"Journal d'une nuit espérée, rendue triste par la situation en général. Il est douloureux d'imaginer que cela aurait pu être autrement. Roulis d'un soir sans crépitement, je devinais sous la profonde écriture un sens caché aux choses du monde qui attendent une heure. Qui attendent leur heure. Que quelqu'un nous donne l'heure. Avez-vous l'heure ?"
Je regarde ma montre. Peu m'importe l'heure, le temps qu'il fait dehors. Je regarde l'eau couler sur la fenêtre du salon. Un type devant un clavier, une tasse de thé, parfum pu-ehr. Une platine qui défile les titres, disque de Feu Chatterton ! Donc, ma montre me dit que j'ai cinq minutes pour finir mon pu-ehr, j'aime bien ce nom, et cinq autres avant de décapsuler une bière. Le temps est compté, mais le temps ne compte pas pour la poésie. Poésie dite minute, écrite sur l'instant, sans réfléchir. Comme un brouillon de la pensée.
Alors, tu veux mon avis ? C'est bien pour ça qu'on est là. Mais mon avis n'a que peu d'importance dans ce monde-là. Après tout c'est comme des nouvelles, on en pioche une, on aime bien, on en pioche une seconde, on aime moins, mais on continue, on trouve une belle phrase, on la note, on essaie de s'en souvenir, on la garde pour soi. Et on l'écrit ici, par exemple. "Dans le noir la pudeur n'a plus d'ennemi." Puis on referme le livre et on le ré-ouvre. D'une facilité déconcertante, comme pour décapsuler une bière ou caresser les jambes d'une femme.