mardi 22 juin 2021

Beurre et Croque-Monsieur


Je commence par un mot de Raymond Carver, comme une exergue de la vie foudroyante du passé. Débuter un bouquin par Ray est toujours de bon augure. C'est un signe diraient certains, si je dois croire aux signes. Mais comme je ne crois à rien, si ce n'est à la poussière qui se dépose sur mon cuir, je me laisse embarquer, d'entrée de jeu par Ray. Et là tu te dis que j'essaie de te vendre du Carver à faire tout un paragraphe sur une simple citation du maître du spleen et du couple. Mais je ne suis pas là pour te vendre quoi que ce soit, même pas un tapis pour enrouler le corps de ta femme dedans. Non, je suis là juste pour déjeuner en paix. Je regarde sur la chaise le journal du matin, les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent, "Crois-tu qu'il va neiger?".

Je prépare un café bien tassé, et des tartines beurrées. Je déjeune toute seule dehors en écoutant les oiseaux.

Parce que les histoires de couple commencent toujours par un café bien noir avant de finir avec un bourbon bien tassé. Du moins dans l'univers de Ray. Sauf que je ne suis pas dans un conte à Ray, je suis dans une suite de temps et de contretemps de Gaëlle Héaulme. Et si le savoureux exergue est bien choisi, c'est aussi parce que d'emblée, je retrouve cet univers qui mêle le spleen et l'ironie, les travers de porcs et de couples, ces petits instantanées d'une vie qui en l'espace d'une fraction de seconde ou d'une éjaculation précoce basculent. Ces petits contretemps comme aiment les définir l'auteure sont autant de petites savoureuses scénettes - cyniques - d'une vie à deux - à la chute cocasse - qui finit souvent à un(e).

Le bruit du vent dans les bambous.
Le petit jardin d'herbe et de pierres.

L'histoire d'un homme ou d'une femme, d'un couple ou de croque-monsieur, très présents les croque-monsieur, base fondatrice du couple parce qu'il faut beurrer d'abord le pain, un peu de beurre chérie. Tiens je me rend compte que le beurre est aussi très présent. Le beurre c'est ce qui permet au couple de glisser dans la vie. Et qui dit terrain glissant, dit aie, aie aie, tu pues l'ail, chéri, pourtant y'a pas de quoi en faire une aïoli - ou tout un fromage, et hop le twist de la mort, je reviens mine de rien sur le croque-monsieur. Qui a dit que j'errais en terrain miné, c'est que sous la couche de poussière, on ne sait jamais où poser ses sabots. 
 
Au fur et à mesure que la voiture s'enfonce dans la ville, puis dans ses faubourgs, l'espace s'élargit et la tension monte. Je mets un peu de musique pour détendre l'atmosphère. C'est pire, Summertime chanté par Janis Joplin me donne envie de pleurer.
 
"Les Petits Contretemps", Gaëlle Héaulme.
 

 

6 commentaires:

  1. Je vous découvre à l'instant, à partir de Babelio. Je prendrai plaisir à lire votre blogue. Je suis fan de Carver moi aussi. Je ne vois pas de mention à la littérature québécoise dans votre espace. Il faudra y remédier ;-) Salutations depuis Montréal.

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    1. C'est que tu n'as pas encore fureté partout mais la littérature québécoise y est très présente dans le Saloon de la littérature, j'ai une pusheuse de romans 100% pur laine et sirop d'érable qui me fournit de nombreuses pépites... Sophie Bienvenu, Marie-Renée Lavoie, Anaïs Barbeau-Lavalette, Miléna Babin et j'en passe des plus connus, n'oubliant pas le québécois de coeur et d'exil, Dany Laferrière...

      Oui ici le Québec a une place importante tout comme les bières de Chambly et le blizzard de la vie...

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  2. Les histoires de couple commencent toujours par un café bien noir avant de finir avec un bourbon bien tassé.
    Les histoires de couple commencent aussi toujours les yeux dans les yeux, elles finissent le regard fuyant.
    Elles commencent toujours dans le même lit et finissent sur le canapé du salon.
    Finalement, on devrait toujours commencer et finir par un rhum. Par précautions...

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    1. Tu dois avoir raison. Le rhum est le lien de la vie.

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