samedi 19 août 2017

La Ballade (pas si bucolique) Islandaise

Un bébé qui mâchouille et bavouille pour se faire les dents… C’est mignon comme tout… Surtout quand on se rend compte que ce qui lui sert pour faire les dents ressemble à un os… humain… une côté fêlée… Un os remonté à la surface dans le terrain d’à-côté suite aux travaux de construction d’une nouvelle résidence. Reykjavik est en pleine expansion, qui aurait cru que la ville se serait étendue sur ces terres sauvages… Erlendur doit se rendre sur place, plus préoccupé par le sort de sa fille, retrouvée dans une piaule à drogués. Et si j’appelais un archéologue pour qu’il m’en dise plus sur ces ossements ? Fatale erreur. Il ne sait pas comment travaillent ces archéologues, avec pince à épiler et petit pinceau pour nettoyer la terre. A ce rythme-là, je vais avoir le temps de finir mon pack de bières, et de voir des trolls danser autour de moi. Une cuvée des trolls, l’esprit un peu islandais.

« il lui avait caressé la joue avec la lame de son rasoir. »

Pendant ce temps, Erlendur réfléchit, à sa fille et à ces groseilliers sauvages sur la parcelle d’à-côté. Est-ce qu’il y a vraiment des groseilliers sauvages qui poussent sur la lande islandaise ? La réponse à l’énigme doit se trouver là. Quelqu’un a une recette de confiture de groseilles ? C’est que les travaux des archéologues ont à peine démarré, et je sens qu’il va en falloir des jours et des jours, d’attente. Peut-être que je devrais aller acheter une bouteille de vodka ?


Je me souviens d’avoir vu aussi traîner une femme dans un long manteau vert, « la femme en vert », un peu tordue aussi. Il faudrait la retrouver, surtout ne la lâche pas, elle doit avoir des trucs à nous dire.

J’ai replongé en terre islandaise pour revivre l’une des premières enquêtes de Erlendur. J’en apprends un peu plus sur lui, sa fuite et sa fille et son frère, obsession que j’ai suivi dans les épisodes futurs. Je prends le pouls des étoiles nordiques, la nuit qui tombe ou reste tombée pendant des heures, des heures que les archéologues tentent de dépoussiérer un tas d’os. Des os qui datent probablement de la guerre. Arnaldur Indridason aime bien faire revivre le passé de son île. Mais à qui appartiennent donc ces os ? À des militaires anglais, ou américains ? À une femme islandaise ? L’enquête sera longue et lente, mais haletante, prendre son temps, une pelle aurait quand même accéléré le  rythme plutôt qu’un pinceau. Et puis dans cette affaire, sans dévoiler le crime, ou la passion du crime, les violences conjugales sont au centre de ce corps. Sombre centre que la lune n’éclaire pas, une femme qui n’est plus une femme… Triste aussi, et rageant. La colère, la peur. L’indignation surtout. Mais comme il s’agit d’un roman noir, cette ballade (pas si bucolique) islandaise est bien noire, comme la nuit, comme le café, comme la stout… 

« - … Je voulais vous demander… je crois que j’étais en train de vous poser une question sur les violences conjugales.
- Voilà un mot bien édulcoré pour décrire l’assassinat d’une âme. Un terme politiquement correct à l’usage des gens qui ne savent pas ce qui se cache derrière. Vous savez ce que c’est, de vivre constamment dans la terreur ?
Erlendur ne répondait pas.
- De vivre dans la haine chaque jour sans que cela ne s’arrange jamais, quoi qu’on fasse, et on ne peut d’ailleurs rien faire pour arranger ce genre de chose, jusqu’à ce qu’on perde toute volonté et qu’on passe son temps à attendre et espérer que la prochaine raclée ne sera pas aussi violente et douloureuse que la dernière.
Erlendur ne savait pas quoi dire.
- Petit à petit, les coups se résument à du pur sadisme parce que le seul pouvoir que l’homme violent détienne au monde, c’est celui qu’il exerce sur cette unique femme qui est son épouse, mais ce pouvoir n’a aucune limite puisque l’homme sait que la femme ne peut rien faire face à lui. Elle est totalement impuissante et complètement dépendante de lui parce qu’il ne se contente pas de la torturer avec la haine et la colère qu’il éprouve pour elle mais il la torture également avec la haine qu’il éprouve pour ses enfants en lui faisant clairement comprendre qu’il leur fera du mal si jamais elle essayait de se libérer de son emprise. Et pourtant toute cette violence physique, toute cette souffrance et ces coups, ces os cassés, ces blessures, ces bleus, ces yeux au beurre noir, ces lèvres fendues, tout cela n’est rien comparé aux tortures que l’âme endure. Une terreur constante, absolument constante, qui jamais ne faiblit. »

« La femme en vert », Arnaldur Indridason.


« - Il nous reste nous, répondit Sigurdur Oli. Nous deux.

