Il y a des bruits qu’on souhaite oublier, qu’on ne souhaite même pas nommer, qu’on ne devrait même pas décrire, tant ils nous renvoient vers l’inhumanité de ce monde et vers l’odeur de chairs brûlées. Le Pikadon. D’ailleurs, d’où vient ce nom qui prêterait presque à sourire de mon point de vue occidental et qui ferait plus penser à une version peluchée d’un manga plutôt qu’au souffle d’une bombe déposée – larguée - sur les collines de Nagasaki, un 9 août 1945. Alors, je sors mon encyclopédie numérique : « Pika » signifie étincelle, lueur ou éclat soudain de lumière. D’une beauté poétique, en somme, c’est comme une aurore boréale sous des latitudes nippones. « Don » lui pourrait se traduire par un gros boum !, une genre de déflagration. Associés ensemble, ces deux mots marquent surtout la défaite de l’humanité.
« J’eus
l’impression que le cœur du monde venait d’exploser. Certains allaient le
décrire par la suite comme un bang mais il ressemblait plus au fracas d’une
porte se rabattant violemment sur ses gonds ou à la collision de plein fouet
d’un camion-citerne et d’une voiture. Il n’existe pas de mot pour ce que nous
avons entendu ce jour-là. Il ne doit jamais y en avoir. Donner un nom à ce son
risquerait de signifier qu’il pourrait se reproduire. Quel terme serait à même
de capturer les rugissements de tous les orages jamais entendus, tous les
volcans, tsunamis et avalanches jamais vus en train de déchirer la terre et
d’engloutir toutes les villes sous les flammes, les vagues, les vents ? Ne
trouvez jamais les termes adéquats capables de décrire une telle horreur de
bruit ni le silence qui s’était suivi. »
Mais
pendant que mon imagination s’évapore vers cette poésie explosive, quelqu’un
sonne à la porte. Et les souvenirs ressurgissent d’un passé douloureux. Des
années non pas d’oublis mais d’effacement progressive de la mémoire ou de la
conscience. Un type se présente à la porte, dans le froid. Le visage brûlé,
déformé que même la pénombre des heures n’arrive pas à cacher. A des années du
temps et du lieux, une fuite en Amérique, s’enfuir à tout prix de cette douleur
insupportable, insurmontable. Mais au final, est-ce que cette fuite a eu raison
de cette amère souffrance. Laissez les autres, sa famille, des fantômes sur les
collines de Nagasaki, loin d’une vie que l’on espère meilleure. Pourtant, même
en Amérique, les fantômes peuvent ressurgir du passé.
La
voix du passé, la voix des vagues qui se fracassent sur un nouveau rivage, le
visage dévasté, les collines brûlées, le vent qui charrie ces odeurs de mort et
de chair calcinée. Un roman sur le souvenir, sur ces secrets que l’on garde enfouis au
fond de soi, sur cette fuite impossible devant l’impensable. On n’échappe plus
au Pikadon, une fois entendu, il reste gravé dans l’âme, même les meilleurs
« pur malt » importés d’Écosse, aux impressions tourbées qui
persistent dans le palais, ne parviendront à venir à bout de ce bruit sourd qui
reste au niveau des tympans, de cette odeur de chair brûlée qui reste au niveau
des narines, de cette poussière de cendre noire qui reste collée à la peau,
c’était un 9 août de l’année 45.
« Même
la douceur de la pénombre ne parvenait pas à déguiser ses cicatrices. »
« La
voix des vagues », Jackie Copleton.
Traduction :
Freddy Michalsky.
Salut, le Bison
RépondreSupprimerEncore une fois, les apparences sont trompeuses : un si joli titre, alors que le récit présente tant de noirceur !
75 ans après les bombardements sur le Japon, il importe d'entendre les voix qui nous parlent du Pikadon, même s'il s'agit plus de cris de souffrance que de mots...
Une lecture pas très facile, je suppose, mais intéressante.
un joli titre, une belle couverture, ça sent la poésie... avant d'ouvrir les pages et sentir la chair brûlée, le souffle chaud et aveuglant d'une meurtrissure à jamais refermée....
SupprimerPikadon moi, ça me fait plutôt penser à un fromage...
RépondreSupprimerC'est que je vois bien môssieur des Charentes faire son propre fromage de chèvre... Cela dit tu as raison... cela pourrait faire un fromage goûteux avec quelques notes phosphorescentes...
SupprimerQuel titre sublime quand même!
RépondreSupprimerUn titre qui semble constraster avec le bonbardement atomique de 45. Un titre qui a forcément tout son sens dans ce livre que je ne connais pas mais qui doit être extrêmement touchant et beau...
Et cette musique,fucking sublime :-*
Beau titre, celle couverture, belle musique, belle étiquette... je ne me souviens plus si la bière était à la hauteur d'un bombardement atomique... Tout est sublime, sauf ma poussière... de radioactivité.
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