dimanche 29 septembre 2024

Epaule Tatoo


Alma, l'âme de ce roman.
Alma, la fille tatouée. 
Et Joshua, l'homme cultivé, l'écrivain, le professeur, à la fois riche et séduisant. Alors qu'Alma est pauvre, pas vraiment belle, et totalement inculte.
Pourtant Alma exercera une certaine fascination, virant même à l'obsession, dans la vie de Joshua. Il la prendra, comme servante-secrétaire-aide-soignante.
 
Elle venait d'ailleurs, de campagnes arriérées où les enfants avaient les pieds sales, où quelques vieux subsistaient dans l'air pollué. Lui a un malaise, dans sa vie, dans son âme, il se sent décliné, il se sent seul, pourtant n'a que la quarantaine. Atteint d'une étrange maladie, il a besoin d'Alma, qui sait, elle pourrait le sauver.
 
"Là où des fumées blanches s'élèvent comme une vapeur des fissures du sol.
Là où les mines creusées profond sous la terre continuent de brûler.
Wind Ridge, Bobtown, McCracken, Cheet, tels étaient les noms des mines quand elles avaient des noms. Quand elles étaient encore encore exploitées, avant les incendies.
Où vis-tu, je vis en enfer. Je suis une enfant de l'enfer. Je suis américaine et enfant de l'enfer. Demandez-moi si je suis heureuse, je le suis.
Presque tout le monde est parti. L'herbe pousse drue là où le bitume s'est fissuré. Là où les gens ont abandonné leurs maisons. L'ancienne école primaire. La cour de récréation asphaltée. Berlin Street, Coalmont. Scottdale, Mount Union, Tire Hill. Là où le feu couve, la neige fond dès qu'elle touche le sol. Lève les yeux vers les collines où monte la vapeur. Où l'aide vient du ciel. Herbes hautes, jeunes arbres. La jungle revient. Cette paix, c'est un cadeau pour ceux qui ont refusé de quitter l'Akron Valley."
 
Petit à petit, l'histoire se centrera sur ces deux âmes dans cette belle résidence, à quelques tournants de l'Université. Petit à petit, les pages vont se refermer sur eux, les enfermer dans un huis-clos étouffant, malsain où j'ai du mal à respirer par ce que je crois percevoir. Je n'aime ni Joshua, ni Alma. Alors la lecture devient tout autant éprouvante. J'en ai lu, plusieurs des Joyce Carol Oates, je n'ai plus assez de doigts pour les compter, mais la fille tatouée, pourtant fasciné j'aime regarder les femmes tatouées, ne gravera pas mes souvenirs comme de l'encre indélébile dans ma chair. 
 
"Car une âme imparfaite aspire à être guérie : dans une époque profane, nous avons besoin que l’inconnu nous complète, quand nous n’avons pas la force de nous compléter nous-mêmes."   

Mais derrière ces tâches quotidiennes, se cache une incroyable, féroce, haine. Joshua est juif, cela s'explique donc, cela s'exploite, cette haine, envers ce riche et séduisant homme, cet écrivain qui a écrit il y a dix ans son seul roman au succès retentissant sur l'holocauste. Maintenant il traduit Virgile... Et Alma range ses papiers, ses ébauches, ses lettres, ses débuts de roman, presque analphabète. Et elle lui voue une haine, elle la petite illétrée. Mais pourquoi, j'ai du mal à comprendre, la force de cette haine, qui prend sa source certainement dans son enfance. Joyce Carol Oates dédiera ce roman à un autre écrivain juif, Philip Roth.

"Alma était adossée aux coussins dans le vieux lit grinçant de la chambre. Ventre et seins avachis sous sa vieille chemise de nuit de flanelle blanche tachée de sang menstruel qui ne s'en allait jamais tout à fait même quand elle frottait à la main. Elle était là, les yeux brûlants à tourner les pages d'un livre de sorcières. Puis, étendue sur le côté elle sentait son cœur battre désagréablement mais bouger demanda trop d'efforts. Et elle avait froid à ses orteils nus, où était cette putain de couverture ?"
 
"La Fille Tatouée", Joyce Carol Oates.
Traduction : Claude Seban.
 

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