vendredi 29 avril 2022

Aux égards du Mont Fuji

"Le ciel était couvert. Le Fuji était coiffé de nuages épais, les conifères portaient des traces de lave récemment projetée large et verdoyant, le pied de la montagne s'offrait seul au regard. Le hall de l'hôtel était désert; des échantillons de roches volcaniques, des spécimens de papillons des plaines s'y imprégnaient de poussière."

Je descends du bus. Comme un étranger, je regarde autour de moi. La terre, les fleurs sauvages. Puis mes yeux s'élèvent doucement, une foule disciplinée en ligne droite venue marcher, prier, communier. Je lève la tête encore un peu plus, le cou s'étire comme les nuages au loin. Un rayon de soleil me caresse la nuque, je me retourne légèrement et là je le vois. Je suis frappé, de stupéfaction, de beauté, de reconnaissance : le mont Fuji s'offre à moi, à mon cœur, à mon âme. De son sommet, j'observe l'horizon, je vois la ligne de chemin de fer s'aligner le long des collines, celle des lacs de Tama où je me verrais bien manger de l'anguille grillée. Je vois la Combe-Aux-Amours, nom prédestiné aux rencontres clandestines mais les histoires d'Amour finissent... Je vois la Dame de Musashino, dans son kimono fleuri, ceinturé de son bleu obi. 

"Il se promenait souvent seul au bord de la mer. Les jours de beau temps, au soir, on pouvait voir le mont Fuji de l'autre côté de la baie de Sagami. Il avait l'air plus grand qu'au Crû, plus gros, précédant à droite la chaîne de Tanzawa, à gauche sa troupe de volcans alignée de Hakone à Amagi ; sa silhouette se détachait nettement dans le ciel au couchant. La grande faille qui traverse l'archipel du Japon avait produit ce cône parfait, parce que au long des âges de formation de la Terre le cratère ne s'était jamais déplacé, expulsant continuellement laves et scories, ainsi que Tsutomu se rappelait l'avoir lu dans la bibliothèque du vieux Miyaji. S'il avait assez de patience, leur amour aussi, peut-être, trouverait les moyens et l'occasion de se réaliser un jour..."

dimanche 24 avril 2022

Mon Étoile Belge, Putain putain

 

Une plage à Ostende
là où les regards s'étendent,
au-delà de l'horizon bleu pétrole,
là où les rêves se nappent d'alcool.
 
Une nouvelle étoile s'illumine
sans fard ni fond de teint
en compagnie de David, Mark ou Alain,
ma lune bleue, mes amphétamines.
 

vendredi 22 avril 2022

Pu(ri)taine


 C’est genre en fin de matinée, à l’approche d’un square, banlieue résidentielle (du New-Jersey ?) où des « mamans », bonnes sous tout rapport, papotent entre elles, surveillant à peine leur progéniture dans le bac à sable. Vous les connaissez ces nanas, ça discutaillent fond de teint et beaux mâles qu’elles voudraient approcher, accrocher, ah mais non elles sont mariées, et puis WTF, pourquoi pas après tout… Ça ç’est genre en attentant impatiemment que l’heure tourne pour rentrer à la maison et ainsi se verser un grand verre de vin blanc, un Chardonnay. As-tu déjà remarqué qu’aux States, les verres à vin sont toujours plus grands. Alors je m’assois, seul sur un banc, et je les regarde, frétillant de plaisir solitaire, comme pour un épisode de Desperate Housewifes, comme une source d’inspiration. J’inspire, expire, respire, éternue mes allergènes. J’observe en silence, je regarde ces femmes. Elles s’appellent Bree, Gabrielle, Susan… ah non, là je confonds, les histoires se mélangent dans mon esprit confus, trop de télé ou trop de bouquins. Je reprends : Sarah, la trentaine, soi-disant ex-lesbienne, ex-féministe, toujours mariée, un gosse. Autour Mary Ann, avec un prénom comme ça, on ne peut être que la « méchante », la meneuse prétentieuse du groupe, celle qui est là pour distiller sa bonne morale, pour se moquer des gens « différents », comprendre qui ne pense pas comme elle, genre Sarah l’intellectuelle. Tiens, le Beau Todd arrive, blond, la trentaine, un gosse, marié aussi, le roi du bal… Hou là là, ça sent d’ici la testostérone, la sueur et les poils sous les bras. Mal dans sa peau, homme au foyer que sa femme pousse à aller au barreau… Alors que le barreau, il l’a quand sur une impulsion Sarah l’embrasse en plein square…

« Cependant, malgré leur adhésion enthousiaste à la cause de la contraception et des rapports sexuels avant le mariage (dès le premier soir !) – sans parler de leur souhait théorique de mettre fin à une grossesse non désirée si pareille infortune leur arrivait -, Larry et Joanie se considéraient comme de bons catholiques, un sentiment si profond et irrévocable qu’il relevait plus d’une identité culturelle que d’une pratique religieuse. Ils étaient catholiques comme ils étaient américains – de naissance, une forme de citoyenneté transmise par leurs parents et qu’ils transmettraient à leur tour à leurs enfants, et ce, indépendamment de leur soutien ou non à la ligne du Vatican sur des questions morales hautement controversées, telles que l’avortement et les concours de T-shirts mouillés. »

lundi 18 avril 2022

Pivoine ou Gentiane


  Lui, il regarde des émissions de variété à la télé.
Elle, elle décapsule une bière, bien fraiche, pour la lui donner.
Un couple parfait ou un mariage contre nature, servir son gentil et bedonnant mari, fonction premium de l’amour ou du mariage.

« J’avais l’intention de patienter dans un coin, mais mes yeux se sont posés par hasard sur une pile de « Bento premier choix ! Dégustation quatre anguilles » dans la vitrine voisine, et je me suis laissé tenter. C’était un bento de rêve : de l’anguille grillée en sauce du fleuve Shimanto, du lac Hamana, de Mikawa et de Miyazaki, et en prime, de l’anguille grillée au sel. »

  Rien à voir avec le roman, mais déjà je trouve la couverture magnifique. Elle donne immédiatement un aperçu de l’intérieur des pages : de la beauté, de la poésie et du spleen. Je sens déjà le parfum de ces fleurs qui se mêlent à la cuisine japonaise et à la levure de ma bière. Point de bon bouquin sans bière, c’est une évidence. Fin de l’aparté.

« Alors, on va à la montagne, d’accord ?
- On fera un barbecue ? a demandé mon frère.
- Pourquoi pas ? On pourrait installer des hamacs et se la couler douce. Boire de la bière. »

vendredi 15 avril 2022

Les Escales de Nad' et du Bison : Vietnam

Lieu : Hanoï, Vietnam
Lever du soleil : 5h37  | Coucher du soleil : 18h15
Décalage horaire : +5h
Météo : 29° ressenti 33°. Très nuageux avec possibilité de foyers orageux.
Coordonnée GPS : 21°1’39.952 N / 105°50’2.975 E
Musique : Universal Soldier, Buffy Sainte-Marie
Un Verre au Comptoir : 312 Urban Wheat Ale, Goose Island




« Durant les premiers mois de mon affectation à Hanoi, j’étais fascinée autant par la capacité d’un jeune enfant de s’asseoir sur le porte-bagages de la bicyclette de son père sans mettre les pieds dans les rayons que par le sommeil des chauffeurs sur le banc de leur moto-taxi. Et plus encore par les six déclinaisons du mot « adorer » en vietnamien : adorer à la folie, adorer au point de figer comme un arbre, adorer avec ivresse, adorer jusqu’à en perdre connaissance, jusqu’à la fatigue, jusqu’à l’abandon de soi. »

mercredi 13 avril 2022

Pure Doll Idole

 


Vue sous cet angle, Mima possédait un corps plutôt sensuel. Son tour de poitrine dépassait sans doute les 80 centimètres. Elle avait jusqu’à présent avancé sur le chemin de la « Cutie Rose » en cachant délibérément ses charmes. Dorénavant, elle ne se gênerait plus. Tadokoro souhaitait voir Mima déployait tous ses atours. De nouvelles phrases d’accroche étaient aussi en train de germer dans son esprit : « Neo Sexy », « Cutie Fashion », « Nude Heart ». Chacune des accroches qui lui venaient allait à l’encontre de l’ingénuité de Mima.

 

Nuit noire, nuit sauvage.

Dehors une légère pluie scintille sous le regard triste d’une lune bleue. Sur le plateau de télévision, le souffle coupé, le silence s’est éteint. Clap. Une lumière rouge vient de se déclencher sur la caméra. D’autres lumières s’allument subitement sur le devant de la scène. Clac, coups de projecteurs aveuglants. Le son monte, monte, monte comme le désir du spectateur. La lumière gicle d'un coup, puis se dirige langoureusement vers cette poupée adolescente au déhanchement aguichant, au déguisement provoquant. Finie l’ingénue jeune fille, la nouvelle jeune femme se présente à vous et à vos fantasmes. Le monde de la J-Pop mue comme l’adolescence.

 

Nuit bleue, nuit hurlante.

A l’ombre du plateau, un homme guette. Un pervers, un malade. Un homme pur. 

 

Le costume était d’ailleurs lui-même plutôt éloigné de ce côté ingénu. Il était composé d’un débardeur mettant en valeur le décolleté et maintenu par des petits cordons décoratifs qui, lors des mouvements intenses, laissaient bouger librement sa poitrine. La minijupe froncée blanche allait ondoyer avec légèreté et donnerait l’effet d’être sur le point de tomber à tout moment pour tenir les spectateurs en haleine. Les longues chaussettes blanches et les gros rubans fixés sur la tête et à l’arrière de la jupe souligneraient le côté mignon de Mima en même temps qu’un aspect sexy qui créerait un fort contraste. Cette image pervertie allait faire parler d’elle. 

 

mardi 5 avril 2022

Dreamer, tu sais que tu es un rêveur...


 Je regarde la vitre, ou derrière la vitre, des gouttes de pluie ruissellent le long de sa paroi lisse, laissant des rides sur le temps qui s’écoule. J’attends un rayon de soleil comme on espère une fin de pandémie. Avant que la population ne se transforme en zombie comme pour la fin des temps, celle-ci vit recluse chez elle, cloitrée par obligation, par choix ou pas solitude entre quatre murs froids et quelques vitres sales sur lesquelles les rêves se fracassent silencieusement. 

« De l'autre côté de la vitre, il y a la mer. J'habite à des centaines de kilomètres, pourtant l'océan s'est étendu jusque chez moi. Je l'entends nettement rouler son écume au pied de l'immeuble, des cormorans dansent face au vent, le soleil repeint le linoléum de lumière, c'est jaune et doux sur mes paupières.
Parfois, c'est la nuit. L'hôpital se vide et le silence, liquide, envahit tout. Le bâtiment s'enfonce dans la pénombre comme un bateau qui sombre, lentement, avec grâce et indifférence. »

  Je suis écrivain, je suis journaliste, je suis infirmier, je suis institutrice en talons hauts – chacun ses fantasmes-, je suis boxeur, je suis lecteur.
Je soigne les coups, ou j’en donne contre la vitre ou contre ma femme, je soigne les plaies de la solitude, les maux du quotidien, je distille mes bonnes humeurs comme mes mauvaises au gré d’un ou deux verres pour ne pas parler de bouteilles.