dimanche 1 janvier 2023

Funiculi Funicula


Une chaleur moite, la sueur qui dégouline le long de ma chemise, ladite chemise qui a changé de couleur depuis, j'erre dans les méandres de la solitude et des rues aux néons illuminés. Une devanture qui me fait ni chaud ni froid, pourtant je descends quelques marches pour accéder à ce café, le "Funiculi Funicula". 
 
Quelques personnes à l'intérieur, un vieux à la table du fond, un pauvre type dans son coin seul à sa table avec une bière, une dame presque diaphane au milieu dans une robe immaculée blanche... Malgré tout, ce que je perçois au premier abord, c'est le coté tempéré du café, ni trop chaud, ni trop frais. Et presqu'en dehors du temps, de ce temps, de notre temps. Peut-être parce que le café est en sous-sol par rapport à la rue... Et cela se ressent aussi dans l’atmosphère qui s'y dégage. Étrange, comme un univers parallèle. Fascinant comme une paire de jambes qui se croisent et décroisent. Envoûtant comme le parfum d'un sourire. Jasmin.

"Sous l'effet de l'attraction terrestre, l'eau coule de haut en bas. Nos âmes exercent une force d'attraction, elles aussi. Face à quelqu'un qu'on estime et en qui on a confiance, on ne peut pas mentir. On ne peut pas s'empêcher de se montrer sous son vrai jour. En particulier dans les moments où on essaye de cacher sa tristesse ou ses faiblesses."

Un air de piano s'y joue, mais bien plus. Une odeur de café s'y détend, mais bien plus. Un monde différent qui ferait penser à une légende urbaine. Le temps d'un café chaud, on pourrait retourner dans le passé pour peu que l'on s’assoit à la bonne table, celle de cette femme diaphane par exemple. Cela ne bouleversera pas ta vie, cela ne changera pas ton futur, quel que soit le pauvre type que tu sois, tu le resteras. Et pourtant, cela pourrait te permettre d'accomplir les dernières volontés de ta vie d'avant, de dire quelques paroles, de faire quelques gestes, profiter d'un dernier sourire dans un dernier soupir, d'écouter le silence, d'accomplir ce qui te trottent dans la tête depuis tant d'années, avant de t'évaporer définitivement dans les dernières volutes de ton café.
 
Étrange atmosphère, mais belles méditations. Dans une lenteur et un silence apaisant, je les observe tous, assis à cette table pendant que la femme diaphane s'éclipse quelques instants pour pisser, libérant ainsi la fameuse table au café fumeux. Et ainsi, prêt à ressentir des moments de partage et d'émotion. Ce sont de brèves rencontres mais qui pour certaines ont vu pointer quelques mirages lacrymaux de mon triste regard. Des instants éphémères sur le présent et le passé, mais qui pourtant ont su me bouleverser. Une éloge de la lenteur et de la répétition, mais la vie n'est-elle pas que répétition, je me lève, je bois un café, je lis, je vais pisser, je bois une chouffe, je lis, je vais pisser, je lis, je me couche, je vais pisser, une dernière bière... Tel un mouvement perpétuel où les pages d'un bouquin se tournent et se tournent, et se retournent, comme toi dans les draps de ma vie, et lorsque le livre atteint sa dernière page, et lorsque la bouteille laisse sa dernière goutte, tu changes de livre et tu reprends une autre bière.  
 
"- Que voulez-vous faire en retournant dans le passé, monsieur Fusagi ? Y a-t-il quelque chose que vous voudriez recommencer ?
- Eh bien...
M. Fusagi réfléchit un peu, puis il reprit sur un ton enfantin.
- Oui, mais c'est un secret."
 
"Tant que le café est encore chaud", Toshikazu Kawaguchi.
Traduction : Miyako Slocombe.
 

 
B O N N E   A N N É E   E T
 
B O N N E   C H O U F F E 
 
2 0 2 3 (et des poussières)


1 commentaire:

  1. Alors, je n'ai pas détesté mais pas adoré non plus. Pas fan des romans "fantastiques". Un peu influencée par le bandeau-promo lorsque je l'avais acheté...

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