samedi 14 juillet 2018

Des rêves, du malt et une femme, le piano de Keith


« Son mari n’avait jamais la gueule de bois. Tant mieux pour lui. Non parce qu’il supportait bien l’alcool, mais, selon sa théorie personnelle, parce qu’il savait « bien boire », et elle était prête à le croire. Quand il sentait l’ivresse pointer, il réduisait aussitôt la cadence d’ingurgitation. C’est comme quand on remplit d’eau un récipient dont le fond est percé d’un petit trou, affirmait-il, si on ne verse pas plus de liquide qu’il n’en disparaît par le trou, le récipient ne déborde pas. Et c’est sans doute grâce à cette méthode que, ce matin-là encore, il se réveilla en forme. »

Alors que je débouche ma bouteille de Nikka pour lire ce petit livre de Natsuki Ikezawa – ou ai-je lu ce petit recueil de trois nouvelles pour me servir un verre de Nikka, je suis pris par un sentiment étrange, celui d’être perdu dans un conte ancestral où je ne comprends pas grand-chose. Assurément, première nouvelle, premier verre seulement.

« Les origines de N’Kunre » m’emmènent en Amérique du Sud, j’aurais dû me servir un verre de rhum, une histoire d’adultère et de rédemption. La rédemption, je vais la croiser au fond de la jungle auprès d’un peuple reculé. Ma rédemption, je la trouverai probablement au fond de mon verre au cristal éculé.

« Mieux encore que les fleurs », il y a le pastis et l’anis. Cette senteur florale qui parfume mon verre et fait ressassé les souvenirs d’une rencontre, comme une histoire d’amour sous envoutement. Le charme d’un souvenir, l’onirisme d’une vie. Les images d’amour flirtent là encore avec le rêve et les légendes d’un autre temps.

Mais revenons à mon Nikka que je déguste sous la bise iodée de Boston pendant que mon regard se porte lascivement vers « la femme qui dort ». Elle dort le jour pour se plonger dans des rêves d’Okinawa. Son esprit sombre dans l’âme de cette île, un endroit étrange sous des airs marins.

Mon Nikka n’est pas aussi iodé que cette dernière histoire – même pas du tout. Est-ce pour cela que mon corps n’a pas basculé entièrement dans ce recueil ? J’avais du mal à suivre tant d’onirisme et de croyances – qui prennent peut-être leur fondation dans des préceptes shintos qui ne me sont pas familiers. Mon regard se portait étrangement vers le fond de la bouteille sans message à l’intérieur pour découvrir la clé d’un trésor, celui de « la femme qui dort ». Trop de légendes, trop de rêves ou de contes étrangers à ma culture portée plus sur l’esprit malté de mon verre que l’esprit iodé d’un parfum de femme.  

« Le monde est fait de choses dures ou souples, chaudes ou froides, mais le corps d'une femme est dans un matériau encore différent. Il a une température, une souplesse, une douceur au toucher, une odeur tout autres. Une consistance, une chaleur particulière. »

« La Femme qui Dort », Natsuki Ikezawa.


4 commentaires:

  1. Etrange univers, semble t-il...
    J'aimerais bien être sous une "bise iodée" en ce moment, à Boston ou partout ailleurs !! ^^

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    1. Moi aussi... parce qu'on peut pas dire que la Seine soit très iodée...

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  2. Lu il y a plusieurs années, il me semble qu'une des trois nouvelles avait davantage attirée mon attention que les autres mais c'est bien loin....

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    1. Oui, pareil... Moi j'ai déjà l'impression que j'ai loin... J'ai d'ailleurs repris ta citation, mais j'ai vu que tu n'avais pas fait un billet dessus... Les nouvelles sont un peu "spéciales" pour nous, les occidentales...

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