lundi 15 avril 2024

Kurt Cobain n'est pas mort


Catherine pour son quatorzième anniversaire reçoit en cadeau de la part de ses parents un roman, Moi, Christiane F., 13 ans, droguée et prostituée... Le programme est presque annoncée ainsi dans ce roman initiatique de l'adolescence, apprendre la vie de ses propres moyens, toutes expériences autorisées dans le Chicoutimi-Nord, là où il fait ben frette une grande partie de l'hiver. La meilleure période, celle des campes au fin fond des bois, autour de la chaleur d'un feu et d'une bouteille de vodka qui circule de mains en bouches, premières baises, premières drogues.
 
"Le matin de ma fête, mes parents s'étaient chicanés. Mon père était rentré à quatre heures du matin. Il était aux danseuses avec des clients. Ma mère était en beau maudit. Elle haissait ça, les danseuses. C'était juste des crosseuses qui prenaient tout l'argent des gars dans le bar. Mon père a dit à ma mère que c'était à cause de ses clients qu'il s'était ramassé là. C'était tout le temps la même affaire. Les gars de Montréal voulaient y aller quand ils venaient au Saguenay sans leur femme." 

Pis, Catherine pour son quatorzième anniversaire se rend chez le coiffeur. Elle veut les cheveux de Mia Wallace dans Fiction Pulpeuse. Des cheveux noirs comme la nuit sans lune, elle est belle, elle fait dix-huit ans au moins, Pascal va la regarder et pis Keven aussi qui va la regretter. Tout le monde autour va halluciner, même Marie-Êve. Les gars sont beaux, et elle aussi maintenant. Comme dans les films en noir et blanc. Comme les lagopèdes à queue blanche.
 
Pis, Catherine pour son quatorzième anniversaire a reçu aussi un de ces disc-man qui permet d'écouter de la musique partout, même au fond des bois, même dans son lit. De la bonne toune, entre deux rails de coke. Du Aerosmith, du Nine Inch Nails, du Bowie et du Kurt Cobain, 1967 - 1994. Toute la planète rock, complètement stone. Kurt Cobain n'est pas mort, dans Chicoutimi-Nord. La playlist de mon adolescence. Et pis dehors, ça gèle. Alors je remets mon chandail d'adolescent, une effigie de Nirvana ou d'AC/DC imprimée dessus.
 
Et quand Catherine s'éclipse en pleine nuit pour aller voir son chum, se faire une ligne, et écouter un film (oui, là-bas on ne regarde pas un film, on l'écoute !) Et quel film !! Après Face à la mort, les ados se plongent allègrement dans Cannibal Holocaust, loués au club vidéo du coin. Deux petites douceurs cinématographiques pour accompagner la vodka achetée au dépanneur du coin et la poudre blanche du pusher du coin. Un coin, qui donne pas vraiment envie d'y faire pousser sa progéniture. Aussi sombre que l'histoire de Kurt Cobain, faite d'éclairs et de flip.

"Depuis le divorce, mes parents s'ostinaient sur ce qui était à l'un ou à l'autre. Ma mère l'achalait pour ravoir ses sculptures d'Esquimaux en pierre à savon, pis mon père était venu ce soir-là pour que ma mère lui redonne son long-jeu de Supertramp. Ma mère a jamais voulu.
Elle disait que c'était elle qui l'avait acheté au show de Québec en 1976. Roger Hodgson avait invité ma mère pis sa chum dans la roulotte du band après le concert. Ma mère me racontait souvent cette histoire-là. Elle était pas allée, dans la roulotte, mais sa chum, oui. Parait qu'elle s'était fait pognasser en masse par Roger pis Rick Davies. L'amie de ma mère était ressortie de là avec la jupe toute croche, la chemise boutonnée en jalouse, pis elle saignait du nez.
Je savais qu'elle me racontait ça pour me faire peur. Elle me disait que même les gars qui ont l'air ben corrects peuvent être des violeurs cachés. Fallait que je me rappelle de ce qui était arrivé à sa chum avec les gars de Supertramp si l'envie de coucher avec un gars me pognait."
 
La déesse des mouches à feu, c'est un roman à la fois dur par son sujet, drôle par son langage, mais aussi ainsi profondément triste comme la voix de Kurt. Cru et cruel. Ça cogne, ça vomit, ça tripe, ça baise, ça sniffe, ça se culbute mais surtout ça se cherche. C'est l'adolescence, une vie, un mal de vivre. C'est tout sauf banal. Mais parfois c'est beau. Mais souvent c'est déprimant.   

"La Déesse des Mouches à Feu", Geneviève Pettersen.
 

5 commentaires:

  1. Il ne te reste plus qu'à voir l'excellent film d'Anaïs Barbeau Lavalette http://www.surlarouteducinema.com/archive/2021/11/09/la-deesse-des-mouches-a-feu-6348654.html

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Anaïs Barbeau Lavalette, belle écrivaine. Je la connaissais cinéaste, mais je ne savais pas que ce film-là était sortie dans notre contrée...

      Supprimer
    2. Un film vu en Festival mais je crois bien qu'il avait été distribué.

      Supprimer
  2. Il y a des gens qui ont vu Kurt vivant sur scène et deux ont un autographe !!!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et j'imagine que depuis, ils se la racontent à la terre entière, ou du moins jusqu'aux confins de la Lorraine... Et ils auraient bien raison de se la ramener avec cet autographe...

      Supprimer