mercredi 28 novembre 2018

Jim Jones et son petit coin de Paradis

Suis-moi, je t’emmène faire une petite promenade en forêt. Prends ton pack de bières avec, surtout si tu as soif d'aventures, je te promets pas forcément une cueillette de champignons, même hallucinogènes, et pourtant, fais moi confiance, des hallucinations tu vas en avoir... Laisse aussi de côté ton opinel, sors l'artillerie lourde, ton Smith & Wesson ne sera pas de trop, mais mieux vaut trouver un lance-flammes en chemin. Crois-moi tu ne sais pas - peut-être même n'as-tu pas envie de le savoir - ce qui t'attend à Little Heaven, ce petit coin de paradis à la gloire de... Amos Fletcher, un pasteur illuminé qui ressemble à Elvis... (Toute ressemble à Jim Jones ne serait donc pas fortuite)... une secte obscure parquée dans le Nouveau-Mexique.

« Le mal ne meurt jamais ; Il sommeille. »

Mais surtout suis ces trois mercenaires, Minerva, Ebenezer et Micah. Chasseurs de prime en tout genre, mais surtout dans le genre hors-la-loi, l'histoire débute dans les années soixante, ambiance presque western sanglant. Tiens, le "presque" est même de trop, c'est que le Nouveau-Mexique n'est pas une terre d'asile très propice à l'amour de son prochain, sauf si t'es dans une secte. Enfonce-toi dans la forêt, et des bruits bizarres tu percevras. Plus qu'étrange même, cette sensation d'être épié, et ces ombres noires et gigantesques qui bougent entre la pénombre des arbres. Sauf que si tu t'attends à quelques hiboux nocturnes, détrompe-toi... Des loups aux mâchoires acérées, des ours aux griffes affûtées ? C'est plus que ça, des monstres, des entités non répertoriées sur Terre, mais je n'en dis pas plus, je ne voudrais pas - trop - t'effrayer et te dissuader de ce voyage en terre inconnue... Car de western sanglant, l'atmosphère devient western fantastique. J'ai du mal à retrouver mes esprits, respire respire, tu dois être juste en plein cauchemar... alors pourquoi mon cœur bat trois fois plus vite...    


dimanche 25 novembre 2018

L’Acid Queen de Bradford


C’est presque une histoire banale, une histoire d’adolescence au cœur de l’Angleterre. L’histoire commence comme une confession, le besoin de revenir sur son passé, de s’expliquer et de clore les souvenirs de cette époque. Je m’installe dans un pub de Bradford, une bière à la mousse bien blanche, des chômeurs jouent aux fléchettes, des supporters se préparent à la réception de Manchester, des punks jouent du couteau en braillant, je découvre la vie de Billie Morgan, Billie comme un hommage à Billie Holiday.

« Mon histoire n’a rien de bien original ; comme ces interminables ballades folks geignardes, elle s’est répétée inlassablement au fil des siècles, il suffit de changer les frusques et les drogues correspondant à l’époque. Une fille baisse sa garde, une fille est bourrée ou défoncée, une fille se fait violer. Dans mon cas, comme de bien entendu, c’est l’acide qui m’a trahie. J’étais au Crown, et j’étais défoncée. J’avais seize ans, j’étais dans ma première année aux Beaux-Arts, je vivais gaiement ma vie d’étudiante bohème et j’étais dans les vapes, à écouter les sonorités chimiquement améliorées de Walk on the Wild Side (que je ne peux toujours pas entendre sans ressentir un pincement dans ma poitrine, comme un retour de trip). La musique ne cessait d’ondoyer et de perdre sa définition, brodant des virgules de lumière en trois dimensions dans l’air, et tout à coup, voilà Steveo, avec sa belle gueule et ses cheveux longs, sa chemise à fleurs ouverte jusqu’à la taille, un collier de perles rebondissant sur sa poitrine lisse, les revers de son pantalon patte d’eph à boutons descendant au ras du sol autour de ses bottes argentées. Il me décocha un sourire, je lui rendis et lorsqu’il s’assit à côté de mi, son relent de patchouli, d’encens et de sueur fraîche, dérivant en volutes pastel évoquant des écharpes de soie en lambeaux, me fit bicher. »

mardi 20 novembre 2018

Poem for a Loser, Place Plume


Autant te le dire de suite, j’ai été attiré par le titre, « Les Perdants héroïques : Inventaire de débuts sans fin heureuse », le côté perdant probablement même si la face héroïque semble de trop.

Autant te le dire de suite, la couverture, hideuse au pas possible (Actes Sud m’avait habitué à mieux), aurait dû me faire fuir. Grave erreur, je n’ai pas suivi cette fuite. Je suis resté à cette table, j'ai bu ma bière, une Carolus d'Or pour celles et ceux que ça intéressent, île flottante pour sourire à la vie et me perdre ainsi dans les méandres de la vie de ces perdants.

