samedi 28 janvier 2023

In nomine Patris, et Satana

« Le lendemain matin, en s'éveillant, Chris trouva Regan dans son lit, à moitié réveillée.
- Eh bien, mais... que fais-tu ici ? Lui dit-elle en riant.
- Mon lit bougeait.
- Ma petite sotte ! (Chris l'embrassa et ramena les couvertures sur elle.) Rendors-toi. Il est encore très tôt.
Mais ce qui ressemblait aux premières lueurs de l'aube était le commencement d'une nuit sans fin. »

Un thème inoubliable, le Tubular Bells de Mike Oldfield.
Un lit qui bouge, une tête complètement retournée.
Une petite fille qui vomit.
Une petite fille qui descend les escaliers à quatre pattes… à l’envers.
Une petite fille qui vomit.
Une petite fille qui dit à sa mère de sucer des queues... en Enfer.
Une petite fille qui vomit.
Une petite fille qui dit à un prêtre de lui enfoncer son crucifix dans son vagin.
Une petite fille qui vomit.
J’ai lu « l’exorciste » de William P. Blatty et ce sont toutes les images du film qui me reviennent sauvagement en mémoire.
Des images folles, crues, totalement abjectes. Et maintenant j’ai mis des mots, des phrases sur ces images si fidèles aux écrits. J’ai revu l’intégralité du film en tournant les pages de ce roman écrit en 1971.
Et comme Bret Easton Ellis qui signe une nouvelle préface de la dernière édition du roman, j’ai été marqué, très jeune, trop jeune, par le film. Un film devenu instantanément culte dès sa sortie, de l’affiche à la musique.
Une chose est sûre, le roman se lit comme le film de
William Friedkin, le cœur bien accroché et la gerbe sur quelques cinq cents pages.

dimanche 22 janvier 2023

L'Accordeur Désaccordée


Je me promène dans une forêt de laine et d’acier, une forêt aux effluves d’herbes et d’arbres, une forêt mi-noire, mi-verte, avec ses zones d’ombres et de soleil, une forêt où se distille une musique, celle de l’âme, celle du cœur, des notes qui errent entre les fougères, des interludes de Chopin. A peine surpris de cette ambiance, je me demande d’où vient le murmure de ce piano.

« Dans son survêtement gris, ses cheveux ébouriffés comme au réveil, sa grande carcasse recroquevillée, il se lança dans un morceau que son tempo nonchalant m'empêcha de reconnaître tout de suite : la Valse du petit chien, de Chopin. 
Du morceau, d'abord indistinct, se détacha peu à peu la silhouette du petit animal. Alors que j'avais commencé à ranger mes outils, je posai sur le client un regard étonné. Un chien géant. Le charmant bichon maltais imaginé par Chopin avait sous mes yeux pris la forme d'un grand canidé maladroit, de type akita, labrador ou retriever. Le tempo était lent, il y avait quelques fausses notes, mais le jeune homme jouait avec le plaisir communicatif d'un petit garçon, non, d'un chiot. Penchant parfois la tête, il semblait murmurer en direction du clavier. 
Ainsi jouait le petit chien. Ainsi sonnait le piano. 
Le regard rivé sur le dos du jeune pianiste, je ne pus retenir mes applaudissements sincères lorsque son court morceau arriva à sa fin. »

samedi 21 janvier 2023

If I Could Only...

Une nuit, sans lune,
Un rivage, sans soleil,
Au loin, bien loin,
des ambiances de western
 et de musique de country,
je continue à me raconter
un film de cowboy.

dimanche 15 janvier 2023

After Shave

 
"C'était néanmoins de la bonne bière, épaisse et nourrissante, un repas en bouteille comme aimait à dire Horse, et Pauley la versa lentement le long de la paroi du verre. Une épaisse levure fermentée couleur vanille se forma à la surface de la bière couleur mélasse, au fur et à mesure que le verre se remplissait."
 
Mark Paulos, alias Pauley, héros malgré lui d'une Amérique noire où l'espoir se dilue dans la mousse épaisse et sombre d'une bonne pinte de bière. Gamin, il a subi pendant des années les raclées de Pauley Senior, à coup de ceinture, un morceau de cuir utilisé pour aiguiser son rasoir. Un rituel. 
 
