« Huejotzingo se reposait. Cette nuit-là, d'évidence, les fantômes se promenaient paisiblement, certains de ne pas être importunés.
Il était revenu au village afin de chercher les vestiges des jours précédents : mouvement, lumière, corps faits de rythme et de fracas, odeur de poudre et rues ornées de papier crépon. Mais c'était un retour inutile, rien ne se répéterait, aussi avait-il noyé son angoisse dans le mezcal qu'on lui offrait à chaque étal. »
Enrique dit « Le Corbeau » pour son pardessus noir qu’il porte continuellement, roule sur la route fédérale 190. Chauffeur de taxi, il se dirige vers Huejotzingo. Ambiance de fête, musique dans les rues, un cirque s’installe sur la place centrale, au milieu des nains sans sa blanche neige, à moins que ça soit cette blonde qui vomit à l’arrière de mon taxi. Je deviens corbeau noir, oiseau de mauvais augure, qui vole sous les étoiles de Puebla, l’esprit ailleurs, le regard perdu sur une lune qu’il ne voit plus…
« Depuis son arrivée en ville, c’était la troisième fois qu’il voyait s’effondrer un corps, aussitôt couvert de sang. Mais à cette différence : le dernier, il l’avait assaisonné au préalable.
- Arrête, arrête, dit le Corbeau à Marco.
Il sortit du taxi et alla vomir à l’écart.
La ville offrait son air innocent habituel. Nul ne pouvait imaginer que ses rues recelaient un cadavre encore tiède et une blonde qui lui devait quelques explications, se disait le Corbeau, courbé sur le vomi. »
A Huejotzingo, au milieu des rires et des mariachis, le Corbeau a les yeux tristes, comme dénués de vie. Le cœur a ses peines, le mezcal coule dans ses veines. Il erre, courant d’air, et vole dans le noir, ou roule dans son taxi. Au détour d’un tournant, entre un café qui sert de la cerveza fraîche et un autre café qui sert de la cerveza moins fraîche, il assiste à un meurtre. Et là, ça commence à s’embrouiller. Dans son regard, dans sa tête. La blonde gerbe toujours, trop de cerveza, ou trop de peur. Des nains s’engouffrent dedans, le taxi pas la blonde tu me prends pour qui un pervers triste, et je t’ai parlé de cette photo de James Dean jouant de la clarinette ? Et pourquoi il y a ces méchants qui me poursuivent ?
Bref, une histoire de Corbeau, de blonde et de méchants. Une cerveza fraîche, des trompettes mariachis et la blonde qui vomit à l'arrière des taxis. Oui, j’en veux encore, les histoires de vomis, ça me fait marrer, ça m’émeut.
« Le Corbeau, la Blonde et les méchants », Juan Hernandez Luna.
Traduction : Christophe Josse.
Le mois LATINO, c'est (re)parti !
« Cher docteur Corazón,
Vous connaissez mieux qu'aucune autre femme les abysses de l'âme et vous allez pouvoir m'aider. J’adresse ma lettre à la rubrique dont vous avez si dignement la charge, car je connais fort bien le ton de confidence des missives qui expriment l'angoisse de ceux sans personne à qui faire part de leurs tourments, comme moi.
Cher docteur, je vis avec un jeune homme. Pedro. Tout allait pour le mieux jusqu'au soir où il m'a obligée à me servir d'un de ces appareils prévus pour la masturbation en arguant du fait qu'à ses yeux c'était une marque d'amour essentielle. J'ai obéi. Ah, docteur, c était horrible, je n'y ai pris aucun plaisir car lui aussi se masturbait en me voyant fourrer l'engin entre mes jambes. Plus tard, je l'ai surpris en train de se masturber devant des revues franchement dégoûtantes. Je n'invente rien, je les ai vues. Docteur, vous me croirez si je vous dis qu'elles m ont excitée à mon tour ? Est-ce que je suis malade ? Est-ce qu'en moi je portais le germe latent de la lubricité ? Je profite actuellement de son absence pour me toucher devant ces photos. L'autre jour, il m'a surprise ainsi. En représailles, il ma forcée à me déshabiller. J'ai obéi. Ensuite il m'a dit d'enfiler un long manteau. J'ai obéi. Rendez-vous compte, docteur, on est partis se promener. On est allés au cinéma, dans un magasin, puis on a dîné au restaurant. A la fin du repas, le voilà qui se met à me caresser. Moi j'étais écarlate (l'excitation me fait rougir), je lui disais non, attends, car en face un monsieur nous regardait. Alors il se lève de table et s'approche du monsieur. J'ai cru qu'il allait le gifler. Non. Il l'a invité à notre table en lui proposant de me caresser lui aussi. Je ne savais que faire. L'homme est venu me tripoter. Il n'était pas maladroit, de sorte que Pedro ne s'est pas contenté d'assister à la scène, il s'est remis à l'ouvrage, et moi je jouissais sans arrêt, jusqu'à ce que l'un d'eux m'enfonce un doigt dans le cul, alors là j'ai crié car jusqu'alors on ne m'y avait jamais rien introduit. Après, le maître d'hôtel nous a gentiment priés de quitter le restaurant.
Ah, docteur, quel dommage. Je ne sais pas si je dois continuer, j'attends d'abord votre réponse.
Cordialement vôtre,
L'Inconsolée de Tampico. »
Ca a l'air un peu confus, non ?
RépondreSupprimerConfus peut-être, mais je pressens une confusion volontaire de l'auteur qui met tout un tas d'à-côté saugrenu autour de son histoire. Et même si par moment, je me demande l'intérêt, je reste captivé par le scénario...
SupprimerEn tous cas, tu as piqué ma curiosité, et puis j'aime bien ces éditions Atalante, j'y ai notamment découvert l'argentin Enrique Medina ("Les tombes" et "Les chiens de la nuit") dont les textes sont très forts.
SupprimerDe Enrique Medina, j'ai El Duke dans ma PAL... Ca me donne envie de le lire, je sais pas si ça pourra attendre le mois Latino 2024... :-)
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