Autant le dire de suite, si je suis allé vers ce roman de Miguel Albero, c’était aussi pour en découvrir un peu plus sur la littérature espagnole, olé, qui n’a rien de olé olé ici. Une littérature du genre à mettre de l'eau gazeuse dans son vin rouge... 

Et je ne vais donc pas te faire languir plus longtemps sur l’histoire, quelques mois et bières après, j’ai pratiquement tout oublié de ce roman qui pourtant fait voyager, notre vieux protagoniste partant à la recherche de son ami et des différents perdants héroïques. Qu’est-ce qu’un perdant héroïque, me diras-tu ? Si, si, tu fais semblant d'être intéressé à mon bouquin... C’est un type qui s’inscrit au marathon et qui 600 m après le départ se rend compte que ce n’est pas pour lui et file discrètement au premier virage. C’est un type qui a le titre de son premier roman, mais qu’ensuite n’arrive pas à remplir les pages blanches de celui-ci. Etc, etc... bla bla bla Olé !

samedi 17 novembre 2018

Il rêve, il chie, il écoute Herbie


« Assis là, torturé, balbutiant, à l’écoute de M. Gainsbourg, la fatigue à fleur de peau, si proche de la mort, ayant trop forniqué, avec mes yeux de merlan frit. Toujours aussi minable et con. »

Ainsi commence le roman de Jens-Martin Eriksen. Une chose est sûre, d’entrée de jeu, il me prend par les sentiments, me cite Gainsbourg, et affiche mon vrai visage, minable et con. Dès cette première approche, seul sur mon banc, un cygne blanc qui me regarde d’un air dubitatif, je sens, je sais, que je vais l’apprécier. Parce qu’il y a probablement du moi à l’intérieur, il y a la déchéance d’un homme amoureux qui se pose devant sa machine à écrire et qui ne tape plus, submergé par ses sentiments. Ceux pour Nani, cette belle Nani, sa putain son amour, son putain d’amour. Alors au milieu de volutes salvatrices, il rêve, il chie, il écoute Herbie, il boit des bibines fraîches. Mon univers. D’ailleurs, je me demande pourquoi je n’ai pas encore écrit cette histoire… Maintenant, c’est trop tard. Nani est passée par là et a succombé, mes désirs devenus chimères, ma vie oubliée. De toute façon, je n’étais pas assez - ou trop - pour elle, bandante Nani avec son cul qui ondule entre les pages jaunies.   

« Ça a été écrit par quelqu’un qui a souffert en attendant que l’histoire vienne au monde, vienne au monde et reste là. La pression est descendue, et je dis et j’écris que je chiais la vie en un fracas tonnant, retentissant, furieusement tremblant, et je fus délivré. Oh, que Dieu soit avec moi après cette turbulente vidange de merde ! Vous comprenez ce que je veux dire : C’est vraiment l’histoire, l’histoire de mon propre cul, cagué par moi et pour moi, la douleur en ce qui me concerne est insupportable mais disparaîtra sûrement, elle aussi. C’est en tout cas ici mon espoir, juste avant le gong, en ce moment où je viens d’être mon propre évènement mondial et où je vous remercie de votre participation. La seule chose qui me reste ce soir est une douleur au cul. »

jeudi 8 novembre 2018

Les Quatre Saisons de la Vodka



« C'était un été de grande ivresse.
Ma vie était ainsi faite : il y avait eu, une fois, tout un été de voyages ; et puis l'année d'avant, un été de la musique. Je me souviens toujours avec tendresse de l'été de la passion ; il y en a un autre que je n'oublie pas : celui de la séparation et de la conscience. Ils se distinguent facilement les uns des autres, les mois d'été des différentes années : il suffit de se rappeler leur saveur dominante et la mélodie principale que l'on fredonnait.
Mais il y a aussi l'automne, et l'hiver, et le printemps.
Il y eut l'hiver des morts. Et l'hiver de la paresse et du vide. Qui fut suivi de l'hiver des pressentiments. (Le premier fut humide, je ne remarquai pas le deuxième, le troisième fut tiède, sans chapka.»

Des saisons qui défilent comme des pages qui se tournent. Avec douceur. Il y a des bouteilles qui se vident au grès du vent des quatre saisons. Avec nostalgie. La vodka à flot pour entretenir de petites nouvelles sur les bords de la Volga. Et je crois, confidence pour confidence, que j'aime la vodka comme je suis amoureux de Olga.    

