lundi 2 septembre 2024

Le sourire d'une belle-sœur

Jirô projette de faire un voyage du côté d'Osaka avec un ami. Cela sera aussi l'occasion de rendre visite à sa famille, répondre à ses obligations de fils et de frère cadet. Il a rendez-vous là-bas... Quelques jours chez son frère et ses parents, cela reste supportable... Alors en l'attendant, regardons donc le ciel et ses étoiles endormies, une petite brise légère autour d'une petite bière, pas de quoi tout de même se faire un harakiri...
 
"Les étoiles dans le ciel brillaient faiblement. Elles semblaient plisser leurs yeux ensommeillés."

On pressent aisément que le voyage tombera à l'eau. Restent donc ces moments familiaux, plein de respect et de contraintes. Un sentiment bivalent habite ainsi Jirô dans ce Japon du début du XXème siècle. L'habitude des bonnes convenances et de la tradition fait face à cette envie de s'éloigner du poids de cette famille. Et cette question qui revient sans cesse, aussi lourde et pesante qu'une enclume, pourquoi n'est-il pas encore marié. Il serait temps Jirô de fonder une famille, d'avoir des enfants. On va arranger ça, regarde ce catalogue de connaissances ou de filles de connaissance qui seraient te donner bonheur, te servir du saké, te faire un ou deux garçons...

"Sur ses lèvres fraîches et tristes, passa furtivement l'ombre glacé d'un sourire."
 
Ainsi le voyageur n'ira pas bien loin dans ses excursions. Tout au plus quelques ballades avec sa mère, des discussions avec son frère qui s'interroge sur sa femme, des regards nostalgiques sur le panorama proposé de cette campagne... Ah j'oubliais de signaler cette promenade en tête-à-tête justement avec sa belle-sœur... Intrigant, cette affaire-là... Va-t-il lui défaire son yukata à la nuit tombée, lorsque le vent souffle de plus en plus fort, comme un ouragan de passion et de désir ? Là, je sens que j'attire ton attention...

Donc si le voyageur n'est pas un roman de voyages et de pérégrinations campagnardes, qu'en est-il ? L'auteur m'aurait-il tromper... D'ailleurs, il m'a bien eu le bougre, ne sachant dans quelle direction il allait m'emmener... Épris d'une fausse lenteur, la quête devient en fait personnelle, introspective, spirituelle surtout sur ses dernières pages. Jirô finalement se cherche, cherche sa position au cœur de sa famille, au sein de la société japonaise. Un roman sur la famille, sur les traditions japonaises le mariage notamment mais aussi la hiérarchie des aînés, pour finir philosophiquement sur le mal-être de cet homme, ce voyageur de Sôseki.
 
"Je crois que ce soir, dans le train, je rêverai de ce sourire attristé."
 
"Le Voyageur", Natsumé Sôseki.
Traduction : René de Ceccatty et Ryôji Nakamura.



5 commentaires:

  1. Aaaaah Ruiji. J'ai vu son dernier concert à Venise l'année dernière. Envoûtant.

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    1. A Venise, rien que ça... La grande classe... ça devait être beau... En fait je ne le connais pas énormément, mise à part son Joyeux Noël à Monsieur Laurence, ou quelques écoutes également cinématographiques (dont ses deux derniers, After Yang et L'innocence)...

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  2. Oui à la Mostra... j'étais malade de ne pas y être cette année :-) , mais c'est un budget...
    C'est une musique exigeante. C'était une prestation de 2 h filmée car il n'allait déjà plus très bien et était obligé de s'interrompre souvent.
    La moitié de la salle (la plus grande à Venise) s'est vidée alors que le réalisateur était là.
    J'avais honte.
    https://youtu.be/LGs_vGt0MY8

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  3. Ma première lecture de Soseki (j'en garde un très très bon souvenir) fut "la porte". début 2024, j'ai lu "Et puis" qui m'a plu mais que j'ai trouvé trop leeeeent (pourtant c'est aussi cela qui me plaît chez cet écrivain). j'y ai retrouvé les thèmes que tu évoques dans "le voyageur." Début XXe fut indéniablement un moment charnière pour le Japon dans son ouverture au monde et au changement social dans la société.

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    1. une certaine lenteur dans ces romans, j'en ai lu d'autres également, souvent intéressant mais faut pas être épris de vitesse et de folie...

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