Terre de poussière, terre sauvage. Ici, dans le Sertao, tout le monde peut venir, parce qu'ici il n'y a rien. Un soleil ivre de rage tourne dans le ciel et dévore le paysage de terre et de sel où se découpe au passage l'ombre du jaguar. Une cabane perdue aux abords d’une forêt, un petit feu et un hamac juste au-dessus. Le parabellum à la ceinture, je m’approche, la silhouette encore plus triste qu’une musique de bandonéon. Là-bas, un vieux probablement à moitié indien à moitié animal. Solitaire depuis des années, quelques négros qui l’ont accompagné qui ont été tué, comme des cangaceiros de la libération. La bouteille de cachaça bien entamée, conjuguée au soleil enragé, il soliloque dans un mélange de sa langue indienne, de brésilien et de feulement d’animaux. Il n’a plus vraiment l’habitude de croiser des âmes sur la poussière de ces terres.
« Je me suis fait un hamac, avec des palmes de bouriti, près de la tanière de Maria-Maria. Han-rhan, le négro Tiodoro, faudrait bien qu’il vienne chasser par là... Sûr, pour sûr. Le négro Tiodoro chassait pas l'once – ‘l avait menti à Mait Nhiouão Guede. Le négro Tiodoro, un brave homme, ‘l avait peur, mais peur, une peur carabinée. ‘l avait quatre grands chiens - des chiens toujours à aboyer. Apiponga en a tué deux, un autre a disparu dans les halliers. Maramoniangara a mangé l'autre. Hé-hé-éé.. Ces chiens... D'once, i’ z’en ont chassé aucune. Et puis, le négro Tiodoro, ‘l a habité la cabane qu'une nouvelle lune : alors il est mort, et voilà. »