jeudi 31 octobre 2019

Chanson Suédoise

« La neige escomptait les contours de la plage, lui donnant des airs d’aquarelle. Elle avait coiffé le sable, les galets, et drapé la jetée. Sous la neige, le paysage devenait à lui seul un conte. Ses paillettes immaculées arrondissaient les angles et gommaient les différences, propageant une beauté douce et rassurante. Le silence ouaté transformait les cris en murmure et le vent en musique. »

Le tableau est idyllique, de la neige, belle et silencieuse, celle du Grand Nord à peine foulée. Le froid qui bleuit les doigts, même celui des cadavres. L’air frais de la Suède, et de belles suédoises pour faire frémir le caleçon. Mais oublions, le temps d’un roman, ces saunas où mon état vaporeux se prélasse dans une fantasmagorie des plus libidineuses. Car la réalité est nettement plus sanguine. Cruelle même, affreuse, abjecte. Une vision d’horreur.

Petite revue en détail de l’équipe, Emily Roy, la profileuse qui semble partager sa vie entre Londres et cette région suédoise, Alexis Castells, écrivaine spécialisée dans les crimes en série, le commissaire Bergström et son équipe aux noms bien suédois, et la jeune Aliénor Lindbergh, autiste Asperger qui complète l’équipe de ses incroyables connaissances… Ça en fait du monde à suivre, pour un troisième épisode pour qui n’a pas lu les précédents. C’est d’ailleurs mon seul reproche, cette difficulté à intégrer l’équipe et à comprendre leur rôle respectif, n’ayant pas abordé auparavant les précédents opus.

lundi 28 octobre 2019

La Cambrure des Culs Noirs


« La ville est torride. La poussière rouge qui recouvre tout est encore plus désagréable pendant ces heures chaudes. La seule chose à faire c’est profiter de la fraîcheur de ma maison pour une sieste en compagnie de quelques culs noirs ramassés au passage. »

La poussière s’élève du néant. Une horde de camion fonce dans le désert. Immensité des lieux, le vide aux alentours, ils avancent sous une chaleur écrasante, comme une course contre la montre, contre la lune ou contre la casse. Ce ne sont pas des premières mains, ces camions récupérés dans quelques casses aux alentours de la banlieue bordelaise. A son bord, le chef de gang, Cizia Zykë. Il règne en maître sur ses ouailles, comme un dictateur despote tenant entre ses doigts la vie de ses serviteurs. Bokassa est un boucher cannibale, Cizia lui est une légende. Mais dans le genre, macho, avec les chaines en or autour de son torse velu, la chemise ouverte, le flingue pour le respect, dans le genre sévèrement burné, juste de quoi rouler des mécaniques.

« La nuit, je tâte, dans un demi-sommeil, les culs propres et rassurants qui m'entourent et me rendors heureux. »


vendredi 18 octobre 2019

Knock-Out


« Ici, le métro est aérien. Il y a quelque chose d’étrange avec ça, mais dans le Bronx, de longs tronçons de rails sortent de terre et filent loin au-dessus des rues, comme la ligne E1. J’imagine qu’un jour, ils vont l’enterrer, elle aussi, et ça sera dommage, parce que de là-haut, un jour comme celui-ci, on peut voir plein de choses de New-York.
Je veux dire que souvent, même trois ou quatre nuits après une averse, on peut encore voir sur les toits plats et goudronnés, les flaques d’eau scintillantes qui reflètent le ciel. Et quand le vent souffle, les extracteurs métalliques, certains tournent, tournent, et d’autres, leurs pales telles des crinières, s’agitent brusquement, susceptibles et nerveux, à la manière dont parfois on voit un pur-sang prendre le mors aux dents à l’approche de la ligne de départ, alors que son jockey essaie de l’apaiser, avant – si on parvient à l’entendre – de l’injurier.
Il y a aussi les pots de fleurs sur les escaliers de secours. La plupart avec des géraniums, parfois même un rosier, et toujours, bien après la saison, des lys avec les longues feuilles jaunies, un emballage de papier rose encore autour des pots. »

