samedi 16 novembre 2019

Addiction


« Je m'enfile le Jack d'un trait et tends le verre pour réclamer Daniel's. Il arrive avec le sourire et plonge dans ma gueule aussi sec. »

S’enfiler quelques cachetons sous la langue et s’envoler.
Glisser un petit comprimé de benzodiazépine et s’évader.
Quand l’insomnie te prend depuis des années, les cachets ne font plus effet. Alors, tu augmentes la dose. Tu es bien meilleur prescripteur que cette bande de psychiatres avides de leur compte en banque. Alors, deux d’abord au réveil, puis trois, puis cinq.
Un joint, ou deux, bien roulés.
Tu as toujours la main à la poche, tentation permanente de plonger la main vers une nouvelle plaquette de pilules.
Et puis tu te sers un verre, ou trois. Du Elijah Craig, 18 ans d’âge, pour les grandes occasions.
Les nuits, tu les passes en tête à tête, avec tes potes, Jack et Daniel’s. D’ailleurs, Cath et Pierre, viennent te voir demain. Mais quel demain sera.
La chaîne stéréo distille sa symphonie de guitares tonitruantes. Il y a de quoi grésiller dans les tympans et de se sortir de cette torpeur nonchalante.
Je me sers un verre moi aussi, pris dans cette addiction. Celle de l’écriture, et de la page blanche. Alors, je reprends un second verre.
Un téléphone qui sonne. Kurt Cobain qui braille Smells like teen spirit.  


« Rince ton verre, là, c’est du sérieux. Un petit Elijah Craig 18 ans d’âge ! J’ai hésité parce qu’il est cher. Mais bon, pas de mal à se faire du bien, hein, mon beau ? C’est américain. Comme disait mon Jeannot, sont forts ces cons. »
Elle me sert une bonne dose de l’Elijah Craig. Putain, quel bourbon ! L’alcool coule dans ma gorge me laissant en bouche un léger goût de noix de coco. Merveilleux.
 »

Se réveiller, une sensation étrange. Un cachet, deux, cinq. La dose prescrite. Un autre téléphone qui sonne, encore Nirvana, Rape me. C’est le téléphone de Cath, elle a toujours aimé le blondinet. Cath et Pierre, ils arrivent. Sensation étrange, je les ai vu hier. Prendre un autre cachet. J’étais persuadé qu’ils étaient déjà arrivés la veille. Un verre. Du fort, ambré. Cath est même venu me voire cette nuit sur le canapé. Son cul, magnifique, à lui arracher le string avec les dents. Et sa bouche qui a gobé mon sexe. Ma jouissance dans sa bouche. Je n’ai pas rêvé. Impossible. Prendre une nouvelle dose. Je la reprendrais bien aussi, elle, sublime Cath, toujours aussi bandante, brune extraordinaire. Je me recouche, me sens mal, cette nausée qui me donne la gerbe aux lèvres.

Les oiseaux chantent, la lune bleue s’est barrée. Quelle heure est-il ? La tête en vrac. Trop de whisky, trop de vapeur. Je m’enfile un benzo en même temps qu’un caleçon. Descends à la cuisine. Odeur de café. Cath ? Elle n’est plus là. Un texto, Cath et Pierre arrivent cet après-midi ! Putain… Je comprends plus rien. Faut que j’arrête. Pourtant, c’est pas son téléphone sous le canapé ? Il a dû tomber quand elle m’a sucé cette nuit… Mais alors pourquoi, ils ne sont plus là. Hallucination, paranoïa. Je reprends un cachet, dix à fondre sous la langue. Et je me réveille dans mon lit, la tête sur une enclume, et le marteau qui cogne. Broyé. Vite un cachet, et je me rendors. Noir.

« Ma vie, à cet instant, est une page blanche. Celle qui pourrit la vie de l’écrivain, je n’ai aucune histoire à raconter. Et personne pour la découvrir, s’y intéresser. Suis-je seulement vivant ? Je suis peut-être mort il y a quelques heures dans ma baignoire. Vidé de mon sang puis noyé dedans.
Il me faut un verre, deux, trois, peut-être bien plus. Après tout ça intéresse qui ? »

Un putain de bouquin qui me ressemble, à lire pendant ses heures d'insomnie, une bouteille de whisky.

« Benzos », Noël Boudou.
Avec un grand merci et un verre à Joël des éditions Taurnada.


« Je prends la bouteille et m’installe sur une chaise longue, je glisse trois comprimés sous ma langue et insère mes écouteurs dans mes oreilles. Une superbe nuit chaude et étoilée, un bon whisky, de la bonne ziq, que demander de mieux ? »

6 commentaires:

  1. Vu trainer ce bouquin près d'une mare à grenouille... Je vais plonger dedans je crois...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu ferais bien... Certaines grenouilles ont bons goûts... littérairement...

      Supprimer
  2. J'ai moi aussi adoré ce "putain de bouquin"!
    Et quand j'ai lu le passage sur l’Elijah Craig, j'ai tout de suite pensé à toi !! ^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Elijah Craig, c'est mon second pseudo... quand je veux rester discret...

      Supprimer
  3. Comme je l'écrivais à notre grenoUille préférée, les Éditions Taurnada ont tout pour me plaire !
    Sinon, il reste pas beaucoup de whisky dans le fond de ta bouteille, j'espère que t'en as une autre en réserve pour les nuits d'insomnie. Je m'inquiète pour toi...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai toujours des réserves, les insomnies étant récurrentes... cela ne sert à rien de s'inquiéter pour un pauvre bison comme moi

      Supprimer