dimanche 31 juillet 2022

Hot dog, jumping frog, Albuquerque


Chabadabada. 
Une femme, un homme. Catt et Paul pour les intimes.
Elle est riche et vit à Los Angeles. Hollywood et le soleil californien, la blondeur des femmes, le corps musclé des jeunes hommes, les relations SM…
Il est plus jeune, ex taulard, ex toxicomane, ex alcoolique, ça fait déjà beaucoup pour un seul homme, le visage buriné par le soleil du Nouveau-Mexique.
Ils n’ont donc pas grand-chose en commun.

Catt décide de quitter L.A., délaissant son petit confort intellectuel entre poètes, écrivains et philosophes venus débattre de la vie autour d’un cocktail au bord d’une piscine, eau bleu turquoise. Elle achète donc un ensemble d’appartements à Albuquerque, les fait retaper par des locaux (éviter les gros entrepreneurs qui prennent pour mains d’œuvre pas chères des « esclaves » mexicains), passe une petite annonce dans le journal du coin, du genre « Femme d’âge mure recherche homme, jeune ou pas, musclé et tatoué de préférence, pour gérer la location d’appartements », en somme ce qu’elle veut c’est un homme à tout faire qui s’y connaisse en plomberie et prêt à dépoussiérer sa vie.

« Pour la première fois depuis qu'elle a quitté Los Angeles, Catt a vraiment l'impression de faire un road-trip. Le téléphone sonne alors qu'elle se rappelle un roman de Mishima qu'elle a lu adolescente, Neige de printemps, l'étrange dialectique entre la nature et les émotions humaines, un texte si parfait qu'il est difficile de croire que quelqu'un l'ait écrit. Elle se sent loin de sa propre vie tandis qu'elle ouvre le clapet de son téléphone et Oui, allo ?»

dimanche 24 juillet 2022

Danzas Andaluzas


Assis sur un banc en plastique d’un blanc sale, je regarde par la baie vitrée la neige tomber sur le tarmac de l’aéroport de Pittsburg, Pennsylvanie. Rien qu’à cette vue, j’imagine une chanson, un blues triste et mélancolique, une petite guitare ou deux qui grattent derrière l’oreille. Le regard comme hypnotisé vers l’extérieur, la neige se couche presqu’à l’horizontal, le blizzard se déchaîne contre l’immense fenêtre. Il va y avoir du retard dans les départs, espérant que mon avion ne soit pas annulé, maigre consolation le bar de l’aéroport semble ne jamais baissé rideau, accueillant des gens épuisés, traînant leur spleen ou leurs solitudes à toute heure, en toutes langues.

« - Quand même, qu'est-ce que je ne donnerais pas, là, maintenant, pour un bon demi de bière Mahou avec beaucoup de mousse, à la brasserie Santa Bárbara de Madrid par exemple, avec des amandes grillées bien salées et une assiette de coques... Ça, et une fille, les deux meilleures choses de la vie, le paradis sur terre. »

Après trois gobelets de café lyophilisé au goût si acide qu’il écorche une grimace à mon sourire défait, je décide de prendre position, table du fond, le dos tourné à la tireuse à bière, le regard toujours plongé vers cette nuit sombre qui accueille ses flocons de neige blanche. A côté, je les entends parler, deux espagnols volubiles et enjoués. L’un, Marcelo, entrepreneur et homme d’affaire, file sur Miami, son soleil et ses filles en bikinis, belles comme des Andalouses. L’autre, Claudio, professeur de littérature, attend son avion pour Buenos Aires, sa pampa et ses filles caramélisées, souriantes comme des Argentines. L’un boit une Mahou cinco estrellas, l’autre une Quilmes. Dans leur conversation, il est question d’une femme, il est toujours question d’une femme avec les hommes. Et d’un hôtel. Un hôtel désuet mais avec du charme à Buenos. Et une femme, la plus belle femme qui soit, celle qui vous hante à jamais comme un esprit diaphane venu s’allonger près de ton corps nu d’entre les draps. Elle s’appelle Carlota, mais en fait peu importe son nom. Elle est là et se rappelle à votre mémoire à chaque jour de votre putain de vie.       

dimanche 17 juillet 2022

Une île sous Artifices

Les rues sont désertes, la température frôle les 50°C, loin de l'Andalousie, Emilio s'en est parti. Direction le Barheïn, une minuscule île dans le Golfe, qu'un pont unique la relie à l'Arabie Saoudite, vue sur des îlots artificiels, face au Qatar. Voilà pour situer. Je prends un verre au bar du Gulf Hotel d'Adliya en sa compagnie, expatrié espagnol. J'aurais envie de dire plusieurs verres même tant la conversation d'Emilio est riche et passionnante. Assis sur le haut tabouret de ce comptoir, les yeux fatigués par la poussière de sable, par les néons du bar, je l'écoute, silencieusement, presque religieusement, c'est l'heure de la prière. Il a un œil, celui d'un étranger venu découvrir un pays sous ses différentes facettes, en gardant toujours un esprit ouvert mais critique. Les sunnites contres les chiites, bien entendu, ou inversement, peu importe. Un peu touriste, un peu expatrié, un peu voyageur, un peu reporter. Carnets de routes dans le Golfe. 

