« Pour
être précis, il faudrait dire qu'entre les Doges et le village les
kilomètres ne duraient pas pareil, selon qu'on était en bonne ou en
mauvaise saison. Les distances, dans ce coin-là, c'est du temps, pas
des mètres. »
L'hiver,
la neige, le froid. Une ferme isolée. Gus et son chien à
l'intérieur. Solitude d'une vie où son histoire est lourde de
conséquences. Père et mère, mouais... Gus vit seul maintenant dans
cette ferme. Les travaux de la ferme rythment ses journées. Il ne s'en
plaint pas d’ailleurs. C'est sa vie. Il enfile ses sabots, siffle
son chien, prend une masse. Il a une clôture à refaire au fin fond
du jardin de son palais, la ferme des Doges.
Il
rentre se réchauffer, regarde la café chauffer sur la gazinière.
Café bouillu, café foutu disait sa mémé. Alors, il garde les yeux
rivés sur la casserole. Brûlant, il l'aime, sans sucre aussi. Une
goutte de gnôle, dedans pour aromatiser. Ou pour oublier ce genre de
vie solitaire où son seul voisin est encore plus vieux que lui
survit dans les mêmes conditions à quelques temps de sa ferme.
« -
Tu veux que je te dise vraiment le fond de ma pensée ?
-
Je t'écoute.
-
Le diable, il habite pas les enfers, c'est au paradis, qu'il habite.
Abel
sortit là-dessus, en laissant sa réflexion se balader dans la
pièce, tel un chien qui aurait perdu son maître. Le genre de truc
qu'on balance en sachant que ça fera son chemin à coups de hache.
»
Gus
enfile ses sabots, siffle son chien, prend sa carabine. Il grimpe sur
une grosse branche et scrute le ciel. A la recherche d'une grive à
déplumer pour ce soir. Il n'a pas appuyé encore sur la gâchette
qu'il entend un coup de feu. La ferme du vieux, Abel. Il s'avance
difficilement dans la neige fraîche et observe le silence alentours.
Il ne voit personne, des traces de sang frais par contre tâchent la
blancheur immaculée de cette neige. Il rentre chez lui. Après tout,
les affaires des autres ne sont pas ses affaires. De toute façon il
n'a rien à dire. Gus et Abel ne parlent pas pour rien dire, les
amabilités ce sont pas le genre de la maison, quelques coups de
mains, pour réparer une clôture, ramasser les foins ou soigner les
bêtes, un point c'est tout. Et le silence règne.
« Le
soir allait s'éterniser, avant d'abdiquer et de se laisser engloutir
par la nuit. Gus était décidé à rester dans cette nuit, pour
mettre le point final à ce qu'il venait de vivre. Il ne craindrait
plus l'obscurité, le froid, la solitude, parce qu'il était lui-même
devenu la nuit, le silence, la somme de tous les jours passés, et
que le futur n'existerait plus jamais. »
Et
voilà que commence l'atmosphère pesante de ce huis-clos silencieux
et sombre en terres cévenoles. Du polar rural bien de chez nous qui
brûle le gosier de son tord-boyau maison. Il faut entrer dedans,
penser à mettre des bûches dans le foyer de la cheminée, ne pas
détourner les yeux de son café. Dommage. Je vais en décevoir, - oui, toi qui a lu ce livre et qui a adoré, ne te retourne pas je parle bien de toi, lecteur anonyme - ce
polar a toutes les qualités requises, je suis resté un peu en
dehors de cette ferme, j'ai pas réussi à me plonger dans cette
terre sauvage, est-ce parce que je ne connais pas les Cévennes. En
plus l'abbé Pierre vient de mourir, ça plombe d'entrée l'ambiance.
Et les témoins de Jéhovah qui s'amènent... Un grain de sable
dirait-on dans le désert, ici ça serait plutôt un flocon de neige,
qui vient enrayer la mécanique de la vie, et qui entraîne un
enchaînement d’événements où le Diable semble s'en mêler.
Sombre et sans espoir. Et le silence se tut.
« Grossir
le Ciel »,
Franck Bouysse.
Tu n'as pas aimé ce livre ??? Sacrilège !!!
RépondreSupprimerPourtant un taiseux comme toi... Tu n'as peut-être pas aimé t'y reconnaitre ! ;)
J'ai adoré et j'adore l'écriture de Franck Bouysse.
Je sais, je l'ai dit, j'ai prévenu, j'ai honte de m'afficher devant vous... Peut-être que s'il avait remplacé les Cévennes par l'Iowa, j'aurais plus basculé dedans... Ou peut-être, comme tu le dit, parce que je sens que Gus c'est moi et donc que c'est pas beau à voir...
SupprimermanU m'ôte les mots de la bouche (un "taiseux") !
RépondreSupprimerTu n'as plus qu'à aller visiter les Cévennes...
Trop de silence dans les Cévennes. Je préfère le silence d'ici.
SupprimerIl faudrait désherber un peu ;-)
RépondreSupprimerLes livres c'est comme les films, yen a qu'on a pas le droit de ne pas aimer..
Cette année, je m'occupe à planter... Je verrais l'année prochaine pour désherber :-)
SupprimerBon ben, s’il fallait tous les aimer, c’est comme la frette, dur de choisir entre brune, blonde ou rousse :D
SupprimerLa bonne nouvelle c’est que dans cette atmosphère d’hiver, de neige, de froid et de frette, ça prend ben d’la frette pour faire passer l’hiver, ou la solitude des pages...
la frette, y'a rien de mieux pour passer l'hiver... avec le rhum, aussi... Idem pour la solitude...
SupprimerCrisse j'ai même pas posté mon com à la bonne place! ^^
RépondreSupprimerC'est ça quand on ne choisit pas entre la brune, la blonde et la rousse et qu'en une soirée on se tape les trois...
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