. Les maisons, du moins la plupart d'entre
elles, ne semblent pas être disposées selon un schéma particulier. Le
bar est juste de la bonne talle pour la ville, mais il est situé trop
près de la route. En face du bar, il y a une petite construction, depuis
longtemps abandonnée, qui avait dû être un garage avant que les
voitures ne l'abandonnent à leur tour. Il n'y avait qu'une seule voiture
garée devant le bar, immatriculée dans le comté de Missoula."
Plains, comté de Sanders, Missoula. A peine 1000 âmes dispersés sur 1.5 km2. Fondée en 1883 sur le Northern Pacific Railway, son nom s’est progressivement raccourci, comme son nombre de chevaux, passant de Wild Horse Plains à Horse Plains puis Plains. Après cet interlude géographique qui pose une ville dans son décor, une plaine blanche et déserte en hiver, le cœur gelé, Barnes la Tendresse s'engouffre dans son bar préféré, l'unique. Poète et policier, il a quitté la grande ville pour s'isoler, oublier les vicissitudes de l’âme humaine des cités pour des réflexions autour d’une ligne de pêche sur une rivière gelée la moitié de l’année. Poète et policier, voilà qui pose l’homme, à Missoula si t’es pas indien ou bison, tu es forcément poète. Et dans tous les cas, alcoolique car la seule distraction au jour tombé reste le bar qui œuvre pour réunir toutes les âmes en peine de Plains.