lundi 15 mars 2021

Au Fond du Couloir

les chroniques transat 

La MAISON

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Pas d’ascenseur, je prends les escaliers quatre à quatre, comme une urgence, un besoin irrémédiable, une envie pressante. Je ferme la porte derrière moi, me déchausse, vais au fond du couloir, la porte de droite, m’allonge sur mon lit, le regard déjà porté sur le plafond. Des années que je l’observe et que je découvre cette frêle fissure qui strie mon horizon. Le plafond de ma chambre, c’est un peu mon univers, ma vie. Le plafond, c’est ma MAISON. J’attrape mon casque, le majeur sur le bouton « Play », et m’enferme dans ma bulle, une bulle qui s’est construite petit à petit depuis des années et qui m’enveloppe intégralement maintenant. La musique, c’est ma MAISON. Le plafond, cette musique, je le fixe, la nuit qui s'élève, les étoiles qui scintillent, je l'observe, cette impression de solitude, ce sentiment d'isolement, je la garde en moi, comme un tout, une image de moi. 

Mais quelle maison en ce premier album, une révolution qui se prépare dans ma tête, qui bouscule mon âme. Combien de fois n’ai-je ma entonné dans ma tête ce petit gimmick, been dazed and confused for so long it’s not true, qui déchire à chaque fois un peu plus mon âme. Je ne cherche pas à comprendre les paroles, le blues par définition, c’est un mélange de tristesse et de poussière – et une ligne de basse qui vient l’inaugurer. Mais revenons, à la maison, allongé dans le noir, le regard sur les étoiles brillantes de mon plafond. J’y vois une évasion, bercé par la voix de Robert, déchiré par les riffs de Jimmy. Mes camarades de chambre, 4 fidèles compagnons de solitude - Robert Jimmy John John-Paul, 4 albums essentiels plus ou moins un, je ne me pose même pas la question s’ils regardent également leur plafond respectif, je ne pose aucune question. Je laisse simplement les émotions venir, elles sont là, viennent en moi, me bousculent, me transportent, repartent, libres comme cette part des anges qui s’évapore dans les cieux, bien au-delà de mon plafond. 1969 et un zeppelin s’écrase dans ma MAISON.   



Pas d’ascenseur, je continue à prendre les escaliers, un à un. Je prends mon temps, j’observe le colimaçon de cette structure, regardant les jambes d'une femme, regardant le cul d'une femme qui m'aurait devancé dans cet escalier pour le paradis. Je ferme la porte derrière moi, timidement, me déchausse, vais au fond du couloir, la porte de gauche, m’allonge sur le lit, le regard porté sur un autre plafond. Il y a des plafonds qui vous font exploser votre bulle, il y a des plafonds sous lesquels vous vous sentez immédiatement à votre aise. La lumière est tamisée, les stores baissés, quelques bougies, l’ambiance sensuelle. Un autre plafond sur lequel se dessine le sourire d’une lune, des reflets bleus distillés dans une autre MAISON. Sûr de moi, l’art d’imaginer le bonheur dans une maison, j’appuie sur le bouton « Play ». Des notes, sublime mélodie, en noir et blanc, touches du piano, beauté d’une photo. Un homme seul, qui joue pour moi, pour nous, pour toutes les âmes qui observent leur plafond. Un plafond, c'est une vie.

Cet homme qui se retrouve seul face à son piano, a le regard fermé, la tête penchée, l'âme reposée, communiée. Moi je regarde dans les yeux ma Paulaner, oui c’était une époque où je pouvais regarder le bleu de l’âme dans les yeux et où je pouvais communier avec ma pinte. Mais quelle musique sous ce plafond, quelle putain de mélodie qui se joue là devant mes yeux que j’ai fermés également pour me laisser envahir par cette chaleur, ce désir, ces émotions silencieuses qui s’emparent de mon corps. Je crois avec le temps qu’il n’y a pas plus beau moment que ce concert à Köln ou sous un plafond. 1975 et un cœur s’écrase dans cette MAISON.    



Une MAISON, c’est quoi en fait ?  
Peut-être quelques étoiles qu'on imagine briller sur son plafond, une lune, une fissure... 
un Isle of jura, une Paulaner... 
juste un plafond et une musique. 
Pas très passionnante cette histoire me diras-tu, la vie d'un pauvre type qui regarde son plafond, pas très reluisant, désolé. Je retourne alors dans mon transat, il me reste une dernière goutte dans mon verre et un plafond à approfondir…     
A l'ombre d'un cocotier, 
bain de soleil, parasol en papier 
dans le cocktail, les chroniques transat  
de Nadine, de Nadège, d'anthO... 


12 commentaires:

  1. Ahhhhhh oui que c'est bon mon Bibi.
    On est tous dans sa chambre et laisser passer ce son comme descendent les gorgées de bière ....

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  2. What a bloody good looking chronicle Buffalo! Moi aussi, hébété et confus, je suis absolument emballé par tes mots. Deux disques plus qu'essentiels. Ton billet est blues, totalement au Blues Hall of Fame, solitude, tristesse, poussière, tout en fissures, comme nous. Ton billet est jazz, noir et blanc clavier, percussif et nuancé, île au trésor sans cesse à exlorer. Hier je m'escrimais et m'exprimais, mal, reprenant, mal, mais de tout mon moi, une🎸 ballade du Van irlandais. Alors là, pour un instant, pour un instant seulement, je m'y crois. Et j'oublie, j'oublie que j'ai attendu 45 ans pour jouer mes folkeux. Des années gâchis. Mais diable, que ton texte me plait. 👌 Un texte "maison".

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    1. Les ballades de Van... tu prépares l'ambiance pour la Saint Patrick ! Santé ;-) Les bars sont fermés mais la Guinness est au frais...

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  3. Moi je la trouve "passionnante" cette histoire du gars qui regarde son plafond... avec Zeppelin et Keith plein les yeux plein le coeur, le majeur sur play, cette bulle comme un cocon, des étoiles qui scintillent, des émotions silencieuses.
    Ses mots poésie me chatouillent l'âme.
    Merci mon Bison d'avoir participé! Trop heureuse! La maison des sentiments est si belle et tu sais en parler... :-*
    Touchée

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    1. On a connu dans le monde des activités bien plus passionnantes que d'avoir le regard plongé sur les fissures de son plafond...

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    2. Il y a des choses passionnantes dans les craques.... ^^

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    3. certaines craques ont un effet plus hypnotique que d'autres...

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  4. Merci pour ces mots si beaux, et fissurés c'est encore mieux. Car souvent par les interstices jaillissent les plus belles lueurs. Et quand la musique s'insinue à son tour dans les failles, on y fait toujours de délicieuses trouvailles.

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    1. un commentaire nettement plus beau que mes pensées sur un transat...

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  5. Une certaine vision de la douceur du foyer...

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