« Je fais une grande promenade presque chaque
après-midi. Je longe la rivière vers l’est dans l’espace infini de la steppe,
et à sept ou huit kilomètres, j’arrive à un confluent. La rivière s’élargit,
l’eau est peu profonde et le courant rapide. Au milieu du cours d’eau sont
couchés plusieurs rochers d’un blanc de neige. Le courant tourbillonne d’écume
dans leurs fissures. Dès que je m’approche, le grondement de l’eau me submerge,
je ne m’entends plus soliloquer. Des arbres surgissent là d’une brusque
dépression ; les deux rives sont bordées de buissons touffus plus ou moins
hauts. L’endroit est totalement différent de l’amont, dépourvu d’arbres, où
nous avons planté notre tente. C’est une vaste étendues plate couverte de gras
pâturages troués de marais. Le regard découvre la forêt en altitude, de la
mi-pente au sommet, moutonnant jusqu’au bout de la vallée. »
Je
me retrouve au fin fond ou aux confins de la Chine, dans une région plus près
du Kazakhstan que de la véritable Chine, un territoire où mon regard se pose
vers un horizon sans bornes, sans limites, découvrant ainsi sur des kilomètres
la poussière se lever sous le vent assourdissant. Là-bas, j’aperçois au loin,
une fumée qui s’élève vers le sommet des cieux, comme un point de repère,
j’imagine ce premier feu matinal, la marmite qui chauffe, un premier bol de riz
pour les bergers, les promeneurs, les routiers de ces grands espaces.