mardi 25 février 2020

une Montagne, un Lac, des Chemins et un Cours d'eau


Sur le quai d’une gare. Personne. Juste du vent, pas l’ombre d’une brune. Juste de la poussière balayée par le vent. La brume s’évapore, la lune s’enfuit, un train siffle. Puis le silence. D’un quai vide, d’une vie vide. Le train reprend son rythme lancinant, le regard sur l’horizon. Je regarde par la fenêtre le paysage défiler. Des arbres, des forêts, des clairières, des arbres, un lac. Je descends à l’arrêt suivant. Toujours personne sur le quai, personne qui m’attend. Je m’engouffre, petit chemin sous-boisé dont les méandres semblent grimper au-delà des montagnes. La sueur découle à chaque pas, atmosphère humide, au son des clochettes des temples voisins.

Bien étrange atmosphère où je plonge, à l’ombre de cryptomérias centenaires, un parfum de forêt et de solitude, dans un lieu à la fois mystique et mystérieux. Bien étrange bouquin que j’ai amené avec moi pour accompagner cette longue plage de silence où les âmes semblent avoir disparu, la mienne comprise. Entre deux pauses contemplatives, je lis quelques pages, ouvrant un roman hongrois, je me retrouve immergé dans la forêt du Kansaï à suivre les traces du petit-fils du prince Genji à la recherche d’un jardin d’une incroyable beauté.

samedi 22 février 2020

Monologue (Historias de Pampas)


Brunes ou blondes, elles s’ouvrent à moi, mystérieuses et vaporeuses. Je parle de bières, je parle de femmes. Enfoncée dans le tréfonds de la pampa, une belle argentine – ô pléonasme, toutes les argentines doivent être sublimes – une bouteille de bière coincée entre ses cuisses nues et chaudes – et caramélisées, la condensation de la bouteille coulant sur ses poils pubiens, blonds ou bruns. Elle pense. J’essaie de la pénétrer, son âme, sa beauté mystérieuse. Ses pensées intérieures filent, à vive allure, défilent comme le va-et-vient de ma bite dans sa chatte baveuse. Ses cuisses ouvertes s’offrent à l’intimité de mon moi. Son soi, elle n’y pense que trop. Elle se sent prisonnière. De son homme, ce genre d’homme qu’on qualifie de « mon amour » dans l’intimité d’un canapé. Crève, mon amour, même, pense-t-elle furieusement. De son bébé. Da sa vie, dans cet endroit reculé de l’Argentine, tragédie de sa vie.

De quoi rêve-t-elle, cette femme dans son long monologue intérieur. D’une autre vie, de son voisin, de la bite de son homme qui lui martèle le cul, la sueur aigre dégoulinant sur les draps.

« A chaque fois que mon mari me baise je cligne des yeux et c’est comme si on abattait un arbre. Comme des coups de hache. Je mange d’une main et la graisse dégouline. Je parle fort, je bave, mais on me baise quand même, je suis toujours appétissante. Contre le mur, tu aimes ça, dit-il, lascif. Menottée, comme tu l’as demandé. Je ne le reconnais pas. On dirait qu’il a pris des notes. Il me baise et mes yeux explosent à plusieurs reprises. L’exorciste. Je reste aveugle. Une pierre contre le front. Il me baise, il me baise et tout s’effondre, les objets tombent et se fracassent. Les petites tasses en porcelaine de la grand-mère. Les images encadrées rapportées d’Italie. Ma maison est un dépôt de verre. Mon fémur me fait mal. Je ne dis rien. Pour une fois j’entre dans son jeu. Le petit mari fort en tautologies s’est dégourdi. Le rapace s’est réveillé. Je me noie sans résistance dans ses fluides. Il dit même pute. Il le dit et sa bouche s’emplit d’une eau rageuse. De l’eau polluée. Ce ne sont pas ses mots. Loué soit le Seigneur. Il a appris, a-t-il observé l’autre ? Mais ça ne me sert plus à rien. J’essaie de lui appartenir. Je lui donne mon cuir chevelu. Prends. Je lui donne mon cerveau. Je lui donne ma peau tendue. Pince-la. Je lui donne mes cils, je me fiche de les perdre. Que mes yeux s’assèchent en un clignotement. Je m’offre. Sers-toi. Tiens. Goûte. Je veux être son épouse mais je le regarde, étonnée comme une inconnue. Une femme qui fait la sieste et se fait agresser par une ombre. […] C’est fini. Je le laisse me toucher encore. On est tout baveux. Maintenant viennent l’étreinte et le baiser humide. Maintenant vient le harcèlement de l’amour. Je veux me fondre… »

samedi 15 février 2020

Questions pour un Champion


Les lumières sur le plateau s’éteignent. Un public en délire et en sueur, chauffé au thé glacé Earl grey, retient sa respiration avant d’hurler de plaisir ou de fantasmes lorsque le projecteur illumine le Maître de cérémonie, j’ai nommé, j’ai nono, j’ai mémé, non laisse mémé dehors, j’ai nommé JULIEN LEPERSSSSSS… Applaudissements dans les gradins, des soutiens-gorges volent, le piercing du téton est tendance, des rires à gorges déployés, des fan-clubs enjoués et des déambulateurs laissés à l’entrée. C’estttt Questionnnns pour un CHAMPIONNNN !

« Je suis autiste Asperger. Ce n’est pas une maladie, je vous rassure. C’est une différence. » Olivier Liron commence ainsi, presque comme une excuse de n’être pas dans le même moule que la société. Il file aux toilettes, trempe une madeleine dans son coca et revient derrière son pupitre attendant la nouvelle question de Juju. Juju, il l’aime bien, et je crois que c’est réciproque. D’ailleurs tout le monde aime Juju, le gars de la télé qui a rêvé toute sa vie d'être chanteur. C’est donc pour lui, cette foule en délire. Il a ses fiches, il regarde Olivier, il regarde le public, il me regarde et crie question botanique. La banane, c’est là où il est le plus fort, pas moi, j’ai séché tous mes cours de biologie végétale.

