Prendre
la ligne 13, puis la ligne 2. Chausser ses santiags, laisser son stetson au
vestiaire. Se mettre au verre ou au vert. Les oreilles bourdonnent,
impatientes. Le tympan se strie, effusion de guitares. Ça saigne. Une foule en
liesse. En délire. Les stetsons fusent, les strings s’envolent, les groupies
s’agglutinent. J’exagère. Un peu, je crois. Retour en arrière, je rembobine le
film.
C’est
sans stetson que je prends la ligne 13. D’abord me mettre dans l’ambiance. Le
Sud. Pas celui des cigales et du soleil. Le Sud de la poussière et du Texas.
D’où les santiags. Un album live de ZZ
Top dans les oreilles avant de plonger sous la surface de la terre, dans un
grand tube de métro. Je me la joue « southern rock » ce soir. Pas
peur de la poussière, je trouverais bien une bière pour étancher ma soif.
J’aurais pu rentrer un peu plus dans les terres, choisir un album des Allman Brothers Band, at Fillmore East par exemple. Mais non
trop proche, laisser mes esgourdes libres de ces influences, de ces voix. Je me
tâte le menton, et me rend compte que je me suis rasé la veille. Pas le look
des barbus texans. Pas grave, me dis-je pour me rassurer. De toute façon, là où
je vais, ils sont chevelus mais pas barbus. Je me tâte la tête (oui, je sais tu
te dis ce type, il se tâte beaucoup), et me rend compte que là-aussi ça a été
rasé, pas de crinière léonine et cuivrée. D’ailleurs, où je vais ?
Changement
de ligne, prendre la ligne 2 à Place de Clichy. Sortie Anvers. Vue sur
Montmartre. Monument d’une blancheur immaculée pour me rappeler ma passion d’antan et dantesque. J’adore regarder le Sacré-Cœur. Mais j’ai pas le temps ce
soir, le temps presse, urge, file, les guitares n’attendent pas. Je m’engouffre
dans le Trianon. Sur scène un quatuor, formation classique, clavier, bassiste,
batteur et guitariste.
Une
loi adoptée en janvier 1865 promettait aux esclaves affranchis « 40 acres
et une mule ». Mais Andrew Johnson, qui devint président des États-Unis en
Avril de cette même année à la suite de la mort impromptue d’un Lincoln
assassiné, mettra son veto catégorique à l’application de cette loi. La mule du
gouvernement restera donc une promesse non tenue… comme souvent. Mais cette
même mule trouvera refuge au sein d’un petit trio 130 ans après sous
l’influence de quelques membres « dissidents » du Allman Brothers
Band préférant un blues plus intime.
Gov’t Mule.
Warren
Haynes, guitare et chants.
Allen
Woody, basse.
Matt
Abts, batterie.
L’héroïne
ayant trouvé son chemin dans les veines d’Allen. Pas de veine. De nouveaux
bassistes. Ce soir, Jorgen Carlsson.
Danny
Louis complète le trio initial avec ses claviers, sa guitare et son trombone.
Plus
un invité surprise en fin de soirée. Totalement surprise puisque pas trop dans
mes habitudes d’écoute. Et pourtant, pourtant… Tiens j’ai envie de ressortir un
vieux disque de Whitesnake, trop
longtemps que je ne les ai pas écouté ceux-là, vieux fan de David Coverdale que je
suis – enfin surtout fan de Deep Purple ; mais là, je m’éloigne, du sud et
j’ai soif à force de déblatérer mes souvenirs d’antan et dantesque. La faute à
Bernie Mardsen qui est venu finir le concert avec nous, facile le gars, le
sourire et le riff aisés.
