Il y a des bruits qu’on souhaite oublier, qu’on ne souhaite même pas nommer, qu’on ne devrait même pas décrire, tant ils nous renvoient vers l’inhumanité de ce monde et vers l’odeur de chairs brûlées. Le Pikadon. D’ailleurs, d’où vient ce nom qui prêterait presque à sourire de mon point de vue occidental et qui ferait plus penser à une version peluchée d’un manga plutôt qu’au souffle d’une bombe déposée – larguée - sur les collines de Nagasaki, un 9 août 1945. Alors, je sors mon encyclopédie numérique : « Pika » signifie étincelle, lueur ou éclat soudain de lumière. D’une beauté poétique, en somme, c’est comme une aurore boréale sous des latitudes nippones. « Don » lui pourrait se traduire par un gros boum !, une genre de déflagration. Associés ensemble, ces deux mots marquent surtout la défaite de l’humanité.
« J’eus
l’impression que le cœur du monde venait d’exploser. Certains allaient le
décrire par la suite comme un bang mais il ressemblait plus au fracas d’une
porte se rabattant violemment sur ses gonds ou à la collision de plein fouet
d’un camion-citerne et d’une voiture. Il n’existe pas de mot pour ce que nous
avons entendu ce jour-là. Il ne doit jamais y en avoir. Donner un nom à ce son
risquerait de signifier qu’il pourrait se reproduire. Quel terme serait à même
de capturer les rugissements de tous les orages jamais entendus, tous les
volcans, tsunamis et avalanches jamais vus en train de déchirer la terre et
d’engloutir toutes les villes sous les flammes, les vagues, les vents ? Ne
trouvez jamais les termes adéquats capables de décrire une telle horreur de
bruit ni le silence qui s’était suivi. »