« On est stoned en permanence.
Hagards.
Les yeux hébétés.
Le geste alenti.
On n’a qu’une cassette. Sur une face, un best of de ZZ Top, sur l’autre, un vieil enregistrement graillonneux de l’album des Pink Floyd, The Dark Side of the Moon.
Zykë les passe en permanence, volume à fond. »
Quand
les éditions Taurnada me propose de partir à l’aventure, je n’hésite pas bien
longtemps, le temps de finir mon verre, de sortir mon album de Pink Floyd et
d’écrire de la plume tout mon courage de revivre. Quelques bouteilles de binouzes
et de bourbon dans mon baluchon, le dernier bouquin de Thierry Poncet et j’embarque immédiatement. Dépaysement garanti.
Surtout qu’il est question de parcourir les latitudes de ce monde, toutes les
terres sales et parsemées de bars, de putes et de bars à putes. De l’Afrique à
l’Indonésie, escales en Australie ou en Andalousie. Avec Zykë, comme chef de file, maître d’armes,
pourvoyeur de putes, fournisseur d’alcool et de drogue. Grand charmeur, le
colosse chaîne en or autour du cou possède un pouvoir de séduction indéniable.
Mais
derrière cette grande aventure, il y a surtout une histoire d’amitié fidèle,
d’un secrétaire devenu écrivain et d’un baroudeur devenu auteur. Je ne
connaissais pas Cizia Zykë avant de
lire ces formidables écrits et mémoires. Maintenant, je n’ai qu’une envie, me
plonger dans les romans « Oro »
et « Sahara ». Sieur Poncet
m’a si bien vendu ces aventures qui s’étalent comme de la confiture fait maison
sur des tartines de pain encore tièdes et moelleuses. Je découvre à l’occasion
la littérature confiture, un genre que je n’ai pas exploré souvent avant, mon
dieu que je ne suis pas aventurier, désespérant, et pourtant quel bonheur j’ai
vécu là. Le pied !
« Elle s'appelle Indra.
Est née au-dessus d'un étang d'ordures dans les faubourgs de Bandung, une des mégapoles de l'île voisine de Java, il y a, pense-t-elle, vingt-cinq ans, peut-être vingt-huit.
Était une gaminette aux nichons naissants à l'heure de son premier micheton.
A fait la pute, depuis, aux quatre coins de l'archipel.
Sa peau, c'est du miel, chaud comme une flaque de soleil, doux comme un cuir fin.
Ses yeux, deux lacs d'huile noire.
Son odeur, un souffle de vanille et de poivre.
Sa voix, un chant rauque. Son rire, un caquètement métallique, affolé, tragique, d'oiseau pris au piège.
Son cul, c'est une croupe de biche, aux muscles durs d'animal galopant.
Ses seins, des cônes effilés, sombres, souples, doux et dansants, paire de défis jetés à l'homme.
Son con, c'est un coup de couteau, une cicatrice mauve, brève, encore enfantine, à peine coiffée, de chaque côté, de deux fois trois cheveux de soie.
On baise sans s'arrêter, nuit et jour. »
Les
pages respirent le shit et la merde de nos vies. Crapahuter toute la planète,
des putes en Andalousie, des putes au Maroc, des putes en Indonésie, mais pas
en Australie. Elles s’alignent une page sur deux, grosses et rondes, belles et
bandantes, présence systématique de cette chaire à chaque coin de rue dépravée.
Boire jusqu’à plus soif, et encore j’ai toujours soif, une page sur deux
également. J’ai un doute pour l’Australie, c’est que j’ai beaucoup bu et
beaucoup gerbé lors de cette escapade dans la poussière du bush.
Et
puis entre deux aventures, il y a l’amour. La chaleur. L’ivresse. La sodomie.
L’ivresse. L’essence du bonheur. Indra. La déliquescence de ma vie. L’amour
inoubliable. Paloma. La sueur qui coule, dégouline le long de ses seins. Le
sperme qui coule et dégouline entre ses cuisses. Sueur. Sperme. Plaisir.
Jouissance de la vie. Vie jouissive. L’amour et l’ivresse se conjuguent en un
bonheur d’aventures, de mots et de verres. Poésie littéraire pour peu qu’on
aime ce genre, qu’on aime la confiture et la littérature qui s’étalent sur ces
putains de vie et ces putains de la vie sous d’autres latitudes.
« Indra continue de me faire jouir, jouir, jouir.
Jouir de ses doigts.
De paumes et de peau.
Toujours.
Sa langue, les lèvres.
Tous les jours, liesse !
Jouir en fesses et jouir en sexe.
Cris, murmures.
Toute nuit.
Je jouis et rejouis.
Serments et ordures.
Toutes les nuits.
De rires et morsures.
Jouis et encore jouis.
