« Bondrée est un territoire où les ombres résistent aux lumières les plus crues, une enclave dont l’abondante végétation conserve le souvenir des forêts intouchées qui couvraient le continent nord-américain il y a de cela trois ou quatre siècles. Son nom provient d’une déformation de « boundary », frontière. Aucune ligne de démarcation, pourtant, ne signale l’appartenance de ce lieu à un pays autre que celui des forêts tempérées s’étalant du Maine, aux États-Unis, jusqu’au sud-est de la Beauce, au Québec. Boundary est une terre apatride, un no man’s land englobant un lac, Boundary Pond, et une montagne que les chasseurs ont rebaptisée Moose Trap, le Piège de l’orignal, après avoir constaté que les orignaux s’aventurant sur la rive ouest du lac étaient vite piégés au flanc de cette masse de roc escarpée avalant avec la même indifférence les soleils couchants. »
C’était un été, celui ou Lucy se promenait dans le ciel avec des diamants en guise d’étoiles. C’était à Boundary, un no man’s land perdu entre la frontière du Maine et celle du Québec. Un lac, des cabanes en bois, une chaleur moite, et l’insouciance de l’époque. Tout le monde se connait, vient ici pour quelques semaines de vacances, ou trapper le castor. Des provisions de sirop d’érable, de bières et de whisky pour tenir le choc, celui d’un retour à la nature, celui qu’on ne souhaite jamais vivre. C’était l’été 67 et je sifflote un air de Procol Harum en descendant vers le lac de Bondrée.