« Le hasard voulut que ces mois d'été-là, l'alcool coulât à flots.
Sa consommation était d'une facilité remarquable : il arrivait à point, on le buvait joyeusement et il quittait le corps insensiblement, pendant un sommeil profond, sans pratiquement laisser de courbatures ni de vertiges. »


Entre deux prodigieuses cuites, saine habitude sous le grand froid, je t'imagine ma Cindirella, un shot de vodka, glisser ma langue entre tes deux cuisses, découvrant ta fine toison, jolie brebis au pubis parfumé à la senteur des steppes sibériennes. Je veux bien finir au goulag, si je garde en moi ce goût du plaisir ultime et comme une vodka glacée qui coule au fond de ma gorge, me réchauffe le cœur, je sens encore la chaleur s'écouler dans le délit pénétré. Sans chapka. Mais la vodka ne fait pas oublier, ces étés douloureux ou chaleureux, ces automnes pleins d'avenir et d'abandon, le silence volubile d'une vodka.   

dimanche 4 novembre 2018

Strasbourg-St. Denis

Déambulation nocturne à travers les rues, des clubs de jazz, des putes sur le bitume, un autre temps. Une ère où la musique ne manquait pas d'air et où les plaisirs ne se limitaient pas à des sierra-léonaises ou à une filière filles de l'est campées à la périphérie de la ville. Mais surtout où les clubs de jazz distillaient un groove aussi puissant qu'un verre de rhum du Venezuela. A Time for Love. Une musique à écouter à deux, la nostalgie du jazz et de l'amour, croire en l'amour est-ce encore possible. Sur cette mélodie presque chaloupée où le corps de la femme enivrerait n'importe quel marin venu s'engouffrer dans cette taverne... Descendre de la ligne 4, arrêt Strasbourg-St. Denis.



Texan, sans stetson, boucle de ceinturon surdimensionnée et santiags éperonnés - étonnant à croire mais cela existe finalement - Il a composé quelques grands instants éphémères de la scène parisienne, en preuve ce New-Morning 2007. Close yours eyes. Une douceur proche de la mélancolie. Je l'ai connu d'abord dans le groove et le funk avec son RH Factor mais j'aime autant ces moments magiques qui caressent mon silence, les silences de mes nuits et de ma vie, ces silences si tant incompris. Heureusement la musique ne s'échappera pas de mon esprit. Descendre de la ligne 8, arrêt Strasbourg-St. Denis.

jeudi 1 novembre 2018

Loulou sur les docks




Une musique qui s'écoute à deux, 
La double prise jack branchée,
Deux cœurs qui se frôlent, des mains qui se caressent.
Sitting on the dock of the bay.
La brume et le soleil qui se lève.
Deux êtres passionnés. Mais est-ce ça l'amour ?

S'asseoir sur un banc, regarder un cygne qui regarde ta solitude intérieure, cette musique dans les écouteurs, un signe. L'amour qui cogne à ta porte, ton cœur qui cogne encore plus fort et ce mur - de briques - qui s'effrite, s'écroule, la fracture, la douleur, les urgences, another brick in the wall.    
Deux êtres qui écrivent chacun de leur côté leur histoire, tapant frénétiquement pour l'une fiévreusement pour l'autre ou vice-versa, le verso du vice, retourne-toi sur le son du piano. Mais est-ce ça vraiment l'amour ?

Quand tu te réveilles au milieu de la nuit, le silence et au-dessus, les étoiles, allume le téléphone, écris ces mots des maux à l'autre bout d'un rivage d'une mer aussi profonde que l'âme que tu souhaites y donner, blue moon. Parce qu'il y a urgence de le faire, ordre de ton cœur.

Prêt au décollage. Major Tom aux commandes.

Écriture en urgences, fulgurance des mots des sentiments des maux et des silences. Fuir cette région Est, froide et sans âme. Rien de bien n'est sorti de cette région, pas même moi, l'insignifiance. Partir, s'enfuir, pour vivre. Trouver l'amour, la complicité, la destruction. Perdre le contrôle de sa vie, Major Tom. Certaines passions se veulent destructives, des bleus, des coups, la nuit, la lune, l'écriture. Roger. Écrire pour aimer, écrire pour s'aimer, panser ses plaies, blue moon.

« Je monte le son. Je n’ai pas peur, honte de rien. Je danse toute seule devant toi. Tu me regardes. Tu es fou de moi. Surtout dans ces moments-là. Puis tu finis par « Sitting on the dock of the bay ». On est d’accord sur ce point. C’est notre chanson préférée. Tu me rejoins pour danser. L’un contre l’autre. Mes bras autour de ton cou. Parfois je pleure. Parfois c’est toi. C’est toujours beau.
On s’endort collés. Fesses contre sexe. La position t’excite. Alors on fait l’amour. Je n’ai pas toujours envie. Toi si. Je ne jouis jamais quand tu es en moi mais je ne m’inquiète pas. Toi si. Tu descends ta main ou ta bouche jusqu’à mon sexe. Là, je jouis. Maintenant, on peut dormir. »