vendredi 30 décembre 2022

les Quatre Saisons de Vivaldisson

"J'aime bien m'allonger sur la banquette, dans le coin du salon, quand la pluie tambourine sur le toit et que j'étale sur moi la couverture en laine à carreaux. Parfois je contemple les ruisselets de pluie sur les vitres avant de fermer les yeux pour écouter. La pluie résonne différemment selon les régions. Celle d'ici est bien différente des trombes d'eau de l'est du pays. C'est comme le même air dans une tout autre orchestration."
 
Au bord de la mer.
Le vent, des larmes tombent du ciel, une pluie glaciale.
Des maisons noires, des flocons blancs.
Un soleil, éphémère.
Quatre saisons qui s’enchaînent, et un homme qui écoute Vivaldi, qui écoute le vent et la mer, qui écoute le silence de sa vie.
 
Il est assis, face à une table en bois rustique, une machine à écrire Olivetti posée dessus. Face à la mer et au vent, il laisse court à son imagination. Ses pensées aussi fugaces que l'espace dans sa maison dépouillée. Une maison au toit noir, aussi noire que le goudron une nuit sans lune. Une feuille blanche sur la machine, aussi blanche que la neige qui tombe en flocons d'hiver. Un hiver qui commence tôt, aussi tôt que la nuit dans la journée. Il cherche l'inspiration, le coup de la panne on dirait. Qu'est-ce qu'un écrivain a à raconter ? Ses nuits... Ses jours... Ses pensées.
 
"Le phare jette des étincelles la nuit quand je me réveille pour aller boire de l'eau. C'est un rayon rougeâtre qui jaillit au-dessus de la mer telle une langue de serpent." 
 

dimanche 25 décembre 2022

La Pluie de Gould


 « C'est comme s'enfoncer dans une forêt ébouriffée. Ou marcher au bord de la rivière. On arpente sa vie. On choisit un chemin. On s'y habitue. On tente de retenir la route. L'itinéraire. C'est normal, il faut un biais pour découvrir. Un plan. Le chemin devient familier. Rassurant. On élabore nos propres repères. A partir de ce que l'on connaît. Mais on ne connaît rien. Les vrais ignorants ignorent leur ignorance. C'est un peu comme voir le paysage par une petite, petite, toute petite fenêtre. Et finir par croire que ce paysage se limite à ce qu'on en perçoit par cette petite, petite, toute petite fenêtre. Au lieu d'essayer d'élargir la fenêtre. De casser les murs. On préfère réduire ce paysage. Penser qu'il n'est que ce que l'on en voit. S'en contenter. C'est plus confortable. Et puis un jour on se rend compte que le monde est plus grand que nos yeux. Et on reste là, perdus. Au bord du vertige. »

Ici ça va. Enfin c’est pas moi qui le dis, c’est Thomas qui l’affirme là-bas. Il vient de s’installer dans une maison abandonnée avec une cabane désarticulée. Avec sa femme Ema. La maison de son enfance. Et les voilà, le joli couple aux sourires insouciants, en train de retaper la baraque. Je regarde par la fenêtre, il pleut, ça sent bon l’herbe mouillée. J’espère qu’ils ont fini de réparer le toit.

Là-bas, ça va donc. De vieilles pierres, de vieilles malles. Et de vieux souvenirs qui resurgissent du passé. En même temps que la reconstruction d’une maison, c’est la reconstruction d’une vie qui se joue aussi. Et d’un couple…

« Elle sentait bon la bière et la sueur des femmes. »
 

lundi 19 décembre 2022

Le Pig's Eye


Classique. Le pick-up, la poussière et le juke-box illuminé. Ambiance country, ambiance Kentucky. Qui y est né y reste, telle serait la devise de l'état. Loin de toute civilisation, presque perdu au milieu d'un désert de poussière, des néons illuminent le bout de la route, rectiligne depuis des kilomètres de vide. Mais à des kilomètres du mythe, j'entends cette musique, je perçois cette odeur de T-Bone au grill, je vois même des volutes de fumées de cigarettes comme dans le temps on voyait le crépitement d'un feu de camp d'un camp sioux ou apache. Le Pig's Eye.   