D’affolements en griffures. »
Le
voyage s’est achevé, la raison l’a emporté, une musique à composer, un roman à
imprimer. Cizia n’égrène personne. Il sème sa prose, Thierry la compose, les
éditeurs la disposent. A la clé, une mallette remplie de billets. Payé en
liquide. Comme pour les putes ou les bakchichs. Mais si la dernière page est
tournée, que la couverture noire affichant la trogne de Zykë me dit adieu, mon
voyage n’en est pas pour autant bouclé. Mon esprit est encore en vadrouille, à
l’aventure, il furète entre les rues sombres d’Indonésie, il sue dans les
hammams marocains, les mots s’étalent et détalent sur l'étal de sa plume emportée par le
vent des dunes, il chante des louanges sur des pirogues, il danse remue, danse du ventre
des femmes ventrues, il boit il gerbe ses tripes, il plonge, il prie, il se
bat, il baise, il gerbe, il JOUIT. J’aime cette idée que mon esprit baise quand
il lit. Dans un lit, dans la rue, sable dans le cul, mon esprit s’allonge,
ferme les yeux : « l’aventure continue », Zykë.
« Zykë L’Aventure », Thierry
Poncet.
Merci monsieur Thierry Poncet
pour ce formidable pamphlet.
Merci surtout aux éditions Taurnada pour cette découverte,
ce partage et cette confiance
renouvelés,
d’un pauvre type égaré dans
la vie devenu lecteur des vies.
Un putain de bouquin si je comprends bien !!
RépondreSupprimerTu comprends bien, un de ces putains de bouquin qu'il est si rare d'en lire...
SupprimerEt ça me fait plaisir que pour une fois quelqu’un comprenne tout de suite mon ressenti. Pour la peine, je t'aurai bien servi un verre, un truc plus fort qu'un Lait fraise-Cognac ;-)
Lait-fraise-Cognac-rhum alors ! ;)
Supprimerj'ai plus de lait fraise...
SupprimerCâlisse ce livre était fait pour toi!
RépondreSupprimerJe salue au passage Thierry Poncet pour Dark Side of the Moon, je dis qu’un auteur qui cite Pink Floyd dans ses écrits a déjà tout mon respect. D’autres corps, d’autres latitudes, d’autres essences, d’autres jouissances et l’amour. De quoi faire fantasmer un majeur...
J'aime la confiture, divine durant les treize minutes de SOYCD :-)
Un livre pour moi...
SupprimerJe crois que Thierry Poncet se serait bien passé de DSOTM pour traverser tout le bush. Mais quand le chef dit, les pions s'exécutent.
Mais dans ces "mémoires", il y a tant d'essences et de jouissances, même de l'amour, car l'amour fait jouir aussi, que j'en garderai un grand souvenir, du genre à ne pas oublier de si tôt.
Oh il est mort en 2011 d'une crise cardiaque. Il a fondé une association humanitaire:-)
SupprimerJ'ai arrêté la confiture mais merci d'avoir mis cette vidéo.
RépondreSupprimerComment aucun cinéaste ne s'est emparé de la vie de Zyké??? Il faut dire que la réalité semble dépasser toute idée de fiction.
Pivot est exceptionnel d'interviewer un tel type. Il y en avait du respect de l'admiration et de la tolérance sur ce plateau !!! Et pas de provoc facile à la con.
Je n'avais pas vu cette émission. Je me suis régalée.
Raconte nous quand tu auras lu Oro.
Je ne dis rien du physique de Zyke... pas étonnant que les grosses femmes du Costa Rica tombaient comme des mouches...
Je termine Le fils de Nesbo. Le tueur psychopathe de l'histoire est aussi magnétique et charismatique que ce chercheur d'or qui fait les choses nécessaires et indispensables, ne pense pas à la mort, n'a pas de temps pour lamour et épuise les esclaves à la tâche.
Grand moment, je trouve cet épisode d'Apostrophes. Pivot arrive formidablement à le faire parler. On sent même qu'il a lu le livre :-) Et à cette époque, un vrai débat peut s’installer où exposer son point de vue, sans que ça gueule de partout... Même De Kersauson est sage et propre.
SupprimerCe que je trouve étonnant, c'est le décalage que je me faisais du personnage de Zykë avec sa timidité apparente sur ce plateau de télévision...
Un grand moment de télévision...
Oui c'était une émission géniale. Pivot avec son intelligence son empathie son humour... et face à lui, un type insensé, implacable mais d'un calme et d'une douceur exceptionnels.
RépondreSupprimerJe me souviens d'un Apostrophe avec Jean d'Ormesson et Jean Edern Hallier qui se jetait au pied de son père... d'un autre avec Bukovski ivre mort... et Soljenitsyne.
Bref le sacré bon temps :-)
Je regarde souvent l'émission avec Bukovski, elle me fait toujours autant marré...
SupprimerJe tombe ici presque par hasard... Cizia Zikë j'ai lu ces livres il y a bien des années, et tu me donnes une envie furieuse de remettre le couvert ! Je te remercie.
RépondreSupprimerBleck
Rien n'est dû au hasard. Tout est question d'envie.
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