lundi 7 octobre 2024

La Fille du Slasher


Venez voir, en ce jour du 12 septembre de l’an de grâce mille huit cent trente-huit, sur le Champ de Foire de Hallow Heath, dans le comté de Worcestershire, à la Foire aux Chevaux annuelle, attenante au nouveau canal de Birmingham, le combat très attendu du noble art de la boxe à mains nus… Et la foule crie, et la foule hurle, et la foule braille… Et la bière coule, et la bière se verse, déverse, se renverse… La revanche tant attendue entre Tom Heaney, l’ouragan irlandais, et le vieux Bill Perry, le slasher de Tipton… Sous une pluie battante, une pluie froide, une pluie de sueur… Et sous des hectolitres de bières…

« Toute cette bière au fil des années cette intense montée de plaisir qu'elle lui procurait quand elle cascadait dans sa gorge, bruissant et nettoyant ses entrailles, et l'étreinte musclée du houblon quand il vous frappait et que tout devenait possible. II était né avec une soif insatiable qu'aucune quantité de bière ne semblait jamais pouvoir étancher. »

Le dernier combat de Bill. Avec l’argent ramassé, il achète le pub de Tripton… Et là, le géant aussi alcoolisé que doux, des poings de fer un cœur de guimauve, se retrouve dans son élément, comme entre quatre cordes sur le ring, entre quatre fûts de bière derrière le comptoir. Il achète également pour quelques pièces une jeune gitane, Annie, oui à l’époque ça se faisait, pour s’occuper de lui et du bar ; elle devient ainsi sa « fille ». Une fille qui en cachette apprendra à se battre et montera également sur le ring, écrasant de son intelligence et de sa vivacité les grosses mégères fermières laitières venues se mesurer à elle pour quelques pièces... En digne héritière, son nom de ring, la fille du slasher.  

Beaucoup de sueurs, beaucoup de bières dans cette Angleterre de la fin du XIXème siècle. La boxe omniprésente qui transpire dans ce roman n’est qu’une excuse littéraire pour parler du combat des femmes dans la société, de leur émancipation et de la façon dont elles doivent se prendre en charge pour être l’égal des hommes, sur un ring ou dans un bar. Et dans cette Angleterre qui sent la bière et la boue, la révolution industrielle se met en marche, le train remplacera un jour les péniches et les calèches, les pauvres toujours plus pauvres tenteront bien de faire grève dans les conditions insalubres des mines, à la tombée de la nuit les pubs deviennent aussi bruyants qu’une foire aux bestiaux, et les femmes n’hésitent plus à se mettre en culotte pour monter sur un ring !    

« Les danses, les chants, les pintes et les combats s'enchaînèrent jusqu'à ce que des policiers viennent les interrompre mais, abreuvés de bière, ils restèrent eux aussi jusqu'à l'aube. »

« Poids Plume », Mick Kitson.
Traduction : Céline Schwaller.


« Depuis le bar à bière, on entendait un violon et des cornemuses et puis aussi un gros Irlandais qui chantait comme un ours qui grogne. Figée au milieu du quai, je sentais ce brouhaha entrer en moi et tourner dans ma tête, tellement que je pensais jamais plus entendre le calme et le silence. » 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire