« L’élixir
sacré de cette cérémonie était le pastis. Il coulait à flots dans tous les
verres mais son parfum anisé écœurait Nicole et elle était la seule à consommer
du cap-corse, un mélange amer de vin, de plantes aromatiques, d’écorce d’orange
et de quinquina. Elle sirotait sa liqueur avec une paille parfois assise sur le
bar, en observant et appréciant l’étrange comédie humaine. A l’heure de la
fermeture, des ombres titubaient dans les ruelles pour regagner le domicile
conjugal, où les épouses, comme tous les soirs, s’étaient assoupies dans une
attente toujours déçue. La nuit corse était exquise, fraîche et parfumée. Seules
la lune ou les étoiles éclairaient les épaisses maisons de pierre, il n’y avait
pas de réverbères, pas d’électricité […] Dans leur délicieux nuage d’ivresse,
tout semblait mystérieux et beau. »
Sa musique me berce depuis de longues
années. Comme le père. Un poète enchanteur, des mots qui m’émeuvent, ses textes
sont des proses magnifiques à lire, juste avec quelques notes de piano ou
quelques longs silences qui égrènent ma vie. « Fugues », son art, ses
doutes, sa liberté. Un instantané autobiographique sur la jeunesse, une ode à
la liberté. Arthur décide de s’ouvrir, son cœur, son âme, sa fugue sera l’objet
de cette musique. Assis devant un piano, tentant de déchiffrer l’art de la
fugue de Johann Sebastian Bach, il va se plonger dans ses souvenirs.
Au cours de cette écriture, s’écrit
une étrange coïncidence, une autre fugue, en plus de la sienne et celle de Bach.
Quelques années plus tôt, sa mère Nicole trop enfermé dans le carcan parental
et sociétal, quitte sa ville d’Argenteuil avec quelques amis. Direction la Polynésie
et Tahiti. Le voyage débutera par la Corse, elle n’ira pas plus loin. Mais ce
besoin d’être libre était plus fort que tout.
A 15-16 ans, la fugue est aussi un
apprentissage de la vie. C’est de cette façon qu’il faut revoir la situation. C’est
aussi l’esprit rebelle qui sommeille dans la tête de tout adolescent. Arthur
rejoint son père en Martinique pour quelques jours. Mais au moment de prendre l’avion
pour rentrer en France, il laissera son père pantois et penaud passer seul la
porte d’embarquement… à suivre…
« La
musique m’hypnotise, je l’entends comme je ne l’ai jamais entendue, elle est
précise, géométrique, ancienne. Du coup, je décolle un peu plus. On me sert un
rhum de Basse-Terre et du feu coule en moi, j’avale un dragon. J’observe les
mouvements de cette symphonie parfaite, j’admire les corps des hommes et des
femmes qui se déplacent dans cet espace mouvant. Mais je suis incapable d’interagir :
la drogue n’abolit pas ma timidité. Le mélange de l’alcool et des champignons
provoque un obscurcissement progressif de la conscience, la richesse des
impressions migre vers la confusion des émotions. Je m’absorbe trop dans le
paysage féérique, je m’y noie. Titubant et m’agrippant au hasard des choses qui
tombent sous ma main, je regagne ma couche et m’endors tout habillé, la
cervelle au grand large, emporté dans ma propre tempête neuronale. »
J’ai lu un très beau moment d’intimité,
d’une personne qui compte énormément dans mon spectre musical. Arthur H, que je
sens si timide si réservé et qui pour s’ouvrir aux autres utilise la musique
et écrit de si belles chansons aux mélodies douces et soyeuses comme un sourire
illuminé sous une lune bleue. Et dès la première page, j’ai été ému, la façon
dont il dédit ce livre.
A
ma mère, la belle boxeuse amoureuse,
Pour
son art de la fugue et son goût de liberté.
A
mon père, j’aurais aimé qu’il lise cette histoire
Qui
parle d’une femme qu’il a aimé…
Déjà, j’ai les larmes aux yeux…
Heureusement que l’histoire n'est pas aussi triste que cette introduction… Et
Jacques Higelin a aussi, tant, compté dans le silence musical de ma vie.
« Fugues », Arthur H.
« On
peut vivre à côté d’une personne et être très loin d’elle, mais on peut vivre
aussi de loin de quelqu’un mais être tout près de lui par le cœur et la pensée. »
Je suis très touchée par ton billet, par Arthur, par Jacques ... Ton ressenti... il y a beaucoup d'émotion.
RépondreSupprimerJe boirai bien une mauresque ;-)
Avec Henri ou avec Ricard ?
Je ne bois jamais de mauresque... surtout avec Henri... Henri c'est l'esprit nature, de l'eau pure, la fraicheur des plantes et rien d'autres que son parfum de soleil et de Provence...
SupprimerJe t'ai "taggé" si ça t'intéresse... :-)
RépondreSupprimerhttp://thebinarycoffee.blogspot.com/2019/04/portrait-de-lecteur-de-a-z.html
Touchée.
RépondreSupprimerArthur H... homme de sentiments et de profondeur découvert dans L’or Noir et un quelconque Chien Fou <3
Puis un Bison qui ouvre son cœur et son âme. Hostie que je trouve ça beau. Les hommes qui ont les larmes aux yeux sont toujours beaux, d'ailleurs...
Quand un homme ne sait pas rire, il lui reste la tristesse et les larmes...
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