« Quand on ne peut pas parler, on construit des forteresses. Ma forteresse à moi est faite de solitude et de colère. Ma forteresse à moi est faite de poésie et de silence. Ma forteresse à moi est faite d’un long hurlement. Ma forteresse à moi est imprenable. Et j’en suis le prisonnier. »

vendredi 14 février 2020

Un Air de Gershwin


Quelques notes au piano. Assis dans le noir, l’âme allongée sur un parfum de jasmin, je garde les yeux clos pour capter l’émotion, l’essence de ces notes si sibyllines. Le soleil se couche, les ombres s’agrandissent, la nuit se pare de ses étoiles, j’ai toujours les yeux fermés. Et je laisse le temps filer, il coule sur ma peau nue et froide. Un rayon de lune essaie de percer les ténèbres de mes volets, mais un mur de silence me maintient à l’écart. Et dans ce silence, un homme seul avec son instrument à longue queue, un Steinway. Brillant et dépoussiéré, le genre d’engin à être entretenu par des mains délicates, il sonne la magie du silence. 

mardi 11 février 2020

Brouillard

Bienvenue à Grosvenore-Mine, ses joies, ses pochetrons et ses kidnappeurs d’enfants. Voilà la pancarte que j’aurais dû lire avant d’entrer dans ce bled aux confins du bush australien. Mon Nissan 4x4 chargé de poussière, la traversée du désert, une cassette à bande magnétique de Nick Cave dans l’autoradio crachote ses sombres mélopées. La poussière se soulève de l’asphalte brûlant, ma gorge brûlée par l’incandescence du soleil, une allumette craque et mon corps s’enflamme aussitôt, combustion spontanée d’une vie dans le brouillard.

« A mon deuxième réveil, il faisait jour, mais j’étais dans le brouillard.
Le vrai, je veux dire.
Pas celui dans ma tête, un vrai brouillard de belle et authentique vapeur d’eau qui enveloppait les vitres du Nissan de sa grisaille ouatée.
Ça arrive, dans le bush.
Un déluge s’abat au milieu de la nuit. La roche, qui n’est jamais très loin sous le sable, empêche l’écoulement de l’eau. Le matin, un quart d’heure après s’être levé, le soleil commence à souffler sur cette partie du monde son haleine de dragon furax. Le sol imbibé de flotte se met à fumer et bientôt on n’y voit plus à un mètre. »

jeudi 6 février 2020

Muskogee, Oklahoma


Un vent chaud souffle sur cette crinière rousse, jeune et flamboyante, dans les collines de Californie. Beck Westbrook, apprentie comédienne. Dans sa poubelle, le corps démembré d'une jeune femme se mêle à l'air déjà suffocant de cette nuit étoilée. Ça ne donne pas trop envie d'y plonger ses mains manucurées essentiellement occupées à masturber la bite molle de son vieux compagnon richard. La célébrité dans ce milieu a un prix, celui des castings.

Un étrange homme, ce Wes, qui se retrouve souvent dans son point de vue. Peintre mystérieux d'une peinture encore plus mystérieuse, sombre et saignante même, il a une obsession pour les femmes. Dis-moi, Wes, ça ne serait pas plutôt les taches de rousseur qui te motivent dans cette obsession. Une rencontre se dessine mais surtout un retour aux sources, Muskogee, Oklahoma, un bled perdu dans la profondeur de l'Amérique, pas très bandant comme nom mais pourtant une belle rousse sur un air de country, ça se chevauche bien.

dimanche 2 février 2020

Un jour, j'irai à New-York avec... Loulou


Les primevères sont derrière moi. HP Ignition, une autre histoire. A bord du ferry, un vent glacial s'emmêle dans les méandres de ma crinière grasse qu'un shampoing à la moelle de bambou ne serait rendre l'éclat de sa jeunesse. Les hauts buildings de Manhattan s'érigent face à moi, je me sens petit, minable, une poussière d'étoile, de vie, de Ground Zero. Je la vois, elle, ravissante brune. Bianca. Quelque chose dans ses yeux, son regard qui me pénètre. J'ai envie de respirer ses cheveux, je ne sais pas ce que sent la moelle de bambou ?

« J'atterris dans un bar d'un tout autre style. La clientèle est différente : des métalleux aux cheveux longs, tatoués de la tête aux pieds pour la plupart. La musique à fond, je crois reconnaître un air de Deep Purple. Jo tient toujours ma main. J'ai le choix entre une IPA et une Brooklyn Lager, les deux seules boissons à la carte. Je le laisse choisir. Je n'aime pas la bière. Mais ce soir, c'est différent. C'est très rafraîchissant, comme Jo. J'attrape ma pinte. Jo disparaît. Je me retrouve toute seule à boire. »

Une musique dans un bar, playlist d'une autre époque. David Bowie est resté dans son corps. Deep Purple est dans le mien. Je fais un compromis, Guns N' Roses pour raviver ses souvenirs. Elle est seule devant son verre de bière. Je connais bien cette situation. Devant ma pinte, à la regarder. Ou sur un banc, à l'observer. Sa mélancolie, sa tristesse, son envie. Je plonge dans son regard, comme un poivrot dans son verre, ou un pauvre type dans le vide du haut de son immeuble. La situation m'est familière, ces flashs sont fréquents dans les putains de vie. No Hope.