mardi 24 juillet 2018

Chronique d'une Beuverie Annoncée

Santiago Nasar va mourir. C’est annoncé dès le départ, dès le titre du roman. C’est un fait. On n’y pourra rien. Pas la peine de chercher à le sauver, sa mort est annoncée, et ce n’est pas à moi de la chroniquer. Enfin, si, quand même un peu sinon, je ne serais pas devant toi à te parler d’un roman de Gabriel Garcia Marquez, prix Nobel de littérature, prix pour moi d’une atmosphère tourbillonnante. Laisse la bouteille sur la table, le temps de me servir un verre, ou deux, chronique d'une beuverie annoncée.

Je ne te cacherais pas plus longtemps les coupables, ni mêmes les aboutissants de ce fol, et étrange, lendemain de noce. Alors que tout le monde reprend ses esprits fortement embrumés par le flot d’alcool qui s’y est déversé durant ces deux jours de fêtes, Santiago Nasar va mourir. Des trompettes sonnent dans le vent, vent qui fait tourbillonner la poussière. Dès qu’il y a de la poussière, je me retrouve dans mon élément, poussière de vie qui s’envole, comme la mienne de vie. Des trompettes dansent, façon mariachis. Je les entends entre les paragraphes de l’auteur. Ses phrases doivent être à l’unisson du vent et de la musique, j’avais constamment le sentiment étrange de voir tourbillonner la poussière et la musique.

« La cérémonie officielle s’acheva à six heures du soir, quand les invités d’honneur se retirèrent. Le bateau repartit tous feux allumés, en laissant un sillage de valses jouées au piano mécanique, et nous restâmes durant un instant à la dérive au-dessus d’un abîme d’incertitude avant de nous reconnaître les uns et les autres et de nous enfoncer dans la mangrove de la beuverie. »


Santiago Nasar va mourir, son destin probable. Pourtant tout le village semble au courant, les futurs meurtriers sortis d’une nuit de beuverie ne s’en cachent point, avec leurs couteaux de bouchers bien en avant. De quoi découper le cochon gras. Autant aller le prévenir. Peine perdue. Si le village est au courant de l’affaire, le principal intéressé doit l’être également. Peut-être est-ce cela que se disent les villageois. Moi aussi, certainement, le teint mutique, regardant se remplir mon verre, bien au-delà des heures festives. De toute façon, il fait trop chaud pour me lever au milieu de cette poussière, autant rester avec mon verre sur cette terrasse ombragée que dominent le chant d’une musique funeste.

Compte-rendu détaillé d’une histoire d’honneur. Minute par minute, le vent emmène les poussières de vies, bien au-delà du fleuve sauvage qui transite l’évêque. D’ailleurs, si ce dernier n’avait pas été à bord de son bateau, Santiago ne serait peut-être pas sorti de son pieu, les assassins auraient fini de cuver leurs vins, les clochent de l’église n’auraient pas sonné… Mais avec des si, mon verre serait encore plein, la vie n’est pas faite de si mais de faits, et je t’annonce que Santiago Nasar est mort assassiné. Et tout ça, pourquoi ? Parce que la belle Angela n’était pas vierge à son mariage…  


« Chronique d’une Mort Annoncée », Gabriel Garcia Marquez.


6 commentaires:

  1. Je ne parviens pas à lire Marquez mais jai vu le film, magnifique.
    Je n'ai jamais compris que les réalisateurs ne se soient pas arrachés Anthony Delon ensuite.

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    1. J'ai vu ce film il y a très longtemps (je crois même que c'était pour un cours d'espagnol). Et je garde un souvenir extraordinaire de Anthony Delon. Comme toi, je ne comprends pas. Est-ce une question de caractère ou que le nom de Delon fils était trop lourd à porter sur une affiche... En tout cas, c'est un film que j'aimerai revoir, mais là non plus, il ne passe pas très souvent à la télé...

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  2. L'étonnante ressemblance d'Antony avec son père, même sa voix, même sa démarche l'ont sans doute desservi.
    Mais dès qu'il fait de courtes apparitions dans un film (Polisse, la Vérité...) il est excellent. C'est insensé.
    Qu'il ait pu interpréter ce rôle si doux tellement éloigné de son tempérament de délinquant de l'époque prouve qu'il est un grand acteur. Quel dommage !
    La BA donne TRÈS envie de le revoir.

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    1. oui et je suis d'accord avec toi, il se dégage quelque chose du fils. Comme du père au même âge.

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  3. Je ne sais pas si je lirai le livre, peut être trop politisé pour moi mais j’ai très envie de voir le film.
    Alain Delon a ce quelque chose d’insupportable qui m’empeche d’apprécier son jeu d’acteur mais l’inverse de son fils que j’apprécie beaucoup. Il se fait rare au cinéma, toujours à l’ombre d’un père ...

    Avec des si ... ah là là ... j’aurai épousé Bénicio ... :D
    Merci - -

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    1. L'interprétation de Delon fils est magnifique, enfin d'après mes vieux souvenirs...

      Béncicio, quel homme ! Ses silences ne font pas peur, il a un tel charisme...

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