A
quoi tient un génocide. A une histoire de nez. Trop gros ou trop épaté. Triste
à concevoir. Hutu ou Tutsi. Blonde ou Brune. Gaël Faye revient sur son histoire,
celle de son pays, celle de ces deux peuples mis à mort.
« Le
cabaret était la plus grande institution du Burundi. L’agora du peuple. La
radio du trottoir. Le pouls de la nation. Chaque quartier, chaque rue possédait
ces petites cabanes sans lumières, où, à la faveur de l’obscurité, on venait
prendre une bière chaude, installé inconfortablement sur un casier ou un
tabouret, à quelques centimètres du sol. Le cabaret offrait aux buveurs le luxe
d’être là sans être reconnus, de participer aux conversations, ou pas, sans
être repérés. Dans ce pays où tout le monde se connaissait, seul le cabaret permettait
de libérer sa parole, d’être en accord avec soi. On y avait la même liberté que
dans un isoloir. Et pour un peuple qui n’avait jamais voté, donner sa voix
avait son importance. Que l’on soit grand bwana ou simple boy, au cabaret, les
cœurs, les têtes, les ventres et les sexes s’exprimaient sans hiérarchie. »
L’enfance
et son innocence qui consiste à chaparder des mangues juteuses dans le jardin
de la vieille voisine, j’y suis, j’y étais, une autre époque. Des odeurs de
poulet qui s’élèvent dans la nuit, l’Afrique, je l’aime pour ça et pour ces rencontres
assis sur une caisse de bière vide, à parler ou à écouter, la bière légèrement
chaude, le bruit et la nuit qui s’en coule, découle dans la suave moiteur d’un
boui-boui, à peine éclairé par une lune fuyante.