lundi 27 novembre 2023

Dynamite, Clef à Molette et Packs de Six

« Page, Arizona : treize églises, quatre bars. Toute ville possédant plus d'églises que de bar est une ville qui a un problème. C'est une ville qui cherche les problèmes. »

Page, Arizona, le début de l’histoire. Là dans un bar, entourés de cow-boys s’abreuvant de bières, et de cow-girls trémoussant leurs culs sur de la country, je vois mes quatre héros, comme les quatre fantastiques – ou fanatiques. Quatre compagnons de routes dont nos chemins vont se croiser au milieu de bars et de poussière, et parfois même de bars poussiéreux. Un vétéran du Vietnam, parce qu’il en faut toujours un pour guider les actions contre le système et le gouvernement, un vieux chirurgien qui aime bien gratter de l’allumette, accompagné de sa nettement plus jeune maitresse, faut toujours une belle nana en santiags et short moulant pour retenir mon attention, et un drôle de mormon polygame qui sillonne l’Etat de femmes en femmes.

Les présentations sont ainsi faites. Maintenant, le but de la mission, si toutefois vous l’acceptez : préserver la beauté de ce désert, l’Ouest sauvage dans toute sa splendeur. Les moyens : des clés à molette et quelques bâtons de dynamite. Le but : détruire tout ce qui défigure le paysage : panneaux publicitaires, antennes, ponts, routes, oléoducs, barrages… Rien ne leur fait peur à ces quatre-là, quatre écoterroristes bien avant l’heure. En gros : plus le chantier est imposant, plus faut charger en dynamite, l’équation est simplissime. Et c’est donc partie pour un road-trip où la distance ne se mesure plus en kilomètres ou en miles mais en pack de six…

mercredi 22 novembre 2023

UN HIBOU VIT DANS LA FORÊT


 Alors que le silence coule sur les arbres, la forêt se fait noire, sombre charbon végétal dans la nuit. Dans une forêt inquiétante et mystérieuse dont il est strictement interdit de pénétrer, je me perds frissonnant de froid ou d’effroi, quelle différence cela peut faire au milieu de cette nuit. Le garde forestier m’a mis en garde, on ne sort pas indemne de ce labyrinthe feuillu, mieux vaut ne pas s'y égarer. J’entends subitement un cri, la lune même s’en est effrayée. Était-ce le hululement d’un hibou. Je détale, fait demi-tour, descend à toute berzingue la pente vers les faibles lumières du bourg enveloppées d'une légère brume.  

« Sur la route forestière, le grand ciel bleu s'inclinait peu à peu devant la nuit. La colline glissait en silence dans l'obscurité, bleuissait lentement, s'assombrissait. In-su, qui descendait en direction du pavillon où il résidait, s'arrêta et se laissa absorber dans la contemplation de l'ombre imposante qui grandissait, envahissait le bourg peu à peu. En un instant, elle gagna la route, qu'elle avala, avec In-su. »

Le silence y règne également, au bourg. D’ailleurs, du bourg n’existe en fait qu’une voie commerciale, une longue route qui termine son chemin dans la profondeur de la forêt, là où personne ne s’aventure (alors pourquoi une route ?), rien autour, rien avant, que des kilomètres de nuit et de silence. Les rideaux métalliques sont baissés à cette heure-ci, la blanchisserie et la librairie. Etrange ces deux commerces qui survivent encore dans ce trou perdu. Heureusement, les néons du bar sont allumés, guidant ma voie jusqu’au réconfort de l'ennui. Je pénètre l’antre de la débauche. Si la journée la forêt impose sa grandeur, la nuit, elle, elle appartient à l’alcool où les quelques autochtones s’ivrognent en silence dans l’absence de regards.

dimanche 12 novembre 2023

Vieux Rhum et Montecristos

Je te laisse imaginer la chaleur qui dégouline sur cette île. Le Conde, totalement nu dans sa chambre, face aux pâles du ventilateur provoquant une légère brise aux embruns de sueur. Sept heures moins le quart, il prendrait bien un verre de rhum mais il a encore le souvenir des bières bues quelques heures plus tôt, et puis il est en service, une affaire sérieuse et épineuse, le fils d’un diplomate retrouvé mort. Habillé en femme, Electre à la Havane. Il enfile donc son costume de commissaire et de poète, file dans les rues voir à quoi ressemble un transformiste mort. Les déambulations dans son île enrhumée, par la clim et les barriques, l’emmènent à réfléchir sur son poste, sur les homosexuels de Cuba, sur le besoin - une déviance ? – de porter une robe rouge pour un homme.