"Tous les jours après le travail, je m'arrêtais au Pig's Eye, un bar avec de la pression pas chère, un billard et un juke-box. C'était le genre d'endroit où on pouvait se saouler tranquillement, parce que les flics avaient trop à faire avec les bars étudiants du centre-ville. Le plus gros connard du rade était le barman. Il aimait mettre les gens dehors. Au Pig, on pouvait fumer des pétards, on pouvait jouer au poker, on pouvait se battre, mais celui qui buvait trop était banni. Ça m'a toujours semblé bizarre - comme d'expulser quelqu'un d'un hôpital parce qu'il est malade."
 
Les portes du saloon s'ouvrent, des cris et des rires, de la sueur et des bonnets D. Je vois une dame, seule au comptoir, crinière brune longues jambes, elle parle à sa bière. Je m'assois à deux tabourets d'elle, je ne veux pas m'imposer. On me sert une bière, je la siffle, la bière. Pas la femme, ni la serveuse. De toute façon, je sais pas siffler. Je ne dis rien, je bois juste le regard porté sur la vie de cette Amérique profonde. Elle ouvre la conversation, à ma grande surprise, à son grand sourire. 
- C'est où, chez vous ?
- Kentucky.
- Quelle partie ?
- Celle que les gens quittent. 
Voilà, tout est dit. le Kentucky, il faut y être né pour y rester.
On se quitte sur un sourire, avant des larmes. Je remonte dans le pick-up, chevaucher la poussière de la nuit sur mon destrier rouillé.
 

samedi 10 décembre 2022

Un Goût dans la Bouche


J’ai comme un goût dans la bouche. Qui reste. Nauséeux. Je bois, je bois, je bois pour faire passer ce goût devenu ferreux. Bains de bouche à la Listerine. Mais rien n’y fait, ce goût semble indélébile, il ne s’efface pas de ma bouche, de ma tête. Je passe le visage sous l’eau, enlever tout ce sang au bord de ma bouche. Je reprends ma route, croise celle de Maren, seize ans, qui fuit aussi son « anomalie ». 

Elle est pareil, de la même veine, du même sang dirai-je de mon esprit cynique. Laissée par sa mère, qui n’arrive plus à s’occuper d’elle, à la protéger, elle traverse les Etats-Unis à la recherche de son père qu’elle n’a jamais connu. Comprendre pourquoi. Pourquoi il est parti. Pourquoi elle est comme ça. Pourquoi je bois de la Listerine.

Comme quoi, me diras-tu. A la recherche de normalité dans cette société-là. Elle n’est pas « normale ». Mais elle découvre qu’elle n’est pas seule. Sur sa route, subitement livrée à elle-même, elle monte dans des pick-up, elle rencontre des gens qui sont comme elle. Des gens qui bouffent d’autres gens. Chacun ses motivations. Ceux qui mangent les vieux, ceux qui dévorent les personnes malades ou en fin de vie, ceux qui bouffent les méchants… Et elle. Son premier festin, sa baby-sitter… Et puis des camarades de classe ou de camp d’été…

mercredi 7 décembre 2022

A l'ombre des Bambous


"Nous entrons dans le bosquet de bambous. La neige a fondu. Entre les vieilles plantes vert grisâtre, Fukiko remarque les camélias rouges au cœur jaune. Elle murmure :
- Le rouge et le gris, comme la lumière et l'ombre..."
 
Comme toujours avec Aki Shimazaki, je me retrouve plongé dès son titre dans mes cours de biologie végétale à la recherche de la pétasite du Japon, je passe sous silence la classification latine de l'espèce. Comme j'aime bien le silence et que je n'étais pas des plus assidus dans cette matière ça m'arrange un peu. Bref, revenons à la lumière du récit, ou plutôt à l'ombre du chardon.
 
