"Quand on voit Dixon, on a le sentiment, si on y a vécu toute sa vie,
d'être plus intéressant qu'on ne l'est, ou bien de boire plus qu'on ne
boit, ou encore les deux. Rien n'est tout à fait à sa place, ni les
couleurs, ni les dimensions, ni les proportions des choses entre elles,
et le tout dégage un charme certain. La bibliothèque est trop petite et
peinte en une espèce de bleu-vert douteux. Le bazar est trop grand par
rapport aux autres bâtiments. Les maisons, du moins la plupart d'entre
elles, ne semblent pas être disposées selon un schéma particulier. Le
bar est juste de la bonne talle pour la ville, mais il est situé trop
près de la route. En face du bar, il y a une petite construction, depuis
longtemps abandonnée, qui avait dû être un garage avant que les
voitures ne l'abandonnent à leur tour. Il n'y avait qu'une seule voiture
garée devant le bar, immatriculée dans le comté de Missoula."
Plains, comté de Sanders, Missoula. A peine 1000 âmes dispersés sur 1.5 km2. Fondée en 1883 sur le Northern Pacific Railway, son nom s’est progressivement raccourci, comme son nombre de chevaux, passant de Wild Horse Plains à Horse Plains puis Plains. Après cet interlude géographique qui pose une ville dans son décor, une plaine blanche et déserte en hiver, le cœur gelé, Barnes la Tendresse s'engouffre dans son bar préféré, l'unique. Poète et policier, il a quitté la grande ville pour s'isoler, oublier les vicissitudes de l’âme humaine des cités pour des réflexions autour d’une ligne de pêche sur une rivière gelée la moitié de l’année. Poète et policier, voilà qui pose l’homme, à Missoula si t’es pas indien ou bison, tu es forcément poète. Et dans tous les cas, alcoolique car la seule distraction au jour tombé reste le bar qui œuvre pour réunir toutes les âmes en peine de Plains.
C’est un bled paumé, entre forêt, neige et quelques bars pour agrémenter les déplacements ; mais cela n’empêche pas d’avoir des morts horribles, genre une tête transformée en bouillie à la hache. Des maux de têtes. La violence est partout dans ce monde désespérant. « Buvez des bières, faites pas la guerre », j’ai envie de crier au monde, mon âme poète certainement qui reprend le dessus dans ces instants de profondes lucidités avant l’effondrement dans le caniveau gelé. Et Barnes-la-Tendresse a le flair pour trouver un meurtrier, un assassin, un tueur en série… Et si le coupable était à dénicher dans une vieille affaire de dix-neuf ans…
"Avril est le mois le plus rude, mon œil ! Oh, je sais, la renaissance est une illusion et, en dépit de ce que nous annoncent les lilas, nous vieillissons. Au Montana, cependant, les mois qui manquent à leurs promesses sont loin d'être aussi rudes que ceux qui les tiennent.
Novembre a tenu les siennes, de même que décembre, et puis janvier, et puis février, et puis mars. Cinq mois entiers de sales promesses, et toutes tenues. Il a neigé. Il a neigé et venté. Il a gelé. Un soir de décembre, il a fait moins trente à Plains. Ensuite ça s'est réchauffé pendant quelques jours. Ensuite il a de nouveau neigé. Venté. Gelé. Des champs sont restés plus de quatre mois sous la neige. Quand je dis que ça s'est réchauffé, j'entends que le thermomètre a presque atteint le zéro.
Les hivers du Montana en arrivent à constituer une sorte de test. Les couples mariés s'aperçoivent qu'ils passent de plus en plus de temps ensemble à la maison, jusqu'à ce que chacun décide de passer de plus en plus de temps avec quelqu'un d'autre. Les mariages ne résistent guère à la réclusion. A Missoula, le taux de divorce est deux fois supérieur à la moyenne nationale.
En hiver, près de la moitié des vols prévus à l'aéroport de Missoula sont annulés. On peut pêcher sous la glace ou skier, mais je n'ai jamais aimé le ski, et la pêche sous la glace est rarement bonne.
Arlene et moi, on est allés une fois à Rainbow Lake. Le vent qui balayait la surface gelée soulevait des tourbillons de neige qui formaient devant nous des murs lugubres. Pas une touche en deux heures, rien que des orteils gelés. On a fini par se réfugier dans son bar."
Barnes-la-tendresse est donc un tendre mais aussi un amoureux qui ne résiste pas au sourire d’une brune, un poète à ses heures perdues et des heures en hiver dans le Montana il y en a, un consciencieux ne se détournant pas de la piste qu’il s’est fixé sauf quand il tourne la tête pour regarder justement les jambes de cette belle brune, un bon buveur de bières et de scotch bien tassé. Un gars bien, c’est moi qui te le dis, ce Barnes-la-Tendresse.
"T’emballe pas Barnes la Tendresse. T’es seul dans une chambre de motel et dans une ville étrangère avec une femme que tu sais – et maintenant avec certitude – être perverse et dangereuse. Je m’efforçai de détourner les yeux. Quel macrocosme érotique. Je dois être bourré. Je n’utilise jamais le mot macrocosme."
"La Mort et la Belle Vie", Richard Hugo.
Traduction : Michel Lederer.
"Je suivis Rick chez lui. Dix secondes après avoir franchi la porte d'entrée, il me mettait entre les mains un scotch merveilleusement bien tassé.
La femme de Rick, prénommé Winnie, était grande, élégante, plutôt douce et très agréable. Elle me servit un steak qui me parut de même plutôt doux et très agréable maintenant que j'avais éclusé trois whiskys. Je fis descendre la viande moelleuse avec de la bière importée tout aussi moelleuse."
Je ne savais pas que Kevin Costner chantait. Mais j'ai lu La mort et la belle vie il y a très longtemps. C'est même ce bouquin qui ma' incité à découvrir tant d'auteurs de ce calibre, James Welch, Craig Lesley, Louis Owens, Larry Watson, Rick Bass, David Treuer, etc. Sans toute cette mouvance la vie aurait été...encore moins bien. 🎸
RépondreSupprimerKevin chanteur, surtout avec cette grande série qu'est Yellowstone, toute l'ambiance des ranchs et des bisons (sans bison) du Montana...
SupprimerRichard Hugo, en plus d'être écrivain et poète, fut surtout enseignant à l'université de Missoula et eu notamment pour élève des certains James Welch et James Crumley, de mémoire...