jeudi 2 mai 2019

Parce Que La Nuit


Eté 1967, début et fin d’une vie. Pour la fin, celle de John Coltrane. A Love Supreme sera son testament. Une œuvre qui bousculera tant d’âmes, celle de Patricia en premier, la tienne peut-être, la mienne, une évidence. L’été de la mort de Coltrane fut une ode à la brune, belle et pleine d’épices, à la musique, des références rock au punk et à l’amour, pour un homme son évidence. 1967, un tournant dans cette putain de vie.

« C’était le vendredi 21 juillet, et subitement je me suis heurtée au chagrin d’une époque. John Coltrane, l’homme qui nous adonné A Love Supreme, venait de mourir. Des dizaines de personnes se rassemblaient en face de St. Peter’s Church pour un dernier adieu. Les heures ont passé. Les gens sanglotaient tandis que le cri d’amour d’Albert Ayler réchauffait l’atmosphère. On aurait dit qu’un saint était mort, un saint qui nous avait offert une musique pour guérir l’âme et n’avait pu lui-même être guéri. Parmi tous ces inconnus, j’ai ressenti un immense chagrin pour cet homme que je n’avais pas connu, sinon à travers sa musique. »

Patti Smith, dont sa musique a participé depuis quelques années à ma vie, se livre presque intimement et nous livre un grand roman d’amour et de tristesse, deux sentiments qui vont de pair. Spleen, les mots de Baudelaire sont profondément ancrés dans son âme. Coltrane, Baudelaire, les références, des êtres qui me causent également tant ils sont présents en moi. Elle évoque aussi ses doutes à ses débuts, et d’ailleurs il n’y a de début qu’à cause de l’influence d’un autre poète, dont j’ai aimé me recueillir sur sa tombe, main dans sa main, Jim Morrison, le silence des lieux, son silence, mon silence. « Le silence était complet, à l'exception du bruissement des feuilles d'automne et de la pluie, qui devenait plus drue. Sur la tombe sans inscription s'accumulaient les présents des pèlerins qui m'avaient précédée : fleurs en plastique, mégots de cigarettes, bouteilles de whisky à demi vidées, chapelets cassés et amulettes bizarres. Le graffiti qui veillait sur lui était fait de mots tirés de ses propres chansons, traduits en français : C'est la fin, mon merveilleux ami. This is the end, beautiful friend. »  The End, fin d’une vie au cimetière du Père Lachaise, la tristesse en guise de suite, le retour au silence et à cette putain de vie.

« Just Kids », c’est aussi une histoire d’amour de deux gamins différents qui se sont rencontrés, trouvés, deux âmes sœurs qui se comprenaient, même sans parole, et qui conversaient par art interposé, Patti Smith et Robert Mapplethorpe. Et dans cette jeunesse de plans galères en paysages gris et pluvieux, c’est toute une époque qui s’ouvre entre les pages avec son lot de grands noms qui font partie également de mon univers, John Coltrane, Tim Buckley, Janis Joplin, Jim Morrison, Lou Reed et son Velvet Underground. Putain quelle époque ! Même David Bowie a bien dû s’assoir sur ce canapé en bas du Chelsea Hotel… Putain que des monstres morts, je n’ai plus qu’à attendre la mienne pour les retrouver, en attendant je savoure chacun de leurs disques.

Merci infiniment. Cet année 1967 fut une très grande année où de belles personnes croiseront des années plus tard le chemin sombre et solitaire d’un vieux bison lié à ses accents de spleen, le genre de personnes qui gravent un cœur au fond d’une âme, la mienne...  

« Just Kids », Patti Smith
Traduction : Héloïse Esquié





« Un jour, en fin d’après-midi, nous marchions dans la 8è Rue lorsque nous avons entendu le son de Because the Night qui passait à tue-tête dans tous les magasins, l’un après l’autre. Single tiré de l’album Easter, c’était ma collaboration avec Bruce Springsteen. »

Because the night belongs to lovers
Because the night belongs to lust
Because the night belongs to lovers
Because the night belongs to us




9 commentaires:

  1. J'ai beaucoup fréquenté Leonard Cohen cette année alors le Chelsea Hotel, j'ai l'impression d'y avoir pris pension. Et merci pour Tim Buckley, rarement cité.
    "I remember you well, in the Chelsea Hotel..." Leo, Chelsea Hotel#2.

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    1. Je place Tim au sommet du folk du rock et du jazz. Un monument, tout comme Leo...

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    2. J'abonde dans ton sens, cher Bison.

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    3. merci l'ami. Mais, je n'en imaginais pas moins de ta part :-)

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  2. Je l'ai lu hier, ce magnifique billet, et j'y viens aujourd'hui, un peu plus réveillée...
    De chez Rufus où je festoie façon québécoise, je viens souhaiter le plus bel anniversaire qui soit à ma Rousse <3
    SMACK! xxxx

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    1. ça doit donner un 'festoiement' façon québécois ! Heureusement que Rufus, ce beau tavernier, a du stock de rhum et de bibine...

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  3. 67 année E RO TI ... euh je me trompe d’année ! ^^
    J’apprends beaucoup de ton billet, Baudelaire, Coltrane, Morrison... des passages importants dans la vie de Patti et dans ma vie aussi !
    Merci !

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    1. Oui, Patti a les mêmes références que moi... même si elle a viré plus punk que moi...

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