lundi 4 novembre 2024

Un Soleil Ivre De Rage Tourne Dans Le Ciel


« Elle se redresse pour prendre son walkman, qui doit être à ses pieds. Bernard Lavilliers la bercera. Alice écoute en boucle la cassette d'O Gringo depuis qu'elle a quitté Québec, elle connaît "Sertao" par cœur. Les pales du ventilateur coupent tranche à tranche l'air épais comme du manioc. [...] Y'a guère que les moustiques pour m'aimer de la sorte. Leurs baisers sanglants m'empêchent de dormir. »

Le long du fleuve Maroni, dans les années 80, un soleil ivre de rage tourne dans le ciel, Alice s'offre une virée en Guyane, Bernard Lavilliers dans son casque Koss, pour oublier sa vie québécoise. Elle profite de ses vacances pour se ressourcer au vert, un vert jungle, un vert comme l'enfer, mais ça elle ne le sait pas encore.

Trente ans après, Flora s'occupe de la succession de sa mère tout juste décédée et œuvre en parallèle auprès de femmes victimes de violence conjugale. Dans un Québec neigeux, elle sentira l'humidité obscure de sa vie. Les pales du ventilateur coupent tranche à tranche l'air épais comme du manioc, ils l'emmènent sur une autre terre où est enfouie de lourds et profonds secrets que ni sa mère, ni son père qu'elle adorait pourtant n'avaient souhaité déterrer. 

vendredi 1 novembre 2024

Aux Vents des Orcades


«
En sortant de l’entrepôt, j'ai marché longtemps, seule, dans les rues, ma veste sur le bras, une bouteille de bière à la main. J'appréciais la douceur de l'air nocturne sur ma peau nue. J'étais saoule et défoncée, mais pas encore prête à aller me coucher. Je voulais respirer les parfums de la ville, me rouler sur le bitume. Chaussée de mes vieilles boots, j'avançais plus vite que les bus de nuit. Les drogues que j'avais avalées plus tôt dans la journée me donnaient des fourmillements dans les joues. Le souffle court, je me mordais les lèvres. J'avais l'impression d'être en feu - mon visage, ma bouche, mes seins, mon sexe : tout en moi se consumait. J'ai sorti une cigarette de mon paquet et l'ai allumée, avant d'avaler une gorgée de bière. En sentant la fumée entrer dans mes poumons, j'ai pris une profonde inspiration pour que les bulles d'oxygène métabolisent rapidement l'alcool, tout en retenant le plus longtemps possible la fumée dans ma cage thoracique, tirant un maximum de plaisir de chaque instant. »

Dans l'oubli hypnotique des nuits londoniennes... je regarde mon verre, je le fais tourner d'une main tremblante, pourquoi alors qu'il n'y a pas de glaçons, pas de tintements de cristal, je ne sais pas, je le regarde juste, des yeux posés sur un liquide ambré, un Benriach en version Smoky Ten, peut-être ai-je l'espoir de sentir son parfum, sa tourbe qui m’emmènera loin d'ici, plus au nord, à l'extrême nord même de l’Écosse, dans les îles Orcades. Ce verre sera le dernier, peut-être, avant de se reprendre en main, de tout laisser tomber et de reprendre vie. Dans un lieu familier, celui de l'enfance et des souvenirs, celui des brebis et du roi des Cailles. Là-bas, je n'oublierai pas mes compagnons nocturnes, bières, vin et vodka, pourtant j'essaierai d'y échapper, et pour cela il y aura le vent des Orcades chargé d'embruns tout aussi enivrant.