jeudi 16 mai 2024

Glens of Antrim

  Clara revient sur sa terre d’Irlande. Profitant d’une éclaircie, un court rayon de soleil entre deux gros nuages noirs, elle se promène, l’air d’oublier sa douleur, l’air marin d’un vent chargé en iode, jusqu’au bord de la falaise. Elle respire, plonge son regard tout en bas, dans l’écume blanchâtre qui fouette la rive sauvage. Lar y promène en même temps, son gros chien, le poil mouillé de ces pluies incessantes. Il s’approche de Clara, avec un triste pressentiment : tout corps au bord d’une falaise a envie d’y plonger. Mais Lar, au fond de lui, a le cœur et l’âme tout aussi meurtris…

« À mes pieds, aujourd'hui, la mer se teinte d'argent ; à dire vrai, la regarder plus d'une ou deux minutes me fait mal aux yeux. Tel un énorme animal elle rampe, des rides d'écume blanche se déplacent sur son dos fripé. Je ferme les yeux. Je sens sur moi la chaleur du soleil d'avril et tout de suite après la morsure de ce maudit vent d'est qui souffle d'on ne sait où ; des steppes de Russie, ai-je toujours entendu dire, mais j'ai pour principe de ne jamais croire ce qu'on me dit. Je pourrais rester là les yeux fermés indéfiniment, s'il n'y avait le vent d'est. Il s'engouffre dans mes vêtements et presse sa lame contre les cicatrices, contre les signes visibles de ma mutilation. Je serre mon manteau autour de moi. J'écoute les bruits de la vie normale derrière moi ; les mères qui appellent leurs enfants, l'aboiement des chiens, le pas d'un coureur isolé qui résonne avec un bruit sourd. »

lundi 13 mai 2024

Heredia et Simenon


  Heredia le privé est de retour à Santiago. Après un séjour de quelques mois sur la côte, et la rupture avec la femme de sa vie, Grisetta, sublime brune au regard épicé - à moins que cela soit ses longues jambes qui soient épicées, il lui est impossible à oublier, malgré ses silences. Alors il erre dans les rues, dans les bars, l'air fauché et les yeux d'une profonde tristesse, s'arrête boire une bière, puis une seconde. Comme tout bon privé à l'ancienne, il se nourrit de bières et d'une bouteille de whisky, dans le deuxième tiroir de son bureau. Comme tout bon privé à l'ancienne, il savoure chaque note des solos de Charlie Parker. Et comme tout bon privé à l'ancienne, il a un chat qu'il a appelé Simenon. Et dans des moments de doutes ou de solitude, Heredia parle à Simenon, et Simenon a cette étrange facétie de lui répondre... Pourtant Heredia, je te le promets, n'a pas (ab)usé de la bouteille.
 
"Rien ne me plaît davantage que marcher sans but dans la ville. J'aime regarder les gens et m'arrêter devant les vitrines des boutiques et des librairies. Quand je suis fatigué, je cherche un petit bar pour y boire du vin tandis que le cendrier se remplit de mégots et qu'autour de soi des groupes d'ouvriers ou de retraités lisent leur journal ou boivent une bière."
 
  Pour sa première nuit dans la poussière de Santiago, Heredia se prend une chambre au parfum douteux dans un hôtel de passe minable d'une rue à peine illuminé par le clair de lune et le sax' éclairant d'un type jouant au coin de celle-ci. Minable, c'est ainsi qu'il se sent, dès le lendemain, lorsqu’il rend ses clefs et découvre en bas de chez lui le corps d'un type. Bien sûr, il va en être le principal suspect et devra par conséquent enquêter sur cette mort suspecte. Parallèlement, bon cœur au cœur meurtri, on lui amène une nouvelle affaire : un type s'en prendrait à quelques vieilles pour les détrousser d'argent ou de bijoux... De quoi remettre en douceur le pied à l'étrier, car comme tout bon détective à l'ancienne, il a un cœur, il a un bon fond pour aider la veuve ou l'orphelin. 
 

lundi 6 mai 2024

Le Manoir de Cold Hill

Au bas de Cold Hill, une pancarte "Manoir à vendre".
A priori un charmant manoir, à retaper tout de même, cela fait quelques années qu'il est laissé à l'abandon.
Mais cela ne semble pas faire peur à Ollie et Caro qui investissent toutes leurs économies dans ce bien. "VENDU".
 
Bienvenue dans la campagne anglaise. Mais ce manoir va vite devenir un gouffre financier, les tapisseries se décollent au milieu de la nuit, les murs s’effondrent et les robinets s'ouvrent tout seuls en plein sommeil, inondant la chambre à coucher. Tiens... le lit a changé de place...
 
" Il s'assit d'un seul coup et se cogna la tête contre les barreaux du lit en fer forgé.
- Ollie, qu'est-ce qui s'est passé ? dit Caro d'une voix tremblante.
Il prit alors conscience de la réalité avec une redoutable clarté.
Le lit.
Le lit avait bougé pendant la nuit.
Il avait tourné de 180°."

Avec ce lit qui bouge, il y a ce petit coté L'exorciste, même si la fille ne balance pas de gerbe verte à l'autre bout de sa chambre. Mais il y a bien ce premier pasteur, puis ce second pasteur qui paraissent tout aussi perplexes. Le manoir cacherait-il un profond secret. Ou serait-il occupé par des indésirables, des oubliés d'un autre siècle.