"Entre les sunnites qui ont acclamé les blindés et les sunnites qui les ont subis il y avait les indifférents, ces jeunes dandys de l'élite, amateurs de voitures à grosse cylindrée et de Paolo Coelho, excellents animateurs des fêtes d'expatriés, drôles, charismatiques, soucieux du réchauffement climatique, dénonciateurs sur leur mur Facebook de la moindre injustice, sauf de celle qui leur permettait de garder leurs privilèges. Je me les imaginais comme ce play-boy libéral espagnol des années 30, peu croyant, pas du tout cul-bénit, connaisseur des avant-gardes artistiques européennes, qui se moque de l'esthétique martiale des hommes armés de la Phalange, mais qui respire avec soulagement quand Franco fait son coup d'État. Des gens comme H. qui, au milieu d'une fête, quand une certaine intimité s'était installée, disait des phrases comme : "Les chiites sont la majorité en quantité, mais pas en qualité." Ils parlaient des chiites avec ce même mépris avec lequel j'ai toujours entendu parler des gitans en Espagne."
 

jeudi 14 juillet 2022

Les Pupitres de Mon Adolescence


Les doigts posés sur le clavier, l’écrivain compose la mélodie de sa vie. Un vent souffle sur ses souvenirs faisant soulever la poussière blanche de sa rue. Le toit en tôle vibre, il s’installe devant son pupitre. Ses pupitres devrais-je dire, le pupitre de ses seize ans, le pupitre de ses dix-sept ans… le pupitre de ses vingt ans. Les premiers mots sur son adolescence.

Il ne se prenait pas pour un écrivain, ni même pour un poète. Pourtant, entre la poussière de Busan et de Séoul, il étanche sa soif de littérature. De belles références fleurissent son pupitre, à commencer par Baudelaire. Normal quand il est question de spleen, de suicide, d’adolescence. Il se tourne aussi vers la violence, le sexe, la drogue, les chiottes : Jean Genet, « le Journal du voleur ». Tout un coup, j’ai envie de le lire, moi aussi, ce roman, cet auteur. Autres références la poésie de Michaux, la philosophie de Schopenhauer, l’univers de Mishima. J’ai dix-sept ans, je me masturbe fiévreusement en pensant à la mort, en évoquant mon suicide, en écoutant le silence. Je vois cette poussière qui pique les yeux, je perçois ce toit sur ma tête comme la dernière planche de mon cercueil que l’on referme. Je regarde dans le miroir, à me demander quel chemin je dois prendre…     

samedi 9 juillet 2022

Les Escales de Nad' et du Bison : Congo

Lieu : Pointe Noire, Congo
Lever du soleil : 6h21  | Coucher du soleil : 18h13
Décalage horaire : +0h
Météo : 26° ressenti 34°. Ciel variable devenant peu nuageux.
Coordonnée GPS : 4°46’8.983 S / 51°58’58.903 E
Musique : African Dreams, Seun Kuti & Egypt 80
Un Verre au Comptoir : Pale Ale, Sierra Nevada




« Quand le maître avait fini de dire que nous étions les cigognes blanches de la Révolution socialiste congolaise, il nous reposait la question pour contrôler si vraiment nous avions bien compris :

- Qui êtes-vous ?

Nous répondions en chœur :

- Nous sommes les cigognes blanches de la Révolution socialiste congolaise !

- En tant que cigognes blanches de la Révolution socialiste congolaise, quelle est votre mission ?

Nous répondions encore en chœur :

- Notre mission consiste à sacrifier notre vie pour la réussite de la Mission suprême du camarade président Marien Ngouabi, en vue de développer notre pays, notre continent et tous les continents aussi, y compris les pays d'Europe qui croient qu'ils sont déjà développés alors qu'ils changent trop de présidents et que, malheureusement, c'est toujours leur peuple qui vote le chef au lieu de simplement créer leur Parti Congolais du Travail à eux qui va leur apprendre comment faire les choses pour que leur camarade président reste au pouvoir jusqu'à sa mort ! »

jeudi 7 juillet 2022

Si Loin de l'Overlook Hôtel


« Le jeune barman australien m'a dit aujourd'hui : "C'est pas du tout comme ça que j'imaginais mourir dans une guerre nucléaire, mais au moins, y a un bar à volonté." »

Me voilà donc, accoudé au bar de l’hôtel. Seul ou presque. Le barman, bien sûr, en guise de compagnie, toujours prêt à me servir un cocktail ou un verre de bourbon sans glace. Une musique douce sort de la salle d’à-côté, il y a un type au comptoir, les cheveux dégarnis en vrac, des yeux de fou, un sourire inquiétant. Jack qu’il s’appelle, avec un verre de Jack Daniel’s dans lequel deux glaçons tintent. C’est glaçant cette ambiance… C’est en entendant les roues d’un tricycle enfantin roulant sur le parquet du bar que je sors de ma méditation de comptoir. Je me suis trompé de scénario. Je ne suis pas dans un film de Kubrick. Malheureusement. Du coup, je regarde mon portable. Ah oui, maintenant il y a des portables. Sauf qu’apparemment, il n’y a plus de réseau. Guerre nucléaire, il parait. Pas de réseau, pas d’info, nous sommes peu de chose finalement. Mon verre fini, je grimpe aux étages, regarder aux fenêtres, voir des fumées au loin, et les montagnes du Colorado. Ah encore raté, vue sur le Mont Blanc. J’avais déjà oublié que je n’étais pas dans Shining. Pas d’inscription REDRUM sur la glace de la chambre non plus.