Le corps en sueur, le cœur battant, l’âme pas encore battu, un genou à terre. J’entends cette petite musique dans la tête, genre ta ta ta ta ta la la la la, tu vois le genre, genre tu cours dans la rue, et dès que tu vois des marches d’escalier, tu accélères, et une fois gravi le sommet de cette colline urbaine, tu lèves les bras au ciel et tu te retournes en regardant la ville en bas, le regard si fier que tu aurais envie de crier au vent « Adriennnnneee ». Une foule t’applaudit, hurle ton nom, des flashs crépitent, c’est le délire, abondance de lumières, de brouhaha, de femmes en maillot de bain échancré venu tourner autour de l’arène, ce mélange de sueur et de testostérone, bientôt tu auras une statue à ton image, les larmes aux yeux. Oui, mais voilà, tu te réveilles ce matin, dans un matelas qui pue autant le moisi que la pisse, toujours en sueur, dans un motel autant moisi que miteux, seul, la vie c’est pas ce putain de rêve. Le mythe du boxeur, c’est une autre paire de gants.

vendredi 11 octobre 2019

Rum y Rumba


Viens… Je t’emmène, jusqu’au bout de la nuit, au bout de la vie. Une folle nuit d’insomnie, à Cali. Santiago de Cali, berceau colombien de la salsa et de la danse. La musique déverse son flot de déhanchements à chaque coin de rue, et crois-moi, j’aime le déhanchement de ces femmes, dans le genre brune épicée au sourire ravageur. Timidement, je suis du regard Maria qui n'a de regards que pour ces ténébreux colombiens aux regards de braise capables de lui traduire les grandes chansons de rock américain, de danser toutes les sambas de la nuit, de lui fournir quelques comprimés d’une blancheur cocaïnée… Bref rien pour moi, mais je me contente d’observer son sourire et sa vie à distance. Elle a de toute façon l’air si heureuse loin de ma personne que personne ne s’en émeuve la bouteille de rhum à portée de main la narine hésitante face à cette ligne toute tracée et immaculée.

Une ballade et balade, nocturne, musicale, sous le clair de lune, dans les ruelles sombres et sous cocaïne, odeur puissante d’urine et de vomis. Du rock à la rumba, des pierres qui roulent, de la mousse dans un verre, Que Viva la Musica ! dirait un révolutionnaire, suivi de la belle Maria et de son sourire, fuyant sa clique d’admirateurs à sa suite. Elle est belle, Maria, toujours aussi belle qu’à son premier chapitre, toujours aussi fraîche même au bout de la nuit, mélange de jasmin et de sueur, je renifle, non pas de coke pour moi, juste sa fragrance enivrante, mon envie de lui verser sur son corps ma bouteille de rhum qui glisse entre ses seins, qui imbibe ses poils pubiens que je m’empresse de lécher, la langue assoiffée de ces prénoms en a. A moins que cette nuit de débauche et de rumba ne soit qu’une longue hallucination solitaire dans l’ombre de la lune bleue.

vendredi 4 octobre 2019

Love, Drogues & Sax


« Voilà plus de sept ans qu’il est mort mais je continue à passer mes nuits avec lui. Adossé à un mur de la chambre, la tête légèrement penchée selon ses habitudes, les paupières lourdes, il garde les yeux fixés sur moi. » 

Un hiver glacial tombe sur la ville. Tu ne trouves pas qu’il fait froid ? Dans cette chambre, dans cette ville, dans cette vie. J’aime le jazz, les sonorités improbables d’un saxo, les silences entre les sons. J’aime le froid, la neige, le blanc. Lorsque les doigts deviennent bleus. Lorsque les lèvres deviennent bleues. Lorsque de la fumée sort de ta bouche à la moindre respiration. Inspiration expiration. Le cœur bat, combien de bpm, le saxo sonne, la machine à écrire fredonne. Izumi est écrivaine, Kaoru musicien dans le free jazz. Les sons s’échappent, improvisation du moment. Izumi se couche, échappant aux coups. Kaoru rêve du Grand Nord. Izumi ne rêve plus, ne vit plus. Un saxo qui cogne. J’ai rêvé de la lune bleue.

« Ma musique vit une seule vie. L'improvisation dans le jazz dépend de la sensation du moment, c'est une question de sensibilité. Ça t'arrive d'écouter du jazz ? »