Panique… Et je n’ouvre que la première page, je suis pris d’une panique grandissante devant ce petit mouvement de violence qui s’instille dans cette putain de vie. Il ne faut pas grand-chose pour déliter une vie, un bus, un flingue et la panique. Mais courageux, je suis, persévérant je continue. Je me prends un verre de whisky, un Cutty Sark, comme le trois-mâts. Les souvenirs refont surface et égrènent cette douleur insidieuse qui sue à travers les pores de ma vie, de mon être, mal-être. Un couteau, long, effilé, la lame froide, l’âme froide, tentant, très. Je prends une lame de rasoir, une perle de sang coule, s’écoule, mes veines se teintent, se vident, ma vie s’écoule le long…
« Je m’appelle ________________. Je suis un _________________. En désintox à Watertown. Par longs segments entortillés, on vous éviscère. Vingt-neuf ans lorsque incarcéré dans le centre (fermé, sécurité moyenne) et trente ans quand j’en suis sorti, « sevré », « clean », sept mois plus tard et pour la première fois mes pensées étaient si claires et si cristallines que j’étais capable de pleurer sur ma jeunesse – « prometteuse » - perdue – quoique très probablement, soyons réalistes, la perte de ma jeunesse prometteuse ne pouvait avoir plus d’importance que des détritus voletant dans le vent. Et pourtant : ‘Nous avons foi en toi, en ton talent. Tout ce que tu as à vivre et à apporter au monde’. C’était ainsi, en déintox, quand les hallucinations s’étaient calmées, quand on avait cessé de me donner cet anticonvulsif qui me faisait l’âme aussi plate que ces cadavres d’animaux écrasés sur les routes, je m’étais remis à écrire, des poèmes lyriques dans le style ‘Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux ? Et je l’ai trouvé amère. Et je l’ai injuriée’ dont vous ne m’auriez pas cru capable (n’est-ce ? Vous qui vous imaginez avoir vu au fond de mon cœur ?) car j’avais un jour su assez de français pour lire Rimbaud, et cela avant mon amour pour Magda Maria dont la famille venait du Québec, une poésie lyrique jaillissant comme la flamme irisée d’un briquet bon marché et ayant la nature fugace de cette flamme que certains prennent pour les illuminations profondes de l’âme. »
Dans
un centre de remise en forme ou une décharge, la vie a ses ombrages, sa
violence intrinsèque. En cure de désintox, je récite le sutra du cœur, celui d’une
vie, d’une femme, d’un homme. Une idylle qui a également son lot de violence,
de trahison, de fausse harmonie. A Princeton. A Lost Lake Mountain. En zazen ou
recroquevillé dans un vieux fauteuil en cuir. Un coup de Kyôsaku sur l’épaule
ou une seringue plantée dans le bras, un aller-retour des pensées et de la méth,
l’âme s’écoule en ta demeure de chair. Chère Carol, ou Joyce, je crois que c’est
mon premier recueil que j’aborde avec toi, j’aurais envie de te l’écrire, te le
dire, un verre de Cutty Sark entre nous, mais le déséquilibre du lecteur sorti
de sa poussière peut s’avérer dévastateur. J’ai adoré, ces histoires sombres où
l’espoir a abandonné nos misérables vies poussiéreuses. Cela fait du bien, un
bien fou de se sentir mourir à petits feux dans l’univers ombragé de tes
nouvelles.
« Il faut que j’y aille maintenant, c’est le moment où les Ténèbres triomphent. »
« Cher
époux », Joyce Carol Oates.
Traduction : Claude
Seban.
Elle t'a en tout cas inspiré un bien beau billet...
RépondreSupprimerune auteure qui m'inspire toujours...
SupprimerOates ne m'a jamais déçue avec le format nouvelles, mais je n'ai pas lu ce recueil, qui visiblement mérite le détour ! Concernant ses romans, j'oscille entre déceptions et coups de cœur (elle a une bibliographie si dense qu'il est difficile de faire le tri), mais j'y reviens régulièrement.. Mon prochain sera son Livre de martyrs américains, qui me tente énormément..
RépondreSupprimerTrès tentant effectivement son Livre des martyrs américains. JCO ne m'a jamais réellement déçu. Certains de ses romans m'ont moins passionnés que d'autres, mais d'autres furent synonymes de coups de cœur, mais avec une telle densité de livres, elle ne peut pas satisfaire à chaque fois toutes les envies d'un vieux bison...
SupprimerQuand on met le nez dans Carol si je puis dire, on en sort pas. Et l'œuvre est abondante.
RépondreSupprimerOooohhhh. Tu serais une adepte de Carol... J'ignorais... Bon OK, j'ignore beaucoup de choses... Autant, je sais des trucs sur tes goûts cinématographiques (Client ou Sean ? Bon OK, le plus beau c'est Paul... ou alors Robert), autant sur tes lectures, j'ignore tout (à part peut-être une passion pour l'Irlande)...
SupprimerClint et Paul sans la moindre hésitation.
RépondreSupprimerEt aussi éclectique en matière de lectures qu'au cinéma je crois. Mais j'ai du mal à trouver des livres que tu lis et que j'ai lus.
Là je vais terminer Octobre de Soren Sveistrup un thriller page turner.
C'est Robert qui va être déçu :-)
SupprimerDe Joyce je n'ai lu que de gros pavés, le genre de gros roman bien épais que certains pourraient qualifier de "pas d'classe" quand ils sont offerts.... :D
RépondreSupprimerSes nouvelles, je viendrai bien m'y frotter un jour, je l'aime tellement cette Carol!
j'ai lu des p'tits pavés qui ont plein d'classe quand ils sont offerts, des gros pavés qui ont pas d'classe quand ils sont offerts. Et finalement, après une dizaine de découverte, je tombe sur un recueil de nouvelles qui a pas d'classe non plus :-)
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