vendredi 4 août 2017

La Putain de Closingtown

« Belle la putain de Closingtown, belle. Noirs les cheveux de la putain de Closingtown, noirs. Des dizaines de livres, dans sa chambre, au premier étage du saloon, elle les lit pendant qu’elle attend, des histoires avec un début et une fin, si tu lui demandes elle te les racontera. Jeune la putain de Closingtown, jeune. Quand elle te serre entre ses jambes elle te chuchote : amour. »

Closingtown, cela sonne pas très italien, comme patelin. Mais cela sonne comme un film de Sergio Leone. Les flingues sur la tempe. Les flingues dans leurs étuis. L’harmonica siffle, le regard pénètre, le saloon et à l’étage son bordel. Je monte fébrilement, comme quand on descend pour la première fois une bouteille de bourbon poussiéreux et que l’on se demande où l’on est à mi-chemin de la descente. Je joue le timide devant le sourire de la putain. Elle se dévoile dans la pénombre de cette chambre parfumée au patchouli. Bas et porte-jarretelles font de l’effet sur moi, et mon sexe se redresse aussitôt devant cette invitation divine. J’adore le crissement de mes mains sur ses bas, comme celui de la « soie » dans un autre roman d’Alessandro Baricco.       

« Fanny travaille, là-haut, le fils du pasteur entre les jambes. Amour. Le fils du pasteur s’appelle Young. Il a gardé sa chemise, et il a ses cheveux noirs trempés de sueur. Quelque chose comme une terreur, dans les yeux. Fanny lui dit Baise-moi Young. Mais lui se raidit et glisse loin des cuisses ouvertes – bas blancs avec dentelles jusqu’au-dessus du genou puis plus rien. Il ne sait pas où regarder. Il lui prend la main et la presse contre son sexe. Oui, Young, dit-elle. Elle le caresse, Tu es beau Young, dit-elle. Elle se lèche la paume de la main, en le regardant dans les yeux, puis elle recommence à le caresser, en le frôlant à peine. Oui, dit Young. Oui. Elle serre son sexe dans sa paume. Il ferme les yeux et pense je ne dois penser à rien. A rien. Elle regarde sa propre main, puis la sueur sur le visage de Young, sur sa poitrine, et de nouveau sa propre main qui glisse sur son sexe. J’aime ta queue, Young, je la veux, ta queue. »  


Et là, plongé dans la demi-pénombre, rideaux à moitié tirés, je vois son sourire et sa bouche s’approcher de ma queue, fière et dure comme un adolescent de quinze ans qui n’a jamais connu un tel sourire. Toi non plus, je pense que tu n’as jamais vu ce sourire. Il est si beau, si pénétrant, si bandant que je me demande si je ne suis pas en perpétuel rêve éveillé. De sa langue experte, ou acharnée, elle caresse mon bout. La sensation est terrible. Elle l’englobe, va-et-vient, de haut en bas, une caresse de velours et sa salive qui coule le long de ma winchester. Et sa langue qui continue à jouer avec mon membre prêt à libérer la poudre. Des coups de feu, dans la rue, calibre .22, reconnaissable à leur intensité. Non, ce n’est que moi qui ais implosé. Explosé. Jouissance à Closingtown, quelle putain cette brune de Closingtown. Belle la putain de Closingtown, belle. Brune la putain de Closington, brune. Et quelle langue.

« Fanny glisse ses lèvres le long du sexe de Young, il la regarde et il aime ça. Il lui met une main dans les cheveux et la plaque contre lui. Elle lui prend la main et l’écarte, en continuant à l’embrasser. Il la regarde, il lui remet la main dans les cheveux, elle s’arrête, lève les yeux vers lui et lui dit Reste tranquille Young. Tais-toi, il dit, et de la main il lui pousse la tête vers son sexe. Elle glisse de plus en plus vite, elle va et vient. C’est ça, putain, dit-il. C’est ça. Elle ouvre les yeux et vois la peau luisante de sueur sur le ventre de Young. Elle voit les muscles qui se contractent, par à-coups, comme dans une sorte d’agonie. Oui dit-il. T’arrête pas. Une sorte d’agonie. Il la regarde. Il aime ça. La regarde. »

Je me réveille, en sueur comme une après-midi de baise sous les rayons d’un soleil brûlant autant la rétine que la vue d’une bière dans un oasis de désir. Je sors du saloon, un match de foot se joue sur le terrain d’à côté. La foudre s’abat sur l’avant-centre, y avait-il hors-jeu. Les soigneurs balaient les cendres, la balle au centre. Je prends le tapis rouge, hôtel cinq étoiles sans putain, un match de boxe en sous-sol, et ce garçon, Gould, qui se trimbale avec deux amis imaginaires, un muet et un géant. Loufoque, l’histoire. Aussi étrange que la putain était belle. Les coups sur le ring pleuvent, le sang gicle de l’arcade, broiement des os du nez. Le genou à terre. Adriennnneeee. Je vais me relever, ne pas baisser les bras. Retrouver le goût du combat. Et me battre pour gagner la cause, le cœur de la putain de Closingtown. Gould, enfant surdoué, commente l’avènement de ce nouveau champion du monde, catégorie poids lourd. Détonante, cette histoire. Aussi détonant que l’implosion de mon cœur face au sourire de la putain de Closingtown.   


« City », Alessandro Baricco.  

10 commentaires:

  1. C'est chaud cacao... mais tu dois être en train de te régaler devant César, Cornelius, Nova et tutti frutti !

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    1. Oublie le cacao, je suis à la bière... Pas chaude, la bière... Et César, grandiose comme toujours...

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  2. Bon eh bien une prochaine nuit où je n'arriverai pas à dormir il faudra que j'aille faire un tour du côté de Closingtown ...

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    1. Différent des autres Baricco que j'ai pu lire. Plus masculin, poésie différente... Mais Closingtown et sa putain me tiennent en éveil de son onirisme libidineux...

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  3. J'ai lu Soie il y a fort longtemps et j'avais aimé sans être autant embarqué que je l'espérais...

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    1. Pourtant... Soie est un chef d'oeuvre de poésie... (mais bon, ça doit être mon côté poet qui sort). Celui-là possède une poésie différente, plus masculine, je dirais... avec son match de boxe, son match de foot, sa putain dans son western. Un univers d'homme rêveur...

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  4. Tabarnak Baricco je l'aime d'amour!!!
    J'veux absolument lire ce City où il est question de putain et de Winchester (alias graine) à l'air... ^^
    J'ai aimé toutes mes lectures de l'auteur, Emmaüs, Soie, Novecento Pianiste et mon coup de coeur... Océan Mer.... <3
    Tu l'as lu?

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    1. Novencento, je ne l'ai pas apprécié à sa juste valeur... Soie, oui... City aussi ! Mais il est très différent des deux autres que j'ai pu lire...

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  5. Ben la vache t'y aura mis toute ta fougue dans ce billet ! Que calor mama mia !
    Et en plus c'est un Baricco ben moi je dis ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

    ;-)

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    1. Un billet surtout édulcoré par rapport à sa version initiale qui date d'un an, c'est que je suis lent à écrire et à proposer du moi dedans...

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