Il avait trouvé un CD qu’il introduisit dans le lecteur et mis une chanson qui lui avait trotté dans la tête depuis que Bergthora l’avait sommé de s’engager plus clairement. Marianne Faithfull commença à chanter La Ballade de Lucy Jordan, une mère de famille de trente-sept ans qui rêvait d’une balade dans Paris au volant d’une voiture de sport, les cheveux volant au vent. »

14 commentaires:

  1. Moi aussi j'aime bien prendre un ou plusieurs verres de Nord de temps en temps chez l'ami Arnaldur. Lu Jar City, La femme en vert, La muraille de lave, Hypothermie et La rivière noire. Mais je ne fais pas trop souvent dans le héros r2current. Par contre très plaisir de réécouter Ballad of Lucy Jordan que j'aime beaucoup. Ca me fait penser que je l'ai prêté en K7 mais comme ça fait environ 35 ans je m'inquiète pour le retour de ma Lucy.

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    1. 35 ans sans Broken English... Il y a des vies bien malheureuses... Mais est-ce que tu as encore un appareil à K7 ? parce que sinon Lucy peut continuer sa route jusqu'au précipice...

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    2. Oui cher Bison, je suis une légende, je peux encore écouter quelques K7, enfin les rares qui ne sont pas emmêlées dans l'autoradio de ma Simca 1000, avant qu'elle flambe (la Simca). Tu sais ces K7 qu'on essaie de rembobiner avec un stylo. Quand je te dis que je suis une légende... :D
      A propos d'Islande je viens de lire Un marin chilien (Agnès Mathieu-Daudé). Ca te plairait.

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    3. Que de souvenirs tu me fais revivre... je me revois lorsque je retirai une cassette de mon autoradio - pas de simca 1000, juste une 4L - et que j'avais mon bic sur moi pour rembobiner aussi...

      L'Islande et un marin chilien, ça ressemble à un roman fait pour moi... Pas la peine d'en dire plus, je suis sûr qu'il me plairait aussi...

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  2. Avec Les nuits de Reykjavik je lisais mon premier Indridason. Et toi tu étais plongé dans La femme en vert... J'adore son personnage d'Erlendur, solitaire, abrupt et tourmenté avec ses vieilles souffrances.
    Il joue sur le temps, les retours en arrière, les blessures du passé dont on guérit difficilement selon lui, il joue sur l'abandon et la perte. Il me semble que c'est un écrivain de l'âme humaine, plus loin encore que les meurtres à résoudre, il y a des personnages qui nous touchent de leurs émotions et de leur vécu. Sur que j'en lirai plein d'autres de lui. J'ai été tellement charmée par ses mots, et par ton billet qui donne envie d'aller plus loin dans ma découverte de l'auteur :-*

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    1. Je ne lis pas souvent des romans noirs, mais j'aime Indridason, parce qu'il est noir dans l'âme, noir dans l'atmosphère, noir dans le café, pas de stout stp j'aime pas la stout. L'auteur va au-delà du simple polar, il s’appuie sur l'histoire de son île, sur la sauvagerie de ses paysages - et des hommes. Je sens que petit à petit, je vais tous me les faire... d'ailleurs, j'en ai encore pas mal en stock et dès que j'aurais envie de plonger dans le noir islandais ou l'envie de boire une cuvée des trolls, je serais dans quel bar de Reykjavik poser mes sabots...

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  3. Sacré Arnaldur. C'est fou de porter le nom d'une épée du Gondor.

    Avec la sublime balade de Marianne la dame en noir, j'ai revu Louise et sa Thelma s'envoler plutôt que de tomber sous les coups d'un homme.

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    1. Je reconnais bien la cinéphile... En cherchant la ballade de Lucy, je suis aussi tombé sur Thelma et Louise...

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  4. Moi, ce que j'aimerais voir en Islande, ce n'est pas le noir de la nuit, mais plutôt les nuits blanches à Vestfirdir... avec une bière blanche alors ?

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    1. Oui, j'aimerai bien passer aussi une nuit blanche là-bas, et peu importe la couleur de ma bière du moment qu'elle n'est pas servi dans un gobelet en plastique. La vue de ces nuits boréales ne supporterait pas la vue d'un vulgaire gobelet...

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    2. Entièrement d'accord en ce qui concerne cette histoire de gobelet, mais ça ne va pas t'étonner ^^

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  5. Il fait partie des 2 ou 3 Erlendur que j'ai lu il y a fort longtemps maintenant. Une histoire glaçante...

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  6. Je ne suis pas très enquête policière mais,entre "Point de rupture" pour Nad et "Lame de rasoir" pour toi, j'ai bien envie de rencontrer "La dame en vert dans Les nuits de Reykjavik".

    Un jour je me lancerai pour changer d'horizon et voir ce qu'il s'y passe ! :)

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  7. Bonjour le Bison, ce second tome avec Erlendur est un des mes préférés. C'est plus un drame psychologique que policier. Bonne après-midi.

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