Des années plus tard, je retrouve Pauley au détour d'une rue de San Francisco. La ville s'éveille, la brume se disperse, pas les souvenirs. Sur le mur, quelques graffitis en noir, du genre 
"Ne Vous Droguez Pas SEULS
Appelez Un Ami
24 heures sur 24". 
 
San Francisco la ville du new-age. 
 

lundi 9 janvier 2023

Les Folles Nuits d’Ignatius


 Ah, sacré Ignatius. Gros, une casquette verte toujours vissée sur ses cheveux gras, des poils de moustache jusque dans les narines, Ignatius est donc un personnage surprenant. Pas de quoi s’y attacher, bien entendu, il est du genre à passer ses journées sur le canapé de son taudis pour regarder des jeux télévisés incompatibles avec la notion de culture, malgré ses longues études universitaires chèrement payées par sa môman. Son plus grand plaisir semble être celui de martyriser sa pauvre mère qui n’en peut plus de l’ingratitude et de la paresse de son maudit rejeton. En plus, Ignatius est le maître incontestable du rôt. Ce n’est pas de sa faute, ne va pas lui en vouloir, c’est à cause de son anneau pylorique qui est défectueux à la moindre contrariété. N’empêche, on se fait un portrait peu reluisant du type.

« Mon appareil respiratoire est, malheureusement, d’une qualité inférieure à la moyenne. M’est avis que je suis le fruit d’un engendrement d’une particulière faiblesse de la part de mon père. Son sperme fut émis, je le crains, d’une manière très négligente. »

jeudi 5 janvier 2023

La Dictature, Championne du Monde


"L'homme tourna une page, et Pablo eut à nouveau l'impression qu'il le suivait du regard. Il leva le nez au plafond pour ne pas se faire remarquer, fixa un point au fond du balcon puis, n'y tenant plus, se tourna vers l'homme et put lire les gros titres étalés en première page : "L'Argentine championne du monde" et, plus bas, : "Nous avons vaincu le monde entier."
 
Je relis à deux fois le titre du journal, l'Argentine est bien championne du monde. La foule est en liesse. J'aurais fait un saut dans le temps. Car d'un autre côté, la foule a peur également. Elle oscille entre afficher ostensiblement sa joie dans les rues ou cacher fébrilement ses peurs aux regards des grandes artères. Nous sommes en 1978, l'Argentine de Mario Kempes est bien championne du monde, mais régulièrement des cadavres échouent sur ses plages. La dictature fait rage deux ans après le coup d'état du 24 mars 1976. La dictature, championne du monde.
 
Au soir de la demi-finale match, Pablo est sur le point de rentrer dans son appartement du centre de Buenos Aires lorsqu'il voit "deux hommes à l’affût" dans leur voiture en bas de son immeuble. Il grimpe les escaliers trois par trois, le souffle court, il ouvre sa porte, des gouttes de sueurs froides dans le dos. Il laisse les lumières éteintes un temps, se sert un verre de vin et regarde par la fenêtre. Ils sont toujours là. Que veulent-ils ? Est-ce qu'ils le surveillent, lui ? 

 

dimanche 1 janvier 2023

Funiculi Funicula


Une chaleur moite, la sueur qui dégouline le long de ma chemise, ladite chemise qui a changé de couleur depuis, j'erre dans les méandres de la solitude et des rues aux néons illuminés. Une devanture qui me fait ni chaud ni froid, pourtant je descends quelques marches pour accéder à ce café, le "Funiculi Funicula". 
 
Quelques personnes à l'intérieur, un vieux à la table du fond, un pauvre type dans son coin seul à sa table avec une bière, une dame presque diaphane au milieu dans une robe immaculée blanche... Malgré tout, ce que je perçois au premier abord, c'est le coté tempéré du café, ni trop chaud, ni trop frais. Et presqu'en dehors du temps, de ce temps, de notre temps. Peut-être parce que le café est en sous-sol par rapport à la rue... Et cela se ressent aussi dans l’atmosphère qui s'y dégage. Étrange, comme un univers parallèle. Fascinant comme une paire de jambes qui se croisent et décroisent. Envoûtant comme le parfum d'un sourire. Jasmin.

"Sous l'effet de l'attraction terrestre, l'eau coule de haut en bas. Nos âmes exercent une force d'attraction, elles aussi. Face à quelqu'un qu'on estime et en qui on a confiance, on ne peut pas mentir. On ne peut pas s'empêcher de se montrer sous son vrai jour. En particulier dans les moments où on essaye de cacher sa tristesse ou ses faiblesses."