Pour
revenir au concert. Dantesque. Du blues, du rock, des riffs. Et une moyenne
d’âge. Ma foi, je me suis senti jeune tout d’un coup. Cela ne bouge pas trop
sur scène, mais qu’est-ce que ça balance. Warren fait son show avec son chaud
doigté – c’est donc à ça que servent un index et un majeur, et j’adore. Matt
frappe comme une mule sur sa caisse, et j’adore. Jorgen est dans son monde et
Danny s’entoure de ses claviers. Le son afflue, flux sanguin qui me monte à la
tête. Tête névrosée, ridée par les rictus de Warren – je fais les mêmes quand
je joue de l’air-guitare. Le son. Lourd et fracassant. Un son de mule. Trop
fort, j’ai oublié mes boules Quies. Tant pis, je serais sourd plus tôt. C’est
pas bien grave à mon âge, de toute façon la vie est derrière moi, le rock
toujours devant. Des morceaux de blues s’enchaînent, se déchaînent,
m’enchaînent, me déchaînent. J’imagine les histoires que Warren me conte, une
femme qui s’enfuie dans le désert, un pauvre type qui boit seul une bière,
prendre à gauche après le cactus, prendre un verre de Tequila après la bière,
des âmes en peine et en pleurs qui peinent à se trouver et retrouver, plus de
larmes sur le chemin que de la poussière, poussière d’antan et dantesque d’une
folle passion ressentie, pressentie, sens unique, elle était tout pour lui, il
était… je sais plus, je suis plongé dans le riff dantesque de Warren comme dans
l’temps du temps où le rock était aussi sauvage que de chevaucher une pouliche
sans enlever ses santiags…
« Trip musical d’un Bison au Trianon », 30/10/2017, Gov’t Mule.
J'ai pas de santiags, ni de stetson. Par contre y en a qui disent que j'ai une tête de mule. Mais tu sais bien que j'aime le Southern, et je ne déteste pas le Southern Comfort non plus d'ailleurs. Je ne connais pas le Trianon. Non, non. Chouette soirée l'ami.
RépondreSupprimerUne tête de mule ? ;-) Je ne le crois pas... Pas après ce qui ressort de tes billets...
SupprimerUn Southern Comfort, avec plaisir, je veux bien t'accompagner, surtout que j'ai vu que tu jouais comme Warren, la crinière léonine en moins ! ;-))
Bon dieu, je vais écouter ça ! Je découvre. Par contre, ayant pratiqué la ligne 13 pendant des années, je ne regrette absolument pas de m'en être éloigné de quelques centaines de kilomètres
RépondreSupprimerLa ligne 13 ne se regrette jamais. Cela dit, la prenant de bout en bout, ça me donne l'occasion de lire pas mal en même temps...
Supprimertout ce que j'aime ! C'est vraiment excellent. Le Fillmore East je l'écoute régulièrement et toujours un régal. Ce Warren là tient bien la route également. Vive le Southern !
RépondreSupprimerOn revient souvent et toujours au Fillmore East. Ce Warren est plus bluesy, plus intime qu'avec le ABB, mais je crois que c'est aussi ce qu'il recherchait...
SupprimerVive le Southern ! Comfort !
Avec mon Vinny fan de musique on est allés te rejoindre entre la ligne 13 et 2 pour partager ce trip musical avec toi. J’étais là avec mon string pis mes santiags, le majeur en émoi, lui avec son p’tit bonheur d’ado la musique dans l’plafond au diable les tympans, 39 minutes 40 c’est pas rien, après autant d’émotions on en ressort chamboulés, lui d’la poussière plein la tête, quant à mon string... :P
RépondreSupprimerMerci pour ce fucking bon moment musical!
C'était un fucking trip musical avec ou sans string. De l'émotion à en faire couler de plaisir et de jouissance des fucking cœurs accrochés au southern rock. Autant de poussière que d'étoiles qui brillent dans la tête.
Supprimercomme quoi y a encore des rockers qui cherchent pas à faire du bruit pour rien
RépondreSupprimerEn toute discrétion et humilité. Juste pour le plaisir du rock.
Supprimerje partage,ça va plaire
RépondreSupprimerUne belle découverte pour moi ! merci l'ami !
RépondreSupprimerIl y a encore matière à découverte, même dans le rock...
SupprimerJe passe la porte...pour la première fois je pense.
RépondreSupprimerje te vois souvent chez l'ami eeguab.
D'antan et dantesque, ça attire mon oeil forcément.
Les types qui jouent avec les mots ont quelque chose que les autres n'ont pas...
Merci les Caphys !
¸¸.•*¨*• ☆
Bonjour et sois la bienvenue. Un honneur de te voir franchir cette porte sur un gros morceau de rock sudiste et que je croise effectivement souvent sur l'ami eeguab...
Supprimer