lundi 3 juin 2024

La Mélancolie d'un Vieux Shérif


  Le blizzard s'installe dans le Wyoming, le vent se mêle à la neige, les rues de Durant s'illuminent de quelques lampions colorés. Le shérif Walt Longmire s'apprête à installer un sapin devant son office, joyeux Noël. Mais avant, il doit passer à la maison de retraite où le corps de Mari Baroja a été découvert ce matin, totalement froid. Mais bon à cet âge-là, cela ne sera qu'une formalité administrative. Walt se voit déjà ce soir, au coin de la cheminée, une bouteille de Gouden Carolus Whisky Infused, une merveille cette bière, presque aussi sombre qu'une nuit sans lune, la lune a d'ailleurs déserté son paysage depuis quelque années, on dirait.
 
  "Des salves piquantes de neige dévalaient les Hautes Plaines à cinquante kilomètres à l'heure. C'était comme si la météo avait décidé de passer de défavorable à épouvantable à la minute où j'avais trouvé Anna Walks Over lce dans la poubelle. La colère que je ressentais était comme le vent. La rage n'a pas sa place dans le maintien de l'ordre, et je lui résiste la plupart du temps, mais elle est là, guettant les brèches ouvertes par les passions, attendant que je trébuche ; et je venais de faillir."
 
  Si seulement son mentor, l'ex-shérif de Durant, ne dormait pas dans une chambre voisine et s'il n'avait pas eu une liaison il y a bien des années avec cette femme. De quoi l'inciter à mener quelques investigations supplémentaires et à douter d'une mort trop naturelle. Longmire m'emmène alors vers une enquête au milieu de la poussière, y croisant comme souvent des carcasses de bisons et des noms qui font voyager l'esprit, Henry Standing Bear, Brandon White Buffalo, Lonnie Little Bird, Ellen Runs Horse - des indiens connectés à leurs ancêtres et aux animaux sauvages dont ils héritent leurs caractères.  
 
  Soudain, une ombre surgit devant les phares de mon pick-up, un hibou gris d'une envergure jamais vu se pose aux abords de la route, dans un nuage de poussière. Il me jette un dernier regard avant de s'envoler vers l'au-delà : les indiens disent de lui que c'est un messager du camp des morts. Je m'installe alors sur la terrasse, emmitouflé dans une couverture, balancé dans mon rockin' chair. J'écoute la douce mélodie des flocons de neige virevolter dehors comme des ivrognes sortis du Blue Moon Café. Demain sera Noël, Joyeux Noël les amis - je prends de l'avance, et m'endors inconsciemment le regard épuisé de cette vie, le blizzard masquant le bleuté de la lune d'hiver. La mélancolie d'un vieux Shérif.
 
  Le lendemain matin, alors que le ciel m'a épargné de sa fureur de glace et que les Hautes Plaines se parent d'une couleur rose-orangé, je retrouve par terre ma bouteille de Pappy Van Winkle's Kentucky Straight Bourbon Whiskey de vingt ans d'âge. Vide, il est temps que je rejoigne moi aussi le camp des morts.
 
  "Je me tournai vers ma compagne de route. Si les femmes savaient à quel point elles sont jolies dans les lueurs du tableau de bord d'un gros pick-up, elles n'en descendraient jamais." 
 
"Le Camp des Morts", Craig Johnson.
Traduction : Sophie Aslanides
 

 

2 commentaires:

  1. Belle citation. Belle bouteille, mais vide. Belle musique des FF. Je n'ai lu qu'une fois Craig Johnson (Enfants de poussière, je crois)

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    1. Ce n'était que ma seconde lecture du shérif Longmire... mais la série est longue et j'en ai toute une collection encore...
      Et je sens que tu rêves d'un gros pick-up dans la poussière :-)

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