mardi 27 février 2024

Le Viking du Salvador


Si tu vas à San Salvador, Va voir la servante Qui sait lire dans les yeux du sort Aussi dans les flammes. Elle te dira des mots très forts Comme les tambours Qui dansent sur la terre des morts Juste avant le jour.

Si tu restes à San Salvador, Va voir le Viking. Il vit dans son passé d’ex-catcheur et n’hésite pas à se remémorer ses faits de gloire à l’époque où ses combats n’étaient pas encore télévisés. Recyclé dans la police politique, il erre dans les rues, l’air d’un chien errant, bouffé par ses intestins, une haleine qui put déjà la mort, le visage dégoulinant de sueur mortifère.

« Il a peur d'être mis en congé d'office, renvoyé chez lui.
- T'es vraiment trop con, Viking, lui dit le Chicharron en redémarrant. Tout le monde sait que tu es en train de crever.
Il voudrait chercher un chiffon sous le siège pour essuyer le pistolet, mais il reste là, affaibli, incapable du moindre geste ; rien que la nausée, la fièvre, la brûlure au fer rouge dans le ventre, et à nouveau cette bave pourrie dans la bouche. »

Si tu visites San Salvador, n’oublie pas de descendre dans les cachots du Palais Noir, la répression signe sa torture, les subversifs lancent des bombes contre ses façades. Maria Elena qui devait faire le ménage chez le petit-fils de son ancien patron note la disparition de sa famille et va s’entêter à trouver ce qui a pu lui arriver… La servante va donc se rapprocher du catcheur, qui lui aussi a disparu lors d’une échauffourée… 

C’est toute l’Histoire du Salvador, ces histoires de disparitions, ces meurtres et cette répression sanguinaire et aveugle. C’est l’histoire de Horacio Castellanos Moya, né au Honduras, grandissant au Salvador avant de s’exiler au Mexique. La violence, ça le connait donc, et ça transpire dans chacun de ses romans. Comme les menaces de mort, à force de montrer l’air et la politique de son pays. D’ailleurs ce roman suint la mort, la putréfaction de la chair, l’odeur de corps brûlés et de cris étouffés. C’est ultra violent, mais c’est ça le Salvador. Et au milieu de ces chars et cette guérilla, presqu’un rayon de soleil, en la personne de Maria Elena, un petit bout de femme forte, une grand-mère vivante qui se bat pour retrouver son jeune patron, et son petit-fils qui aurait adopté la cause des subversifs marxistes. Loin d’être une simple servante, elle a du cœur et fait appel au cœur du catcheur – qui en pinçait secrètement pour la servante il y a quelques années - pour sauver ce qui peut l’être, même dans les geôles de la junte militaire.     

« La Servante et le Catcheur », Horacio Castellanos Moya.
Traduction : René Solis.










Le mois LATINO, c'est en février ! 



« La plupart des tables sont occupées. Il en trouve une près de la fenêtre. Il sort les écouteurs et met une cassette de Led Zeppelin dans son walkman. […]
Il aime bien cette cafétéria, parce qu’il y trouve plus de beaux culs à admirer que dans la cafétéria de sa faculté ; peu de jolies filles font des études d’ingénieurs.
Black Dog est sa chanson préférée. Il chantonne : ‘Hey, mama, said the way you move…’ » 



6 commentaires:

  1. Mon prochain (et dernier) billet latino sera salvadorien également, et tout aussi violent...

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    1. Faut dire que le Salvador vit dans la violence depuis des décennies... La littérature n'y donne pas très envie d'y poser ses valises...

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  2. Bon j'irai pas au Salvador.
    Un ptit bonjour en passant... avec mes sabots oh oh oh.

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    1. Moi non plus, même en passant, j'irai pas mettre mes sabots à San Salvador. Alors je continue de lire Horacio, mon quatrième je crois. C'est toujours bon, toujours violent, toujours de la guérilla....

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  3. Dans le bilan du mois latino, on se demandait justement pourquoi les éditeurs français nous proposent quasi exclusivement de la violence politique ou du réalisme magique (ou apparenté) : il doit bien s'écrire autre chose en Amérique latine...

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    1. Oui... J'ai remarqué que si je veux de la poésie, il faut que j'aille surtout en Haïti où malgré la violence de l'île, les écrivains se font souvent poètes... Ou alors faut descendre bien bien au Sud, sur la Patagonie...

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