« Grâce à lui, plusieurs éléments devenaient clairs pour le Conde : le transformisme était quelque chose de plus essentiel et de plus biologique que la simple pédérastie ou l'exhibitionnisme consistant à sortir dans la rue habillé en femme, comme il l'avait toujours cru, à l'abri de son machisme élémentaire et viscéral. Il n'avait jamais été tout à fait convaincu par l'attitude de base du travesti qui change son physique pour mieux draguer. Draguer qui ? Les hommes-hommes, les vrais, hétérosexuels, avec des poils sur la poitrine et puant des aisselles, n'allaient jamais avoir une liaison consciente avec un travesti : ils coucheraient avec une femelle, et pas avec cette version limitée de la femme, dont l'orifice le plus appétissant était définitivement clos par la capricieuse loterie de la nature. Un homosexuel actif, caché derrière une apparence impénétrable d'homme « homme » vulgairement : un enculeur ; littérairement : un bougre - n'avait pas besoin de cette exagération pour sentir se réveiller en lui ses instincts sodomites et pénétrer per angostam viam. »

mercredi 8 novembre 2023

Chroniques Osages

1921, Oklahoma. Déplacés puis parqués dans ce désert de poussière, la nouvelle terre d'accueil des Indiens Osages. Mais sous cette poussière, reposent d'immenses nappes de pétrole, faisant des Osages le peuple le plus riche du monde. De quoi attiser certaines convoitises, si tuer quelqu'un pour son pognon s'apparente à de la convoitise. Car, mystérieusement, alors que la population Osage vit dans l'opulence, son taux de mortalité est bien supérieur à la population américaine, dite blanche dans le coin de ce pays.

"Heure après heure, kilomètre après kilomètre, elle vacilla d'arrière en avant dans la charrette, traversant des paysages sauvages et déserts. La lumière finit par baisser et Mollie et le cocher durent s'arrêter pour dresser un bivouac. Lorsque le soleil disparut derrière la Prairie, le ciel devint rouge, puis noir, l'épaisseur de la nuit n'était diluée que par la lune et les étoiles desquelles les Osages pensaient que leurs clans étaient descendus. Mollie était devenue une Voyageuse de la brume. Elle se sentit cernée par les forces de la nuit que l'on entendait mais ne pouvait voir : les glapissements des coyotes, les hurlements des loups et le hululement des hiboux, dont on disait qu'ils étaient porteurs d'un esprit démoniaque."
 

vendredi 3 novembre 2023

Jazz à l'âme

"Souffle petit souffle
Souffle pour moi aussi désormais
Souffle pour ton père et ton grand-père ce héros
Souffle pour pardonner à ta mère et te pardonner
Souffle pour ta princesse fée du jour
Souffle pour ta belle belle belle amour
Souffle pour
Ed
Miles
John et Alice
Chet
Thelonious
Louis
Max
Wayne
Ray
Art
Nina
Ella
Billie
Sarah
Myriam
Dorothy
Herbie
Etta
Sonny
Sam
Guru
Leonard
Keith
Kenny
Harry
Aretha
Bembeya
Bembeya
Bembeya
Souffle petit
Souffle pour
Et parfois contre
Contre l’injustice
Contre le racisme
Contre la violence
Des hommes qui défont l’humanité
Et se font la guerre par peur de la paix
Souffle petit
Souffle pour
La tendresse à essayer
Encore et toujours
Souffle pour
Otis
James
Manu
Fela
Bob
Roberto
Gilberto
Gil
Souffle
Pour les nôtres
Et les autres qui font
Définitivement partie de Nous
Sommes les mêmes petit
Alors souffle
N’arrête jamais de souffler
Pour le jazz lui-même
Musique plus grande
Que tous les musiciens
De son panthéon réunis
Souffle pour la beauté
Et pour la note bleue[…]
Souffle le Jazz
Miracle d’amour suprême"