« Arrivés
sur la crête, nous découvrîmes, au nord, une immense prairie,
aussi différente des terres que nous venions de traverser que la
verte Irlande peut l'être du Sahara. Couchés dans les hautes herbes
grasses, plus de cinq cents bisons ruminaient paisiblement. Ils ne
prirent conscience de notre présence que lorsque les hordes de
cavaliers se précipitèrent sur eux du haut de tous les sommets
environnants.
A
la vue du troupeau, les Indiens s'étaient mis à pousser des
hululements stridents. Des coups de feu claquèrent. Aussitôt les
bisons se relevèrent et s'enfuirent dans un tonnerre assourdissant
qui fit trembler le sol. »
A
vivre cette grande épopée de l'ouest sauvage. Chevauchant des
collines de poussières et d'herbes folles, entraîné par la folie
des hommes et la promesse de richesse symbolisée par fourrures et
peaux, sauvé sa peau d'une horde de sauvages, des indiens et des
blancs, une vie sans loi. 1820, quittant le Missouri de St-Louis, une
nouvelle compagnie de chasse et de trappes. Juste deux trois années,
le temps d'accumuler des peaux et un pécule pour fonder sa famille
avec cette sublime brune au regard de braise. Mais la vie de trappeur
n'est pas aussi idyllique que cela peut paraître, dormir à la belle
étoile, s'enfiler quelques godets de whisky de contrebande, bouffé
un steak d'ours... Bref, j'en ai rêvé, comme ces rêves de gosses,
j'en suis revenu, la tête KO par ces bisons morts, et l'odeur de
cette viande en putréfaction.
« Au
fond de la vallée paissait une seconde harde, aussi important que
celle que nous chassions, piégée elle aussi à l'intérieur des
collines. Nous l'apercevions de loin qui cheminait dans notre
direction, taches mouvantes piquetant la verdure.
Les
deux troupeaux se dirigeaient l'un vers l'autre. Ils n'étaient
maintenant séparés que d'une centaine de yards, puis cinquante,
puis trente... Ils se percutèrent dans un fracas de sabots, de sourds
mugissements, de beuglement aigus, s'éparpillant tous azimuts,
tournoyant sur eux-mêmes, soulevant des trombes de poussière. »
Shannon
Burke, premier métier ambulancier à Harlem, avant d'être attrapé
par la fièvre, non pas de l'or mais de l'écriture, signe ici un
formidable roman d'aventures, aux confins de l'ouest sauvage. De la
sauvagerie des hommes à chaque page, du massacre de bisons toutes
les deux pages, une descente de whisky une page sur trois. La nature,
ses collines verdoyantes avant de virer au rouge écarlate, puis au
rouge sombre, noir. Les vautours virevoltent au-dessus d'un amas de
tripailles. L'odeur est tenace, que la pluie et la nuit ne sauraient
effacer de ma mémoire. Alliance et désalliance, l'homme est un
loup, encore plus sauvage que l'animal qui sommeille en chaque être,
prêt à retourner sa veste de bison pour quelques pièces d'or, ou
en l’occurrence gagner quelques chargements supplémentaires de
peaux fraîches.
« Le
whisky chauffait mes veines, une immense lassitude m'envahit et je
m'endormis en rêvant de notre épopée dans l'obscurité glacée.
Mon cerveau repassait chaque minute de cette épreuve, moins pour me
faire réfléchir aux événements que pour me faire comprendre que
j'avais atteint les limites de mon endurance physique et mentale. »
Selle
mon vieux cheval, chevauche les prairies cheveux au vent, sors la
winchester, tire, des cris d'indiens au loin. Épuisé le dos fourbu,
les santiags poussiéreuses, je rentre dans ce comptoir aux abords de
la sauvagerie. Des regards pas tendres, quelques putes pour
l'ambiance, on me sert un de ces tords-boyaux qui font soit devenir
un homme, soit devenir aveugle. Une chance sur deux, le choix du
trappeur. Je survis à cette première épreuve. Je me remets en
route, en piste devrais-je dire, la route de l'ouest n'est pas encore
tracée, se méfier des canadiens, se méfier des espagnols, se
méfier des peaux rouges, bref, je suis seul à travers la nature –
encore, pour quelques mois seulement – luxuriante. De magnifiques
paysages aussi sublimes qu'un poème récité par une de ces poupées
dénudées. Je croise quelques cadavres, qu'il faut enterrés, je
ramasse quelques peaux, qu'il faut cachées. Nuit à la belle étoile,
des flocons de neige qui scintille autant que les poussières du
ciel. La lune me toise de sa hauteur et de sa splendeur, trop belle
pour moi, blue moon. L'amas de poussière et la mort du bison.
Merci.
« Dernière Saison dans les Rocheuses », Shannon Burke.
Traduction : Anne-Marie Carrière.
Traduction : Anne-Marie Carrière.
« De
ma position, je voyais la prairie où gisaient les cadavres de
centaines de bisons, certains déjà dépecés. Des vautours
déchiquetaient les entrailles, disputant leur festin aux pies qui
laissaient en s'envolant des traînées cramoisies sur l'herbe verte.
Les toisons sanguinolentes des bêtes non dépouillées attiraient
des meutes de loups excités. »
Oh j'aime pas le titre de ton billet. Allez, avoue que c'est toi qui l'as écrit ce bouquin. Evidemment je vais aller traîner ma carcasse par là, 10-18, Jack Daniels, tout ça me plait. Je ne connaissais pas The White Buffalo mais tout aussi évidemment ça me va comme une peau de bison sur mes épaules délicates. As-tu vu La dernière chasse (Richard Brooks, Robert Taylor, Stewart Granger, 1956)? Magnifique. Par contre éviter Le bison blanc, une bronsonerie assez ridicule. A écouter, John Hiatt, Buffalo River Home.
RépondreSupprimerSo long my friend. Et merci.
La dernière chasse, je crois pas... Par contre, cette Bronsonerie... Oui, enfin presque... Je n'ai pas tenu jusqu'à la fin... Même avec Bronson...
SupprimerJohn Hiatt, oui...
Buffalo river home... pas du tout, va falloir que je regarde ça de plus près... En matière de musique, tes goûts sont souvent bien fondés.
R.I.P.
RépondreSupprimerBon débarras ! :-) et paix à son âme...
SupprimerIl me maquerait quand même... un peu ! ^^
Supprimerflatteur, va...
SupprimerLe Bison est mort... Vive le Bison !!! ;D
RépondreSupprimerle bison est facilement interchangeable ;-)
SupprimerDormir à la belle étoile, s’enfiler de la binouze et bouffer du steak d’ours. Le rêve... qui au réveil nous cogne comme une gifle. Fuck le blizzard.
RépondreSupprimerL’ours est mon ami (oui oui), le bison aussi, alors sous la blue moon, avec eux, je me méfie des hommes...
Y'a rien de bon dans les hommes... C'est pas comme le blizzard... Fuck, une binouze dans le blizzard, le top...
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