mardi 9 novembre 2021

La Taille de son Âme


Profession ancien disquaire au Revolver, Vernon Subutex ferme la grille rouillée depuis quelques années déjà du magasin. Toute une époque, les années 80, sa musique, ça me parle, forcément. 
 
Au charme indéniable, Vernon se retrouve à la rue. En guise de cahier d'adresses, Facebook lui fournit ses contacts d'antan, des filles devenues femmes, des femmes devenues vieilles. Lui aussi a quelques rides en plus, mais toujours ce même sourire, cette aura irrésistible. Vernon a revendu toute sa collection de vinyles pour survivre jusque là, aujourd'hui, ce soir, cette nuit, lune bleue et étoiles inoubliables, oublié le magasin et ses âmes qui y passaient... Du passé de Vernon, il ne reste plus rien, si ce n'est toujours cette même passion pour la musique, et les dernières confessions d'Alex Bleach sur bande magnétique, l'overdose psychotique.
 
"Passé quarante ans, tout le monde ressemble à une ville bombardée. Il tombe amoureux quand elle éclate de rire - au désir s'ajoute une promesse de bonheur, une utopie de tranquillités emboîtées -, il suffira qu'elle tourne la tête vers lui et se laisse embrasser, et il accédera à un monde différent. Vernon sait faire la différence: excité, c'est le bas-ventre qui palpite, amoureux, ce sont les genoux qui faiblissent. Une partie d'âme s'est dérobée - et le flottement est délicieux, en même temps qu'inquiétant: si l'autre refuse de rattraper le corps qui sombre dans sa direction, la chute sera d'autant plus douloureuse qu'il n'est plus un jeune homme. On souffre de plus en plus, à croire que la peau émotionnelle devient plus fragile, ne supporte plus le moindre choc."  
 

J'erre dans la rue, à chercher le garçon ou la femme aussi belle qu'une balle - de Revolver. J'en croise du monde, des chagrins d'amour, des émotions dans chacun d'entre eux. A m'asseoir sur un banc, cinq minutes avec toi, et regarder les gens... j'en apprends sur le monde, sur cette société-là qui ont fait de moi ce type qui n'avait que la musique dans les années 80 pour découvrir son monde. 
 
Du sexe, de la drogue et surtout du rock'n'roll, soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien, Vernon Subutex est un kaléidoscope de notre société, de sa violence, de son indifférence. Entre références et play-lists revival, j'erre - dans quel état - dans les sillons de Vernon. Empli de peine et de compassion, je suis également tombé sous le charme de sa petite gueule d'ange, un sourire à la Romain Duris. De mes silences, je sors sa bande son, relisant intérieurement le psaume 23, je perçois la taille de son âme...
 
"Vernon Subutex, tome I", Virginie Despentes.


"Il change de son. Tostaky, Noir Désir. Une aube grise répand un peu de lumière dans le salon. Elle lève les poignets au-dessus de sa tête, suit la guitare, les yeux mi-clos. Elle a toujours eu tout ce qu'elle voulait des hommes en dansant pour eux. Tostaky, cette rythmique française, lourde - elle connaît. Les hanches calées sur la guitare, le dos sur la batterie. Tostaky. Vernon doit être un beau salaud. Elle les repère avec son ventre : si elle a envie d'eux, c'est qu'ils ont les mains sales. Elle a le drame dans le sang, elle ne jouit qu'avec les mecs dangereux. Ceux qui veulent te faire la peau sont toujours les amants les plus courtois, sans quoi tu ne te laisserais pas faire. Personne n'accepte la première gifle si elle ne vient pas accompagnée d'un flot merveilleux d'excuses, de promesses, une intensité de ne pas vouloir te perdre, de ne pas envisager de te perdre. Ceux qui peuvent te tuer sont toujours ceux qui tiennent le plus à toi. Quand elle a vraiment envie d'eux, c'est qu'elle sent qu'ils pourraient la tuer. Elle n'a pas besoin de chercher ses yeux pour savoir qu'il la regarde. Quand elle danse, elle doit retenir ses gestes, elle a passé l'âge de se donner en spectacle, elle retient l'énergie. Ses poignets se cassent, happent l'air, les doigts tendus sur chaque note, puis derrière la nuque, elle fait le geste de laisser tomber quelque chose au sol, au niveau des reins. Tostaky. La beauté stupéfiante de ce chanteur français - le plus latin de tous."



11 commentaires:

  1. Alors... je me suis arrêtée alors qu'il ne me restait que 100 pages à lire. C'est couillon, mais je n'en pouvais plus. Je ne me souviens plus de quoi exactement je ne pouvais plus.
    Une amie lectrice m'a dit que le deuxième tome était meilleur mais du coup, sans avoir lu le premier...
    Bref, commentaire sans intérêt.
    P.S. : pas très en forme le Daniel :-('

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Couillon, c'est peut-être le mot. Moi je l'ai commencé le soir où j'ai fini la série avec Romain Duris (peut-être l'as-tu vu d'ailleurs). Du coup, je connaissais l'histoire toute fraîche avant. Il y a beaucoup de monde, de rencontres, difficile de mettre des noms, des visages...

      Daniel a eu une fin difficile... Et c'est peut-être cette fin qui me le rend touchant et émouvant...

      Supprimer
  2. En parlant d'âme... c'est sûr qu'on doit être loin de l'univers d' "Âme brisée"... (que je n'ai finalement pas eu envie de lire, juste d'offrir ^^)


    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sûr que ce n'est pas le même genre d'émotion, de musique... Mais il y a pourtant cette même tristesse et belle âme...

      Supprimer
  3. PS : il faut forcément poursuivre la trilogie maintenant ;-)
    Par contre, je n'ai pas vu l'adaptation télévisée (et impossible de m'imaginer Romain Duris en Vernon, perso)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il parait que la suite est encore mieux...
      Moi, j'imaginais pas Vernon avant d'avoir vu Romain, donc forcément puisque j'ai vu la série avant de lire...

      Supprimer
    2. Ah ok ! Elle ne m'a pas donné envie, même après avoir lu les 3 tomes... Une des rares fois où je les ai lus dès leur sortie respective.
      Toi, tu peux tout t'enquiller d'un coup, et ne pas perdre le fil :)
      Je t'envie presque ^^

      Supprimer
  4. Là, j'ai tenu une centaine de pages et j'ai laissé tomber. Je n'ai pas du tout adhérer à la "musique" des mots, un comble !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Dommage Manu... Mais Despentes, on aime ou on déteste (comme Bukowski et cie ;P)

      Supprimer
  5. Ah Vernon! À lire avec du chocolat plein les papilles...... ^^
    Les années 80, la musique, ça me parle aussi. À croire qu'on est vieux, la lune bleue et les étoiles, overdose psychotique et SOYCD. Crisse...
    Et si le sourire de Romain Duris n'est pas loin. Je m'y colle bientôt... avant ou après Baise-moi?
    Fuck le blizzard

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Avec du chocolat, tu as de drôle de fantasmes... Je crois que Vernon préfère le sirop d'érable qui coule, coule, coule... Câlisse d'overdose psychotique...

      Supprimer