vendredi 17 août 2018

Miles, Milos, Paco ou Pepe…


Aïta et Ama coule des jours paisibles avec leurs trois enfants entre Irun et Aranjuez. Des promenades main dans la main dans les jardins de la ville, senteurs d’orangeraies qui distillent un parfum d’amour et de soleil dans cette vie-là. Mais si je suis ici, ce n’est pas pour te conter l’amour et le bonheur. Enfin presque, l’amour, il y sera toujours question mais le bonheur s’éclipsera devant la montée d’un homme, Franco et ses troupes qui avancent dangereusement pour des activistes républicains. La famille est contrainte à l’exil.

L’exil vers un nouveau pays. Tenter de se reconstruire et de maintenir unie cette famille. De l’autre côté des Pays basques, la vie n’est plus ce qu’elle était, mais au moins la famille est libre. Elle a un toit, même si la chaumière occupée est étroite, puante, sans eau ni électricité. Mais ils sont libres. Libres et ensemble. Mais en France, les heures sombres viennent aussi se mêler à cette vie de pauvreté. Les allemands jouent les tortionnaires psychologiques. Alors dans ces conditions, difficile de se sentir bien chez soi, ne restent que des « rêves oubliés » d’une vie d’avant, entre Irun et Aranjuez.

« Ama, je n’ai pas de mots, je ne porte en moi que du silence. Et pourtant ce silence, loin d’être vide, est plein de vie, plein de toi. Je le sens se mouvoir comme une force lente, constante, comme une masse ardente. Tes mains diaphanes l’ont sculpté pour lui donner tes traits. Je n’ai qu’à fermer les yeux, et tu es là, en moi, à portée de cœur.
Enlacée.
Comme j’aimerais te décrire ces silences qui sont les miens, leurs approches furtives de toi, à l’affut d’une caresse. Comme ils se faufilent dans mon souffle pour soulever, sur ta nuque, les mèches de cheveux qui s’échappent de ton chignon. Y déposer un baiser.
Ama, tu as chassé de mon âme tout ce qui devait l’être pour n’y laisser que l’essentiel de l’émerveillement et de l’amour.
Chacun de tes sourires abandonne, à son insu, une bribe de toi en moi. Ces bribes sont devenues un jardin fou, une forêt où chaque arbre porte un souvenir de nous. Je m’y promène à ma guise, toujours ébloui par ces instants passés ensemble et par l’espérance de ce qui nous reste à vivre.
Ama, perdons-nous encore. »

Pourquoi suis-je allé vers ce roman de Léonor de Récondo, qui semble assez éloigné de mes lectures de prédilections. Certainement, parce que j’avais envie de sentir cette plume aux senteurs d’oranges et d’écouter le concierto d’Aranjuez (Miles Davis, Milos Karadaglic, Paco de Lucia ou Pepe Romero…). Certain(e)s vont crier à l’hérésie et au scandale, mais Miles s’impose plus facilement à mon spectre musical pour ce concerto, « Sketches of Spain ».  Mais aussi, parce que dedans il y a l’histoire de parents contraints de s’exiler dans un pays qui n’est pas le leur, et qui ne le sera probablement jamais. Parce que l’exil reste un sujet difficile mais toujours d’actualité depuis des siècles et qu’il déchire des « rêves oubliés ».

« Rêves Oubliés », Léonor de Récondo.




« Je ferme les yeux, je vois les jardins d’Aranjuez où nous aimions tant nous promener. Je vois Irùn, la maison, Aïta, notre rencontre, son front si lisse et ses yeux perçants. Je vois la sage-femme qui entre chez nous avec sa chaise d’accouchement pliante. Trois fois entre ses mains se sont posés mes enfants, mes fils si silencieux ce soir.
J’abandonne une partie de moi-même là-bas, au pied des orangers, j’y laisse mes rêves et je prie pour que nous restions unis, en vie. Toujours libres. »


13 commentaires:

  1. 'De l’autre côté des Pays basques, la vie n’est plus ce qu’elle était'
    7 provinces mais un seul Pays Basque, Zazpiak Bat qu'on se le dise. ;-)
    @+ le Bison

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cela devait être une époque difficile à vivre, surtout de l'autre côté...

      Supprimer
  2. Je suis bonne a jeter aux orties sans doute mais la trompinette de Miles me vrille lew tympans et je n'aime pas le bonhomme...(je suis Chet adfict que Big Miles méprisait... pfff).
    Mais Pepe à la guitare je me pame (et il y a un beau rouquin avec un beau cor dans l'orchestre). Et j'ai vu Paco en concert 💕

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas vu le rouquin...
      Paco, c'était avec John McLaughlin ? ou en solo... J'ai plus de mal Paco, tout seul...

      Supprimer
    2. Tu aurais sans doute repérer une rouquine...

      Seul.

      Supprimer
  3. À jeter

    Me vrille LES


    Chet ADDICT

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Chet addict aussi... mais j'ai découvert Miles avant Chet...

      Supprimer
  4. L’exil, les orangeraies, Aranjuez, un livre qui me parle.
    En lisant le début de ton billet j’ai tout de suite su que tu mettrai le concerto ...
    Tu n’imagines pas tout ce qu’il réveille et révèle en moi ce concerto ...

    Merci Bibi ... <3 :)

    RépondreSupprimer
  5. ... Tu me le prêtes quand ?? ;-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. je ne sais pas... Il faut que je regarde si je l'ai encore... Et si depuis tu ne l'as pas encore lu (trois ans après)...

      Supprimer
  6. Un livre délicat que l'on prend plaisir à relire aussi. Une histoire intemporel car l'exil existera toujours.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. je n'irai probablement pas jusqu'à le relire, mais de mémoire, délicat est un joli mot, une belle sensation, pour décrire ce roman...

      Supprimer