dimanche 9 mai 2021

Pour le Meilleur


Vincent est vieux. Très vieux, même. Rongé par l’arthrose, il n’attend plus que la mort. Mais la grande faucheuse ne l’a pas encore ramassé, perclus dans un hameau isolé. Vingt ans que Vincent ne vit plus. Vingt ans, c’est le temps qui s’est écoulé depuis la mort de sa Bénédicte. Assassinée, violée, brûlée. Un acte d’une sauvagerie insoupçonnable, irrespirable, inimaginable. Brûlée, violée, assassinée, violée… Je ferme les yeux… avant que l’envie de gerber ou de pleurer me prenne.
 
Vingt ans, et dans quelques jours les assassins de sa femme seront libérés.
Vingt ans, Vincent y pense encore à ce jour. Vingt ans que Vincent rumine sa rage, sa tristesse, sa vengeance. Une vengeance qui le libérera peut-être.
 
En attendant, Vincent boit. Des bières, beaucoup de bières. Et du whisky aussi. Et de la gnole aussi. Vincent boit, puisqu’il n’a plus grand-chose à faire si ce n’est sortir son chien encore plus vieux que lui, encore plus perclus de rhumatismes que ses vieux os qui arrivent tout juste à le lever de sa chaise jusqu’à la porte du frigo pour attraper une bière.
 
« Je suis vieux, je suis seul, je suis alcoolo, je suis une caricature. »

 
Un camion de déménagement se gare devant la maison voisine qu’il croyait à l’abandon. Cela pue, comme son urine du matin, la fin de sa tranquillité, de sa solitude mais surtout cela pourrait perturber ses prévisions de vengeance. Une ravissante noire, sublime, sourire et cul, comme toute africaine. Si Vincent n’était pas aussi vieux…
Et puis un monstre, un colosse ébène qui porte des meubles comme moi je porterais des caisses vides de bières – il faut dire que dans le coin, ces caisses se retrouvent vite à vide. Une force de la nature, mais aussi un futur compagnon de beuverie. A eux deux, ils vont en boire des bières. Tu crois que j’insiste sur le sujet, obsédé que je suis par la binouze, mais ce n’est pas que mon centre d’intérêt – j’aime aussi les belles noires ; il est vrai qu’il ne se passe pas un chapitre sans trois bouteilles vides de bières. C’est comme une religion, le vieux Vincent prend ses forces de la bière comme un curé le prend du cul de ses enfants de chœurs.
 
Alors oui, ce n’est pas très fin, je te parle des sentiments violents anticléricaux, de sentiments violents de vengeance, c’est du sombre, c’est du malsain et ça se tourne tout seul, les pages de ce thriller social, comme certains Vincent décapsulent des bières sur leur terrasse. Il faut dire, les rebondissements vont et viennent, même si les ficelles sont grosses, nettement plus que celle d’un string d’une belle africaine, et même si l’invraisemblance ne laisse plus de place aux doutes, comme dans un bon roman de gare, comme un bon roman qui se lit entre deux bières, avec deux bières même.   
 
« Vingt ans de rage qui marine, ça fait mal, c’est comme la gnôle. »

 
Je vous renvoie au précédent méfait, excellentissime Benzos,
« … et Pour le Pire », Noël Boudou. 
et pour le meilleur, un grand merci à Joël des Editions Taurnada,
pour cette confiance prolongée.



5 commentaires:

  1. Un moment, j'ai cru qu'il s'agissait de toi...

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    1. La ressemblance est frappante. Une évidence, j'aime ces évidences...

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  2. Une belle africaine aux atouts généreux, y’a de quoi boire de la binouze à perpétuité pour apaiser toute la chaleur que ses charmes provoquent!
    Aux Vincent de ce monde je lève mon verre de jus aux légumes verts! :-D

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    1. ...et bien sûr, pour le meilleur et pour le pire...

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    2. Je ne sais pas si le jus vert appartient au meilleur ou au pire ! :-)

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