mercredi 5 décembre 2018

La Fleur qui Berce la Nuit

Ouvrir un roman d’Aki Shimazaki, c’est sentir ce souffle de la passion orientale se lever sur ma nuque. C’est se laisser porter par une berceuse mélancolique pour une histoire courte aux sentiments intenses. Au toucher délicat que j’apporte à tourner chaque page, ses mots se transforment en une caresse gémissante de plaisir. Mon esprit vogue vers des rivages de sensualité. Une grue en origami m’accompagne tout au long de cette lecture. Une grue faite par Aki elle-même. Je l’imagine douce et sereine, pendant cet instant de concentration, faire des animaux en origami me fascine. Dans cet oiseau de papier, il y a toute la grâce de l’auteure et de sa poésie.    

« Elle baisse la tête. Je vois sa nuque blanche et les quelques mèches de cheveux tombant dessus. La rondeur de sa poitrine ressort sous sa tunique. Je saisie ses bras. Le parfum du savon. Soudain, mon corps frissonne. Je brûle de désir. Elle lève les yeux vers moi. Avant qu'elle ne prononce un mot, je couvre ses lèvres des miennes. »

Tes lèvres contre un silence. Dès que j’ai plongé mon regard dans les premières pages de ce roman, c’est comme si celui-ci plongeait dans le décolleté de Mitsuko. A travers son kimono légèrement ouvert qui laissait entrevoir la pointe de ses seins, je restais hypnotisé par la page, mon esprit s’évadait vers ce monde de sensualité. Frissons de plaisir. Le silence accentue cette sensation.


« Dès qu’elle ferme la porte, j’embrasse son visage et sa nuque. Je touche son corps sous sa tunique. Elle ne porte rien dessous. Comme un fou, je caresse ses fesses, son dos, ses seins. Elle guide ma main vers les parties sensibles.
Toujours debout, elle me laisse entrer en elle. En la pénétrant, je pleure presque tant la sensation est exquise. Elle gémit en étouffant sa voix. »

A chaque court chapitre, je gémis de plaisir, besoin de refermer le livre. Actes Sud et sa couverture entre rose et violet. Actes sud et cette abeille butinant une fleur. Acte premier, celui d’ouvrir tes cuisses et de butiner ta fleur. J’aime prendre mon temps, dans ces moments-là, le temps est la seule chose qui me reste et qui défile par moment trop vite, par moment trop lentement. Je respire ton parfum, - une fleur ? chardon ou jasmin -, m’hydrate de ton pollen. Je peux reprendre ma sain(t)e lecture.

« Mitsuko regarde vers le plafond. Sa longue tunique en coton est relevée haut. Allongé sur le côté, je glisse ma main sur ses jambes soyeuses. Elle ferme les yeux.
Ce soir aussi, dès que je suis entré ici, je l’ai embrassée, comme un fou, sur le visage et la nuque. J’ai caressé ses jambes et ses fesses. Elle ne portait rien sous sa tunique. Mon corps brûlait. » 

Mon corps brûlait de désir à chaque phrase, couchée là sur le papier, comme un papillon qui virevolte sous mes yeux ou une sirène qui s’allonge sur un banc de sable. Je ferme les yeux, je la vois. Elle, brune aux longues jambes. Rien dessous. Je n’en peux plus de cette attente. Se lever alors au milieu de la nuit, sombre et fraîche, blue moon, pour replonger dans ce bonheur éphémère, cet instantané de jouissance littéraire dans une lande couverte de fleurs de chardon, - ça me change de mes plaines poussiéreuses. Le silence est toujours présent, une musique qui m’enveloppe, des mots qui me caressent, une sève qui coule. Azami.

Merci.
« Azami », Aki Shimazaki.

Ce soir encore, ton oreiller est baigné de larmes.
A qui rêves-tu ? Viens, viens vers moi.
Je m’appelle Azami. Je suis la fleur qui berce la nuit.
Pleure, pleure dans mes bras. L’aube est loin encore.


19 commentaires:

  1. Extra-longue... Prétentieux va !
    Joli billet sinon. :)

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    1. Mets tes lunettes. Elle est juste extra-large 😂

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    2. "C'est pas la taille qui compte, c'est le goût !"
      Amanda Lear

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    3. une femme de connaissance !

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  2. C'est apaisant le silence, mais parfois aussi c'est un peu bruyant... ça te fait ça toi aussi ? :-)
    Aki... ses mots sont de douces caresses dans l'âme du lecteur. Quelle femme merveilleuse. Si tu la voyais plier de ses mains délicates le papier, s'en est émouvant!
    Tu as raison, "il y a toute la grâce de l’auteure et sa poésie" dans le geste...
    p.s.: Ahmad Jamal c'est un copain de Rufus (crisse qu'il s'en passe des choses dans cette taverne!) :P

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    1. Il connait du beau monde, ton Rufus...

      Merveilleuse, cela se ressent à travers ses écrits...

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    1. Ah, câlisse, un mot qui manquait ici pour célébrer une lecture québécoise. Mais pourquoi n'y ai-je pas penser...

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  4. Crisse! Le "tabarnak" il allait sous vos histoires de graine extra large!!! Doit pas être si large que ça à moins 30... :P

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    1. ça fait du bien de rêver, même (surtout) par moins trente... :-)

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  5. Le nom de la bière est en harmonie avec la délicatesse de l'origami.
    Poil au zizi.

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    1. Tout à fait. Rien n'est dû au hasard, pas même ma poésie...

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  6. Lire Azami c’est rentrer en communion avec soi même ou avec le silence, ce qui revient au même.
    Ses mots sont comme une caresse,
    Ses mots sont comme des origamis ... de la poésie,
    Ses mots sont à l’image de la fleur du chardon, beaux et douloureux à la fois.
    Un livre marquant,
    Une lecture inoubliable,
    Un moment unique,
    Une fleur qui berce notre nuit.

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    1. origami et caresse, deux mots qui collent si bien ensemble, la délicatesse du geste, l'amour qu'on peut y mettre.
      Est-ce que ça se cultivent dans un jardin citadin des fleurs de chardon, juste pour ne pas oublier cette histoire et cette fleur qui berce nos nuits...

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  7. Tu vois la vie en rose girly, dis donc, ça change ! ;-)))

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    1. Girly japonaise, ça change tout...

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    2. Y'a des mots japonais qui me transposent de l'autre côté du soleil, kawaï, sakura, biru, asahi, nikka...
      Je n'ai pas autant de vocabulaire coréen...

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    3. Moi non plus, je te rassure !! ;-))

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