Me promenant dans cette forêt de bambous, à la cueillette de ces pétasites - tu sens déjà ce délicieux parfum de fuki-miso mijotant dans la marmite -, je croise au loin ce couple, une femme avec une femme, Mistuo et Fukiko, qui se tiennent la main. L'image est belle dans ce Japon, où l’homosexualité est encore un sujet "légèrement" tabou, encore plus dans cette campagne reculée loin des quartiers tintamarres de Shibuya ou de Harajuku. Est-ce la présence des bambous,  cette ambiance végétale qui m'entoure, mais je perçois ce parfum d'amour et de retenu. Juste une main dans la main, pas besoin d'être plus démonstratif, l'amour perçu dans ce silence contenu que seule une mélodie de Bach ou de Schubert viendrait imperceptiblement bercer.
 

samedi 3 décembre 2022

Les Escales de Nad' et du Bison : Finlande

Lieu : Heinola, Finlande
Lever du soleil : 8h52  | Coucher du soleil : 15h15
Décalage horaire : +1h
Météo : -4° ressenti -6°. Ciel très nuageux, faibles chutes de neige.
Coordonnée GPS : 61°12’10.18 N / 26°1’56.37 E
Musique : Every Time I Die, Children of Bodom / Thunderstruck, AC/DC
Un Verre au Comptoir : la Bière du Démon




Il m’est plus d’une fois arrivée de m’imaginer sur une île déserte. Celle de Västerbådan, entre la Finlande et la Suède, dans le golfe de Botnie, se prêterait bien à mes rêveries. Amarrée sur la grève, quelques coups de rames me mèneraient à Kvarken, l'archipel du silence. En poussant l’audace de mes songes encore un peu loin, je m’y trouverais avec Tove Jansson et l’un de ses comparses, Pipo, le meilleur ami de Moomin. Le regard porté à l’horizon, il nous jouerait des airs d’harmonica. Le rêve est de loin le plus fidèle des compagnons de route…

...Bonjour, vous êtes sur les ondes de Yle Radio Suomi, ne quittez pas dans quelques minutes en direct de Heinola, nous vous présenterons le grand évènement sportif du week-end, le championnat du monde de Sauna. Retrouvez-nous juste après cet instant de communion avec Children of Bodom en concert au Tuska Open Air Metal Festival...

jeudi 1 décembre 2022

Les Naïades


Dino Scala est ce qu'on peut considérer comme un gigolo au Grand-Duché. Il se tape une vieille, le double de son âge au minimum. Vieille et friquée, je n'ai pas dit fripée, mais rien de bien anormal on est tout de même au Luxembourg, pays de la haute finance et de la bourgeoisie intègre. Mais voilà, tout plaisir a sa fin, et la sienne sera de devoir filer dans le Sud, au pays des cigales qui chialent toute la nuit, officiellement pour prendre un peu de recul avec les gaufres luxembourgeoises. Le yacht de la vieille l'attend d'ailleurs dans la baie de Saint Tropez. Un peu de recul sur leur histoire. Mais comment veux-tu que je t'...
 
Et là, imagine le topo, le fait improbable pour ne pas dire impensable, même les allemands n'oseraient jamais l'imaginer, sa Mercedes C63 AMG, Black Series, tombe en rade dans la rade de La Ciotat. Direction le garage et en attendant un bungalow au camping "Les Naïades", Dino y fera la connaissance de son voisin Charles Desservy, un célèbre écrivain au Prix Goncourt tout de même. Autour, des Quechua et des campeurs aux packs de Kronenbourg. Alors que le Charles lui sort les flûtes et le seau à Champagne. Le gars, il sait vivre, y'a pas que le Spritz ou le sous-mojito allégé en rhum même au pays du peuple.